Née à Montréal, la cinéaste d’origine haïtienne Josiane Blanc vit à Toronto depuis cinq ans. C’est là qu’elle a tourné Contes d’une grossophobie ordinaire, court métrage de 24 minutes où elle donne la parole à des adolescentes blessées par le mépris subi à cause de leur poids.

La grossophobie, c’est « l’ensemble des attitudes et des comportements hostiles qui stigmatisent les personnes en surpoids », comme le décrit l’ONF, producteur du film. Josiane Blanc en a-t-elle elle-même été victime ? « C’est sûr que je suis une personne qui est ronde depuis l’enfance, répond la cinéaste diplômée de Concordia. Clairement, j’ai vécu de la discrimination par rapport à ça, sur le plan tant scolaire que médical. Des trucs classiques, que la plupart des femmes ou des hommes ronds ont entendus. “Tu serais plus belle si tu perdais X nombre de livres” ou “Il y a une beauté cachée derrière les extras de graisse”. »

« Mais je n’ai pas vécu d’évènements aussi dramatiques que certaines des jeunes filles que j’ai rencontrées à l’hôpital Sick Kids de Toronto », précise Josiane Blanc.

Dans son film, Sophie, 17 ans, raconte que des jeunes demandent pourquoi elle ose sortir en public. Charlotte, 16 ans, entend dire qu’elle est stupide – « alors que j’ai de meilleures notes qu’eux à l’école », souligne-t-elle.

PHOTO STEPHAN BALLARD, FOURNIE PAR L’ONF

« J’ai vraiment fait ce film pour susciter des discussions, qui vont idéalement emmener un changement. Tout ce qu’on veut, c’est que les gens aient plus d’empathie », fait valoir Josiane Blanc, cinéaste du court métrage Contes d’une grossophobie ordinaire.

Humilier n’est pas aider

« Les gens se permettent des commentaires, parce qu’ils pensent que ça va motiver la personne à perdre du poids ou à “se reprendre en mains”, explique Josiane Blanc. C’est faux. C’est humiliant. Une jeune fille m’a raconté qu’un jour, elle a sorti une barre granola dans le métro. Un inconnu lui a demandé si elle était sûre qu’elle devait la manger ! Je suis encore abasourdie par cette expérience. J’ai envie de dire : “De quoi tu te mêles ?” Les gens doivent manger, c’est un principe de base pour continuer à vivre. »

Dans Contes d’une grossophobie ordinaire, les ados confient s’empêcher de faire plein de choses, comme nager ou faire du théâtre, de peur d’être la cible de commentaires qui leur feront mal. « C’est ce qui me rend la plus triste », dit Josiane Blanc.

Il y a un cercle vicieux : une ado qui n’est pas dans le film a même arrêté d’aller à l’école, tellement la pression était grande. Le frein au bonheur, ce n’est pas le poids. C’est le regard des autres et la méchanceté. C’est ça que je veux que les gens comprennent.

Josiane Blanc, cinéaste

Ce sont des illustrations d’Emanuelle Dufour qui remplacent les visages des adolescentes, rencontrées par l’entremise de la psychologue Elizabeth Dettmer, de l’hôpital Sick Kids, à Toronto. « Je ne voulais pas les mettre à l’écran, parce que j’avais peur d’empirer leur situation », explique Josiane Blanc.

PHOTO FOURNIE PAR L’ONF

Elizabeth Dettmer, psychologue à l’hôpital Sick Kids, à Toronto

Chouette approche

Elizabeth Dettmer fait valoir que le meilleur poids d’une personne, c’est celui obtenu en mangeant sainement, en étant le plus actif possible, tout en étant quand même heureux dans la vie. Une chouette approche pour tous ? « Je crois que oui, répond Josiane Blanc. En faisant mes recherches, quelqu’un m’a raconté que sa sœur ne buvait que des jus de légumes pendant la semaine si elle allait au restaurant le dimanche. On ne le réalise pas, mais énormément de gens, ronds ou pas, ont une relation super malsaine avec leur nourriture et leur corps. »

Ce n’est évidemment pas en attaquant – ou en ignorant – les jeunes ronds qu’on les aide à s’épanouir. « J’ai vraiment fait ce film pour susciter des discussions, qui vont idéalement emmener un changement, fait valoir Josiane Blanc. Tout ce qu’on veut, c’est que les gens aient plus d’empathie. »

Regardez le film sur le site de l’ONF

ŒUVRE D’EMANUELLE DUFOUR, FOURNIE PAR L’ONF

Extrait de Contes d’une grossophobie ordinaire, de Josiane Blanc, ONF