Voilà une décennie que les 10 membres du groupe Big Bang Band jouent ensemble, dans le cadre d’ateliers de création musicale orchestrés par le musicothérapeute Dany Bouchard. Soudés, ils se font confiance, composent leurs pièces et se recomposent une santé mentale. Ce mardi, ils lancent un second album avec l’appui de musiciens professionnels.

Réunis par l’organisme Les Impatients, qui soutient les personnes souffrant de problèmes de santé mentale par l’expression artistique, les participants du Big Bang Band ont beaucoup en commun. Toutes sortes de troubles ou de détresses psychologiques, certes, mais aussi le bonheur et l’enthousiasme de se retrouver, micro et instruments en main, pour ouvrir les vannes de la créativité et mieux fermer celles de la schizophrénie, de l’anxiété ou de la dépression.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Le musicothérapeute Dany Bouchard mène le projet depuis 2007.

Guidés chaque semaine par l’intervenant Dany Bouchard, ils viennent de produire un second album, Tous ensemble, où chacun est venu apporter sa pierre à l’édifice en bâtissant sa propre chanson. Autant de constructions musicales qui contribuent, par la bande, à une reconstruction personnelle.

Du son et du soin

« On n’a pas le mandat de faire de la thérapie… mais c’est thérapeutique, constate M. Bouchard, fondateur du groupe, animateur de l’atelier et réalisateur des enregistrements. L’un des ingrédients les plus importants, c’est le continuum, d’inscrire ça dans la durée. »

« J’étais vraiment mal en point quand je suis arrivé ici. J’ai l’impression d’avoir refait toutes les étapes de ma vie, d’être repassé par tous les stades pour finalement me sentir adulte », témoigne Siou*, qui confie être aux prises avec un déficit d’attention, et qui s’est mis au chant depuis qu’il s’est joint aux Impatients.

Michel Roy, à la batterie, a également pu insuffler un nouveau rythme à sa vie sociale. « C’est un rêve que je ne pensais jamais pouvoir réaliser », affirme-t-il avec calme et aisance.

Aujourd’hui, j’ai plus de facilité à communiquer, et pas seulement au sein du groupe. On gagne énormément en confiance en soi.

Michel Roy, batteur

Dans le petit studio de répétition de la rue Sherbrooke, il n’est plus question de pilules ni de dosage, les ordonnances se faisant plutôt à grand renfort de tempos et d’accords. « La musique a beaucoup fait baisser mon anxiété. Juste avec la médication, on ne s’en sortirait pas. Ça ne fait pas tout. On a tous un besoin urgent d’utiliser notre créativité en créant notre propre musique », rappelle Félix Lavigne, qui a trouvé sa voie en officiant aux petites percussions.

Les autres membres du groupe hochent la tête et se reconnaissent dans ces propos. Krystie-Ann Caron, initialement aux percussions, a aussi commencé à chanter, sentant qu’il « n’y a pas de jugement » dans ce cadre.

Quelle que soit leur expérience musicale passée — la claviériste Lee* n’avait jamais touché de piano jusqu’alors, tandis que le guitariste Willy Noise a enregistré quelque 70 albums —, tous témoignent que les ateliers ont grandement contribué à briser leur isolement social.

Un pont et des pros

Briser l’isolement se réalise aussi d’autres façons, en arrimant ce projet des Impatients au milieu musical professionnel. « L’un de nos mandats est de faire un pont avec le monde artistique et la communauté », précise M. Bouchard, pointant la participation de musiciens reconnus à l’enregistrement de l’album, comme Benoit Sarrasin (acolyte d’Isabelle Boulay et de Marc Hervieux), Michel Langevin (Voivod) ou Jean-François Lemieux (bassiste de Daniel Bélanger). Ces deux derniers partageront d’ailleurs la scène de l’Édifice Bon-Pasteur avec le Big Bang Band à l’occasion du spectacle de lancement, qui aura lieu ce mardi soir à 19 h.

À la veille de monter sur scène pour présenter leurs productions au public, les membres du groupe ressentent-ils une certaine nervosité ? D’une seule et même voix, ils répondent en chœur : nous sommes habitués, même si on a un peu le trac. « Si vous n’aviez pas le trac, ce ne serait pas normal », souligne Dany Bouchard. « On n’est pas normal, c’est pour ça qu’on est icitte ! », rétorque Michel du tac au tac, déclenchant l’hilarité dans le studio.

* Certains participants ont préféré se confier sous leur nom d’artiste.

La musicothérapie, un impact notable

Les ateliers des Impatients sont passés sous la loupe d’étudiants et de chercheurs montréalais. Une recherche de maîtrise menée par Diane Nguyen en 2014 a démontré que 87,1 % des participants ont constaté une amélioration de leur santé et que 66 % ont noté une diminution du nombre d’hospitalisations. Une autre étude a été menée par Myra Piat et Eleni Sofouli sur des initiatives similaires offertes à l’Institut universitaire de santé mentale Douglas. « Les bienfaits que les participants retirent des ateliers, ainsi que l’approche humaine de ceux-ci, prouvent que cette initiative peut également améliorer le processus de rétablissement personnel », notent-elles. À l’étranger, de nombreuses études ont examiné les effets de la musicothérapie sur diverses franges de la population. L’université irlandaise de Queen’s à Belfast a par exemple démontré qu’elle entraînait une atténuation des symptômes de dépression chez les enfants et les adolescents. Une autre étude menée en France a confirmé son potentiel sur des patients atteints de la maladie d’Alzheimer.