(Bordeaux) Un tatouage artistique comme « point final » d’une histoire. Des femmes ayant subi un cancer du sein peuvent se faire tatouer gratuitement en France pour effacer les stigmates dans le cadre d’Octobre Rose, mois de sensibilisation à cette maladie.

Devant le miroir, Nathalie Seguin, 55 ans, découvre avec admiration son tatouage : « Regarde le travail que tu as fait », dit-elle à Yahell, sa tatoueuse pour l’évènement baptisé Rose Tattoo, qui se tient ce jour-là à Bordeaux, dans le sud-ouest de la France.

Une double ablation a fait disparaître sa poitrine, mais on n’en distingue plus les cicatrices : à gauche, elle est désormais recouverte d’un immense paysage asiatique, avec une cascade, des pierres, « car elles sont solides », deux carpes koïs — des poissons « combattants » — et le mont Fuji en fond.

Un décor « zen » et naturel qui a nécessité près de sept heures de travail. Sept heures pour refermer le livre de sept ans de vie qui tourné autour du cancer. Nathalie est touchée une première fois en mai 2015, d’abord au sein droit.

« C’est un tsunami que l’on se prend », confie-t-elle. Elle subit sa première ablation deux mois plus tard. Un arbre et un Bouddha ont déjà été tatoués en 2018 pour en effacer les traces.

« Ça embellit »

PHOTO THIBAUD MORITZ, AGENCE FRANCE-PRESSE

Pascale Mauray, 67 ans, diagnostiquée d’un précancer à 41 ans, s’est fait reconstruire le sein à l’aide de son muscle grand dorsal, ce qui lui a laissé des cicatrices sur deux parties du corps. Elles disparaissent sous l’encre de la tatoueuse Marion (à droite) pour laisser place à de fines fleurs : « ça embellit quelque chose qui n’était pas joli », glisse la sexagénaire.

En 2019, l’autre sein est atteint. Nathalie a « tout balancé chez (elle) », en colère de devoir subir à nouveau une mastectomie et de la chimiothérapie.

Mais aujourd’hui, l’arbre et le Bouddha se marient parfaitement avec la cascade et le mont Fuji. Une « œuvre d’art » orne désormais le buste de la quinquagénaire, qui a refusé une reconstruction mammaire, car elle avait déjà « trop » subi.

Pour Yahell, ce dessin a tout autant de sens : « on ne sauve pas des vies au quotidien, mais là, on aide à la guérison ».

Le cancer du sein est le plus fréquent et le plus mortel chez les femmes dans le monde, avec quelque 54 000 nouveaux cas chaque année et plus de 12 000 décès en France.

Au cours du premier week-end d’octobre, dans une salle d’un hôtel de Bordeaux, une vingtaine de femmes ont choisi de recourir au tatouage. Une première pour la plupart, comme Pascale Mauray, 67 ans.

« Je ne suis pas pour le tatouage au départ. Mais j’organise Octobre Rose dans mon village et quand je suis tombée sur Rose Tattoo, c’était évident », explique-t-elle.

Diagnostiquée d’un précancer à 41 ans, elle s’est fait reconstruire le sein à l’aide de son muscle grand dorsal, ce qui lui a laissé des cicatrices sur deux parties du corps.

Elles disparaissent sous l’encre de Marion pour laisser place à de fines fleurs : « ça embellit quelque chose qui n’était pas joli », glisse la sexagénaire.

« On me dit souvent que le tatouage est un point final », relève Nathalie Kaïd, présidente de l’association Sœurs d’encre qui organise l’évènement. D’autres séances sont prévues notamment à Paris.

Elle se souvient de la première édition, en 2016, où « il y avait sept tatoueuses pour neuf femmes. C’était tellement puissant que j’ai mis deux mois à m’en remettre ».

Depuis, les demandes augmentent chaque année. Les volontaires doivent « attendre un an minimum » après leur dernière intervention chirurgicale et fournir « un avis médical favorable de moins de trois mois ».

Les tatoueuses reçoivent de leur côté une « information technique et médicale » auprès d’une chirurgienne afin de connaître les conséquences aussi bien physiques que psychologiques du cancer.

Pour Sœurs d’encre, l’objectif est de faire reconnaître le tatouage artistique comme une méthode de reconstruction à part entière.

Venue accompagner sa meilleure amie, Sandrine, tatouée trois ans auparavant, assure ainsi qu’elle ne voit « plus le cancer » : « d’ailleurs, je ne parle plus de mon sein, mais de mon dessin ».