Après le départ des Sœurs grises, le Manoir d’Youville, à Châteauguay, renoue avec la saison des récoltes. Cette fois, ce ne sont pas les religieuses qui cultivent la terre, mais une dizaine de personnes vivant avec un trouble du spectre de l’autisme ou une déficience intellectuelle. Visite.

« Je voulais faire un potager comme au temps des Sœurs grises, qui servait alors de garde-manger pour l’Hôpital général de Montréal, indique Jean-Martin Côté, directeur général du Manoir d’Youville. On a été chercher les mêmes fruits et légumes qui étaient cultivés à l’époque (tomates, betteraves, bourrache, fines herbes, rhubarbe, fraises, framboises notamment, ainsi que haricots, maïs et courges selon la technique des trois sœurs) et on a ramené le concept de la terre à la table. »

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D’une superficie de 5000 pieds carrés, le potager du Manoir d’Youville fait écho à celui des Sœurs grises.

Achetée en 1765 par Marguerite d’Youville, la seigneurie de Châteauguay a été un lieu important pour les Sœurs grises de Montréal qui ont résidé dans l’île Saint-Bernard jusqu’en 2014.

Aujourd’hui propriété de la Ville de Châteauguay, le site sur lequel se trouve le Manoir d’Youville accueille un hôtel de 114 chambres, neuf salles de réunion, deux restaurants (Chez mes sœurs et le bistro La Traite), un verger et désormais un potager de 5000 pieds carrés, mis en place grâce à un don de la Fondation Compagnom, gestionnaire de l’établissement. Cette nouvelle approche s’inscrit dans une perspective d’autonomie alimentaire, mais aussi d’inclusion.

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Lise Izelimana et l’éducatrice Viviane Lebœuf dans le potager.

« C’est un super milieu pour les apprentissages. On a tous les éléments favorables : les gens de l’extérieur, les travailleurs. » Éducatrice au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie-Ouest, Viviane Lebœuf accompagne entre sept et dix personnes vivant avec un trouble du spectre de l’autisme ou une déficience intellectuelle qui souhaitent intégrer le marché du travail.

Avec son collègue Mario L’écuyer, assistant en réadaptation, elle guide les participants dans leurs tâches quotidiennes au potager, mais aussi dans d’autres secteurs du Manoir où, depuis presque un an, ils aident à la cuisine et à l’entretien.

On partait de loin. Avec la pandémie, de recommencer à travailler, même pour nous autres, et de les intégrer, ce n’était pas une mince tâche.

Jean-Martin Côté, directeur général du Manoir d’Youville

« On essaie de les intégrer le plus possible avec les employés, poursuit M. Côté, lui-même un ancien éducateur spécialisé. Ils ont une belle complicité. Ça nous aide aussi un peu avec la pénurie de main-d’œuvre. Chacun va à son rythme, mais ça supporte l’équipe. »

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Nathalie Boulé arrose le potager.

« Quand je vais au bistro, je sais ce que j’ai à faire, dit avec assurance Nathalie Boulé, l’une des participantes au programme. Je prends mon pouch-pouch et je travaille sur mes tables. Après, je passe le balai, la moppe. On fait beaucoup de tâches. C’est vraiment agréable. Le monde est gentil. Ma mère est venue et m’a dit : tu n’arrêtes pas de te faire dire des compliments. »

Bien qu’ils donnent un coup de main précieux au personnel, Nathalie et ses collègues ne sont pas des employés, précise Viviane Lebœuf, et ils ne sont pas non plus rémunérés. « Je suis à veille de vous demander une paie ! », lance à la blague Nathalie Boulé.

Visant à développer les habiletés au travail, ce programme piloté par le CISSS de la Montérégie-Ouest peut mener à un autre programme lorsque les participants sont jugés prêts à réellement intégrer le marché du travail.

Et que peuvent-ils retirer du temps passé au potager ? « Travailler la terre, connaître de nouveaux légumes, y goûter, on peut travailler plein de choses, remarque Viviane Lebœuf. Quand tu donnes une directive, par exemple on n’enlève que ça, on voit si la personne est capable de suivre cette directive. Et être dehors, qui n’aime pas ça ? »