Les adolescents qui ont été victimes de cyberintimidation sont 2 à 4 fois plus à risque d’avoir des idées suicidaires au cours de l’année qui a suivi les insultes ou les rumeurs dégradantes à leur sujet sur les réseaux sociaux, révèle une étude réalisée sur de jeunes Québécois.

Il ressort aussi de cette recherche que cette association entre la cyberintimidation et les idées suicidaires ne persiste pas dans le temps.

Cette étude, dévoilée à l’occasion de la semaine de la prévention du suicide, a été effectuée sous la supervision de la Dre Marie-Claude Geoffroy, professeure à l’Université McGill au Département de psychopédagogie et de counseling et chercheuse au sein du Groupe d’études McGill sur le suicide, en collaboration avec sa collègue Léa Perret et d’autres de l’Université Laval et de l’Université de Montréal.

En entrevue, Dre Geoffroy a précisé que si des études s’étaient déjà penchées sur le lien entre la cybervictimisation et les idées suicidaires, aucune ne l’avait fait sur un échantillon québécois.

Le sujet est important et touche beaucoup de familles : la chercheure rapporte qu’environ un jeune sur 10 a été cybervictimisé au moins une fois au cours de la dernière année scolaire.

Et puis, beaucoup de questions demeuraient, explique la psychologue. Elle voulait notamment voir quels étaient les impacts de l’intimidation en ligne – à court et à long terme – sur les jeunes.

Avec son équipe, elle a ainsi découvert que les adolescents victimes de cybervictimisation n’ont pas plus de risque d’avoir des idées suicidaires à travers le temps, alors que c’est le cas pour la victimisation traditionnelle, lorsqu’un jeune se fait ridiculiser devant d’autres, ou encore, lorsqu’il se fait menacer ou bousculer.

Elle ne veut toutefois pas inquiéter indûment les parents. Si les jeunes cyberintimidés sont plus à risque d’avoir des idées suicidaires, ils demeurent une minorité, souligne-t-elle.

De plus, elle tient à préciser que les résultats des travaux de recherche montrent une association entre la cybervictimisation et les idées suicidaires, et non pas une relation de cause à effet.

Car les jeunes qui sont suicidaires le sont pour différentes raisons. La cybervictimisation peut être l’une d’elles, mais elle est probablement associée à d’autres facteurs, explique la chercheure.

L’une des forces de l’étude est que l’équipe de recherche a réussi à isoler l’effet de la cyberintimidation chez les adolescents, en la séparant de l’impact d’autres facteurs comme des troubles mentaux, des symptômes dépressifs et un milieu familial malsain, a-t-elle commenté.

Elle a aussi permis de dégager ce constat : peu de jeunes ont rapporté avoir été cybervictimisés « souvent ou très souvent ». La plupart du temps, il s’agissait d’un événement. « Mais il y avait quand même une association avec des idées suicidaires. Cela semble générer de la détresse à court terme. »

Dre Geoffroy rapporte que la plupart du temps, ce sont des jeunes de l’école qui sont à l’origine de la cybervictimisation. Dans ce cas, il est conseillé aux parents d’aller en parler avec les responsables de l’école, dit-elle.

Et que la victimisation se fasse en ligne ou en personne, elle conseille aux parents d’agir rapidement, car il y a des effets négatifs à court terme.

Mais on sait que ce n’est pas tous les jeunes qui subissent de la cybervictimisation qui vont en parler à leurs parents, donc c’est vrai que cela peut rester sous silence. Moi, ce que je conseillerais aux parents, c’est de poser la question à leurs jeunes aussi.

Dre Marie-Claude Geoffroy

L’étude a été réalisée à partir des données de l’étude longitudinale du développement des enfants du Québec. Il s’agit d’un grand échantillon d’enfants nés en 1997-1998 au Québec et qui ont été suivis jusqu’à l’âge de 17 ans. Les adolescents, âgés de 12, 13, 15 et 17 ans, ont rempli un questionnaire dans lequel il était demandé s’ils avaient été victimisés via des plateformes électroniques, par texto, via internet, ou sur les réseaux sociaux.

Les résultats ont été publiés dans la revue scientifique Journal of Child Psychology and Psychiatry.