Les critiques dont fait l’objet la culture des diètes amènent ses acteurs à revoir leur message. Mais, ne soyons pas dupes face à ces déguisements : une diète est une diète, rappelle l’organisme ÉquiLibre dans le cadre d’une campagne orchestrée pour la Journée internationale sans diète, qui a lieu ce vendredi.

Supprimer les glucides, faire un jeûne intermittent, ne manger de la crème glacée que le samedi ou comptabiliser ce que l’on mange à l’aide d’un système de points : voilà toutes des formes de diète qui sont aujourd’hui souvent présentées sous le couvert du bien-être ou de la santé, dénonce le nutritionniste et chroniqueur Bernard Lavallée, qui s’est associé à ÉquiLibre dans le cadre d’une campagne visant à faire la lumière sur les diètes déguisées.

« On voit apparaître des termes qui vont jouer dans [le vocabulaire] du mouvement antidiète, fait remarquer Bernard Lavallée. On a vu apparaître, par exemple, le jeûne intuitif il y a quelques années. On nous parle désormais de mode de vie, de plaisir […]. L’industrie des diètes va nous dire : “Tu as le droit d’avoir du plaisir, tu as le droit de manger ce que tu veux. L’important, c’est de compter tes points ou de manger de telle heure à telle heure. Ou le samedi, tu as le droit de manger tout ce que tu veux ; le reste de la semaine, fais attention.” On joue avec la notion de plaisir, mais c’est souvent un plaisir limité. »

65 %

Pourcentage des Québécois qui souhaitent maigrir, peu importe leur poids

Source : sondage web léger/ÉquiLibre réalisé en août 2021 auprès de 1817 Québécois âgés de 14 ans et plus

Or, poursuit-il, toute règle visant à restreindre l’alimentation est une diète. Que le but annoncé soit de perdre du poids, de se sentir bien dans son corps ou d’être en santé. Comme nutritionniste, il prodigue des conseils, nuance-t-il, mais n’édicte jamais de règles strictes.

PHOTO FOURNIE PAR KATYA KONIOUKHOVA

Bernard Lavallée, nutritionniste et chroniqueur

Si les entreprises et coachs en nutrition utilisent aujourd’hui le vernis du plaisir, de la bienveillance et du « sans interdit » pour vendre leurs diètes, c’est que l’inefficacité des régimes amaigrissants a été dénoncée à maintes reprises par de nombreux professionnels de la santé. Caroline Huard, alias Loonie, expose d’ailleurs les conséquences des diètes sur nos vies dans l’émission balado À plat ventre — La culture des diètes avec Loounie, offerte sur l’application OHdio.

PHOTO FOURNIE PAR ÉQUILIBRE

Andrée-Ann Dufour Bouchard, nutritionniste et cheffe de projets chez ÉquiLibre

« La majorité des gens vont reprendre le poids perdu à moyen et long terme, et ce n’est pas une question de volonté », souligne Andrée-Ann Dufour Bouchard, nutritionniste et cheffe de projets chez ÉquiLibre. « C’est la méthode qui comporte des restrictions trop draconiennes. Cela entraîne aussi des effets négatifs sur la relation avec le corps et la nourriture. »

Très souvent, les gens se rembarquent dans des espèces de cycles de diètes répétées en se disant : « Il faut que je sois capable, cette fois-ci ». Des décennies d’études montrent que c’est un cercle vicieux qui se répète constamment.

Bernard Lavallée

Mais si l’industrie a senti le besoin de dissimuler ses diètes sous des parures dorées, c’est que le message percole, non ? « Je dirais oui et non, répond Andrée-Ann Dufour Bouchard. Les gens sont plus conscients qu’il y a des effets négatifs, mais malgré cela, c’est difficile de ne pas succomber, de ne pas penser que la prochaine diète proposée sera la bonne parce que, justement, on mise moins sur le poids. Ces messages de restriction sont ancrés depuis des décennies et, même si on en prend conscience, il reste quand même des ajustements à faire sur le plan de nos réflexes cognitifs et restrictifs. »

La perte de poids de Kim Kardashian

Et quand une vedette hollywoodienne affirme avoir perdu 16 livres en trois semaines pour porter pendant quelques minutes une robe iconique de Marilyn Monroe, cela envoie forcément le message que c’est possible. Rappelons que sur le tapis rouge du Met Gala plus tôt cette semaine, Kim Kardashian a raconté au micro de l’actrice La La Anthony pour le magazine Vogue : « Je portais une combinaison de sauna deux fois par jour, je courais sur le tapis roulant, j’ai éliminé complètement le sucre et les glucides, et je mangeais uniquement les légumes et les protéines les plus sains. »

PHOTO EVAN AGOSTINI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Kim Kardashian sur le tapis rouge du Met Gala

« Ça renforce encore à quel point on a vraiment le contrôle sur notre poids, explique Andrée-Ann Dufour Bouchard. Alors que, dans le fond, il y a tellement de variables et de facteurs qui influencent le poids, comme la génétique, l’âge ou le sexe. Des facteurs sur lesquels on n’a pas du tout de contrôle. Les gens peuvent penser : “Moi, je n’ai pas réussi encore. C’est encore moi qui ai manqué de volonté.” »

Selon elle, cela montre surtout que le poids est un sujet qui interpelle encore beaucoup les gens, alors qu’on devrait s’abstenir de tout commentaire (c’est le sujet d’une autre campagne de sensibilisation que mène ÉquiLibre chaque automne).

« Ça m’a frappé à quel point, peu importe ce qu’une femme fait avec son corps, ça peut devenir un sujet médiatique, affirme quant à lui Bernard Lavallée. Je ne veux pas commenter ce qu’elle a fait, mais j’ai plus le goût de commenter la façon que les médias l’ont montré comme un idéal. » Les critiques ont néanmoins pris rapidement le pas sur les éloges. Mais, il n’y a aucun doute, le poids de Kim Kardashian a été cette semaine un sujet dans les médias.

La campagne « Sauriez-vous reconnaître une diète déguisée ? » de l’organisme ÉquiLibre se poursuit jusqu’au 13 mai sur les réseaux sociaux.

Regardez la vidéo de la campagne