Malgré l’impression que donnaient les réseaux sociaux, le régime à base de chips et de vin n’était pas la norme lors du confinement du printemps 2020. Selon une étude de l’Université Laval parue dans The American Journal of Clinical Nutrition, l’alimentation d’un grand nombre de Québécois s’est légèrement améliorée au cours de la première vague de COVID-19. Explications en six points.

Effet du confinement

Ce que mangent 853 Québécois âgés de 18 ans et plus a été analysé une première fois entre juin 2019 et février 2020, alors que le mot « coronavirus » était largement inconnu. Leur alimentation a été scrutée une seconde fois entre avril et mai 2020, quand la pandémie frappait la province. « C’est la première étude qui mesure l’avant et le pendant le confinement, avec les mêmes individus », souligne Benoît Lamarche, coauteur de l’article et professeur à la faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation de l’Université Laval.

Légère amélioration

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La consommation de grains entiers, de légumineuses (photo), de légumes, de poissons et fruits de mer, de produits laitiers et de protéines a légèrement augmenté.

Résultat : l’indice de la qualité de l’alimentation des répondants a augmenté, passant de 69 % à 70 %. « On parle de 1 % d’amélioration, ce n’est pas énorme », relativise Benoît Lamarche. Au départ, l’équipe s’attendait plutôt à une baisse de la qualité de l’alimentation pendant le confinement. « Même en étant prudent, on peut dire qu’il n’y a pas eu de détérioration », observe le professeur.

La consommation de grains entiers, de légumineuses, de légumes, de poissons et fruits de mer, de produits laitiers et de protéines a légèrement augmenté, possiblement parce que la population cuisinait davantage. Le télétravail permet de faire cuire du riz brun sans stress pour le souper, une tâche moins évidente quand on rentre du boulot à 18 h avec des enfants affamés. L’apport en sucre et en farine raffinée a baissé, malgré l’engouement pour les tartelettes portugaises.

Occasion de changements

Des améliorations plus grandes sont notées dans l’alimentation des personnes obèses (+ 3,8 %), des jeunes adultes de 18 à 29 ans (+ 3,6 %) et des gens moins scolarisés (+ 1,9 %). Le confinement semble leur avoir donné l’occasion de modifier leur alimentation, bon gré mal gré.

L’effet de la fermeture des restos

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Un restaurant McDonald’s fermé à l’angle de la rue Notre-Dame et du boulevard Saint-Laurent, à Montréal.

Au printemps, « il y a eu une chute drastique des repas consommés à l’extérieur de la maison, ce qui peut aussi expliquer la légère amélioration de la qualité de l’alimentation », indique Benoît Lamarche.

Comme les salles à manger des restaurants étaient fermées, le taux de repas pris à l’extérieur est passé de 21 % à 4 %. « Il se peut que les gens aient consommé des produits pré-préparés à la maison, reconnaît le professeur. Mais globalement, dans la littérature scientifique, on voit que lorsqu’on se fait à manger, on mange mieux que lorsqu’on mange à l’extérieur. »

Plus de sel, moins de fruits

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Pendant le confinement, les répondants ont mangé légèrement plus de sel et moins de fruits.

Rien n’est parfait : pendant le confinement, les répondants ont mangé légèrement plus de sel et moins de fruits. « Pour la consommation de fruits, c’est une diminution de 5 %, dit Benoît Lamarche. C’est spéculatif, mais puisque les gens voulaient aller moins souvent à l’épicerie, peut-être qu’ils achetaient des aliments moins périssables. »

Un portrait à compléter

Ces résultats sont fidèles à la réalité des Québécois soucieux de leur alimentation, mais laissent de côté les plus démunis. Les données ont été tirées de NutriQuébec, dont l’objectif est de suivre l’évolution des habitudes de vie et de santé de la population québécoise pendant 25 ans. Financé par le ministère de la Santé et des Services sociaux, ce projet est encore nouveau – et incomplet.

PHOTO FOURNIE PAR BENOÎT LAMARCHE

« Avec le projet NutriQuébec, on a la chance de ne pas dépendre des données américaines ou européennes pour décider ce qui est le mieux pour notre population, en termes d’alimentation », dit Benoît Lamarche, professeur à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation et directeur du Centre NUTRISS de l’Université Laval.

« Les premiers participants à NutriQuébec sont des gens intéressés à l’alimentation, souligne Benoît Lamarche. Ils avaient peut-être une bonne boîte à outils pour s’adapter à la réalité du confinement, dès le début. » Pour dresser un portrait plus juste, le chercheur invite des Québécois aux profils variés à s’inscrire à NutriQuébec. « On ne veut pas juste des gens qui mangent bien, c’est le défi, précise Benoît Lamarche. Au contraire, on a besoin de l’ensemble du portrait. »

> Consultez le site de NutriQuébec