(Montréal) Les séquelles psychologiques résultant d’une agression sexuelle sur les fillettes et les jeunes filles jouent un rôle dans l’apparition de problèmes de santé génitale et urinaire plus tard dans leur vie, souligne dans sa plus récente étude une chercheure de l’Université de Montréal (UdeM). Elle s’est penchée sur ce dur sujet, afin que ces jeunes victimes aient les meilleurs soins possible.

Ce lien entre le mental et le physique est crucial, juge la doctorante en psychologie Pascale Vézina-Gagnon.

La chercheure estime que ses résultats permettront d’assurer à ces filles un meilleur suivi médical.

Car si les professionnels de la santé deviennent bien au fait de ce lien entre l’impact psychologique d’une agression et ses conséquences physiques ultérieures, cela pourra lever un « drapeau rouge » dans leur esprit, et ils pourront ainsi prodiguer de meilleurs soins.

La prévention est cruciale : prendre soin de la santé mentale, ça a aussi pour effet de prendre soin de la santé physique, fait valoir la chercheure.

Les résultats de sa recherche ont été publiés lundi dans la revue Health Psychology.

Ce n’est que récemment qu’il a été reconnu que les abus à caractère sexuel dans l’enfance peuvent avoir des conséquences à long terme sur la santé physique des survivants.

Une première étude en 2018 a révélé que les filles victimes d’une agression sexuelle recevaient 2,1 fois plus de diagnostics médicaux pour des problèmes de santé urinaire et 1,4 fois plus de diagnostics pour des problèmes de santé génitale comparativement aux filles de la population générale.

Mais pourquoi ? Mme Vézina-Gagnon s’est intéressée à cette question dans le cadre de son doctorat au département de psychologie de l’UdeM, dirigé par la professeure Isabelle Daigneault.

Elle a donc conçu un projet de recherche pour mieux comprendre ces résultats.

« Les résultats révèlent que les filles qui avaient été agressées sexuellement étaient plus à risque de consulter un professionnel de la santé pour un plus grand nombre de catégories de troubles psychiatriques, que ce soient des troubles anxieux, des troubles de l’humeur, la schizophrénie ou un abus de substance que les filles du groupe de comparaison. Cela a d’ailleurs permis de prédire qu’il y aurait davantage de consultations et d’hospitalisations pour des problèmes de santé urinaire et génitale dans les années suivant le signalement de l’agression sexuelle », rapporte Mme Vézina-Gagnon.

En entrevue, elle a expliqué que l’agression peut générer une réponse de stress intense chez la victime : « souvent, on va voir un système immunitaire plus affaibli, ce qui peut amener un plus grand risque de contracter des infections urinaires et des vaginites ».

C’est aussi le cas parce que quand ces fillettes et jeunes filles ont vécu un trauma, elles sont plus à risque de développer des problèmes de santé mentale, comme la dépression et l’anxiété, et elles utilisent l’alcool ou la drogue pour tenter d’apaiser la douleur. « Ce sont des comportements plus à risque pour leur santé », ajoute-t-elle.

Des interventions précoces et adéquates pour réduire la détresse psychologique de ces jeunes filles pourraient possiblement prévenir la chronicisation et l’aggravation des problèmes de santé génito-urinaire chez celles-ci, recommandent Mme Vézina-Gagnon et les autres chercheures ayant participé à l’étude.

Des données solides

Ce lien entre les conséquences de santé psychologique et physique avait déjà été souligné dans la littérature scientifique, mais Mme Vézina-Gagnon a eu accès à des données particulièrement solides et de qualité.

Pour la première fois, un échantillon de cette ampleur a été utilisé, souligne-t-elle : elle a étudié 661 filles, âgées de 1 à 17 ans, victimes d’une ou de plusieurs agressions sexuelles corroborées, et 661 filles de la population générale, en tant que groupe de comparaison. Les données médicales ont été fournies par la Régie de l’assurance maladie du Québec et par le ministère de la Santé et des Services sociaux.

Et puis, leurs dossiers (anonymes) ont été analysés sur de nombreuses années — avant et après l’agression — ce qui a permis de voir les consultations psychologiques et celles pour des problèmes de santé physique. De faire une telle étude longitudinale — avec des dossiers médicaux confirmant toutes les données médicales — a permis d’avoir des résultats solides, a commenté la chercheure.

« Cela vient encore plus renforcer ce que la littérature disait. Cela supporte encore plus l’importance de tenir compte de la santé mentale et la santé physique : les deux sont en interaction. »

C’est aussi la première fois que les problèmes de santé génito-urinaire et les problèmes de santé psychologique sont étudiés ensemble, auprès d’un aussi grand échantillon de filles victimes d’agression sexuelle.

Si elle a choisi cette fois-ci d’étudier les problèmes de santé génitale et urinaire, il ne s’agit pas des seuls problèmes médicaux liés aux séquelles psychologiques causées par les agressions, souligne Mme Vézina-Gagnon, qui s’intéresse particulièrement dans ses recherches au lien entre le corps et l’esprit.

L’agression sexuelle est un facteur de risque lié à une moins bonne santé en général, tire-t-elle comme triste constat.