La COVID-19 s’est invitée dans la maison de Nicholas Bourgon au mois de février. Sournoisement.

Tout a commencé un lundi matin, quand sa conjointe Mariève a eu un mal de gorge, moins de 24 heures après un contact avec un cas positif. Elle a fait un test rapide — négatif — et a annulé ses rencontres pendant la semaine. Nicholas a lui aussi fait un test rapide avant d’aller au hockey cosom, pour être sûr. Négatif aussi.

Cinq jours plus tard, juste avant le week-end, le couple et ses deux filles de 8 et 11 ans ont refait un test rapide. C’est là qu’ils ont découvert le pot aux roses : la deuxième petite ligne rose s’est affichée sur le test de Mariève et aussi sur celui de leur fille aînée, pourtant asymptomatique.

Ce jour-là, les deux contaminées ont porté le masque dans la maison et ont dormi au sous-sol. Mais après 24 heures, elles ont réintégré le rez-de-chaussée (et Mariève, le lit conjugal). Après tout, ils venaient de passer la semaine ensemble.

Nicholas et sa benjamine n’ont jamais eu de test positif.

Par la suite, l’informaticien a été en contact à deux ou trois reprises avec des gens présymptomatiques, mais il n’a jamais eu de test positif. L’a-t-il eu sans le savoir ? Environ 15 % à 30 % des cas de COVID-19 seraient asymptomatiques.

Mon impression, c’est que je suis un peu immunisé à la COVID-19, parce que j’ai un gène ou un anticorps quelconque. Mais bon, peut-être que dans deux semaines, je vais l’attraper et je vais me trouver cave d’avoir pensé ça !

Nicholas Bourgon

Une importante minorité

Avant que la vague Omicron ne déferle sur la province, on estimait qu’environ 10 % des Québécois avaient contracté la COVID-19. Leur nombre a explosé depuis. Dans une enquête sérologique menée en juin, Héma-Québec a montré que 45 % des donneurs de sang ont développé des anticorps contre la COVID-19 entre décembre 2021 et juin 2022.

Les donneurs de sang n’étant pas totalement représentatifs de la population, les Québécois sont sans doute plus nombreux que ça à avoir attrapé la COVID-19.

Selon le DTimothy Evans, directeur général du Groupe de travail sur l’immunité face à la COVID-19, on peut penser qu’entre 35 % et 40 % des Québécois n’ont pas été affectés à ce jour. « C’est une importante minorité », dit-il.

PHOTO OWEN EGAN, FOURNIE PAR L’UNIVERSITÉ MCGILL

Le Dr Timothy Evans

Diane Beaudry, 67 ans, en fait aussi partie. Elle a eu mal à la gorge quelques fois dans les deux dernières années, elle a elle aussi croisé des gens présymptomatiques, mais elle n’a jamais obtenu de test positif. « Je me sens comme une anguille qui fuit la COVID-19 », résume Diane, grand-mère de cinq petits-enfants.

Son frère, sa sœur et sa mère ne l’ont jamais contractée, eux non plus. Diane a fait attention pendant la pandémie, mais elle se questionne elle aussi sur les facteurs génétiques.

Comportements

Des études montrent que des gènes pourraient diminuer le risque de contracter la COVID-19 ou d’en subir des complications graves. Des chercheurs ont aussi montré que l’immunité acquise grâce aux autres coronoravirus (responsables du rhume commun) pourrait aussi influencer les conséquences de la COVID-19 chez les gens.

Ces travaux apportent des hypothèses intéressantes, certes, mais le facteur le plus déterminant demeure les comportements, souligne Patricia Hudson, directrice scientifique à la direction des risques biologiques à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Bref, les expositions qu’on a eues et l’expérience de vaccination.

Le taux d’infection à la COVID-19 diminue d’ailleurs avec l’âge, justement en raison de la prudence des aînés pendant la pandémie.

Micheline Corriveau, 80 ans, ne l’a jamais attrapée elle non plus, bien qu’il y ait eu quelques éclosions dans sa résidence. Elle se considère comme chanceuse. « Surtout à mon âge, dit-elle. Je ne veux pas l’attraper. »

La Dre Patricia Hudson y voit aussi un élément de chance. « À comportement égal, certaines personnes vont se faire infecter, et d’autres non. »

L’éviter ?

Si les scientifiques ont d’abord espéré pouvoir interrompre la transmission du SARS-COV-2 (le virus qui cause la COVID-19), ils s’attendent aujourd’hui à ce qu’il fasse partie de l’écologie des virus qui circulent d’année en année.

Une personne peut-elle vraiment espérer ne jamais attraper la COVID-19 ?

« C’est sûr que la probabilité que tout le monde finisse par être exposé un jour est quand même bonne, mais ça peut prendre un certain temps, et ça dépend vraiment de comment ça évolue », répond Éric Litvak, vice-président associé aux affaires scientifiques à l’INSPQ.

Le DTimothy Evans souligne qu’il est encore tôt pour dire que la COVID-19 est là pour toujours, mais « oui, convient-il, il est possible que ce soit très, très difficile pour les gens de l’éviter dans les années à venir ».

Malgré cela, les gens — et en particulier les plus vulnérables — ont avantage à continuer à faire attention. Pourquoi ? Parce que la COVID-19 est une maladie grave, parce qu’il faut éviter de tomber malade tous en même temps, et enfin parce que la technologie continue elle aussi d’évoluer. « Il se peut fort bien que, d’ici quelques années, on ait une vaccination qui préviendra même l’infection », souligne le DEvans.

Si les conseils en matière de santé publique sont les mêmes, qu’on ait déjà eu la COVID-19 ou non, Éric Litvak souligne que les gens qui ne l’ont jamais eue ont « une bonne raison de garder leur protection vaccinale le plus à jour possible, encore un peu plus que les autres ».