(Montréal) Une gigantesque étude britannique confirme que même les gens affligés de problèmes de santé chroniques peuvent prolonger leur existence de plusieurs années s’ils adoptent de saines habitudes de vie.

Bien s’alimenter, faire de l’activité physique et s’abstenir de toute consommation d’alcool et de tabac étaient les facteurs dont l’impact positif était le plus prononcé.

Rien de vraiment nouveau, donc, mais une étude prend une importance particulière avec la pandémie de coronavirus, croient des experts avec qui La Presse Canadienne a discuté.

« Dans le contexte actuel, ça ne peut [qu’être bénéfique] de souligner la base des comportements de santé — activité physique, alimentation, consommation de tabac ou d’alcool, cannabis et sommeil — dans la prévention, mais aussi à la limite dans l’exacerbation de certaines pathologies », a réagi le professeur Paquito Bernard, qui enseigne au département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Montréal.

Les chercheurs de l’Université de Leicester ont étudié 480 000 adultes provenant de la UK Biobank, une grande base de données qui regroupe les données de santé et génétiques d’un demi-million de personnes.

Ils se sont intéressés à 36 problèmes chroniques — comme le cancer, l’asthme, le diabète ou la démence — pour tenter de déterminer si un mode de vie sain pouvait prolonger l’espérance de vie.

Un mode de vie « très sain » ajoutait 6,3 années de vie aux hommes souffrant de deux problèmes ou plus, et 7,6 années aux femmes. Un mode de vie « sain » ajoutait, respectivement, 4,5 années et 6,4 années.

Les chercheurs ont constaté qu’à l’âge de 45 ans, l’espérance de vie des fumeurs était cinq ou six ans plus courte que celle des non-fumeurs.

Impact à déterminer

« C’est un rappel important, a commenté Yves Lajoie, de la Faculté des sciences de la santé de l’Université d’Ottawa. On devrait souligner ça quand de bonnes études comme ça sont publiées. C’est un genre de rappel à l’ordre : n’oubliez pas que même s’il y a une pandémie, ça a des bénéfices. »

Il sera intéressant, croit-il, de voir quel impact la pandémie aura eu sur les habitudes de vie de la population.

Certains de ceux qui profitaient de leurs absences de la maison pour boire ou fumer, par exemple, n’auront peut-être pas eu d’autre choix que de réduire leur consommation, maintenant qu’ils sont constamment en présence de leurs proches.

« En étant à la maison, ils vont avoir la possibilité de se remettre en question et j’espère que des gens auront profité [du confinement] pour améliorer leurs habitudes de vie, a-t-il dit. J’espère que les gens en auront profité pour améliorer leur espérance de vie. »

Mais encore faut-il que les gens aient envie de changer.

Si vous êtes à la maison, par exemple, votre patron ne verra probablement pas que vous prenez un verre entre deux rencontres sur Zoom.

« Le seul hic dans ça, et on le voit dans la pandémie, c’est le désir des gens de faire quelque chose, a dit M. Lajoie. Ce n’est pas facile de demander à quelqu’un d’arrêter de fumer. C’est la même chose avec les alcooliques. »

Le professeur Bernard, de l’UQAM, souligne néanmoins qu’une période d’instabilité comme celle que nous traversons depuis quelques mois est habituellement propice aux changements.

Il cite en exemple la piétonnisation accrue des rues depuis le début du confinement et rappelle que des études ont déjà démontré que des interventions visant à modifier les comportements sont plus efficaces chez les gens qui viennent de déménager et qui n’ont pas encore développé de routines.

« Le contexte actuel fait que ça change complètement notre environnement et ça vient casser des habitudes, a dit le professeur Bernard. Les études qui s’intéressent à la création ou à la rupture d’habitudes dans le contexte du changement de comportement nous montrent bien qu’un changement majeur d’environnement est une super opportunité pour commencer un comportement ou pour l’arrêter. »

Il croit lui aussi que le contexte de la COVID aura pu nous confronter à certains comportements de santé, notamment la sédentarité et l’alimentation.

« Ce sera intéressant de voir qui a répondu favorablement ou défavorablement au confinement, au niveau des comportements de santé, a-t-il conclu. Je pense que des comportements seront plus marqués en fonction de sous-groupes comme l’âge ou des personnes qui ont déjà des problèmes de santé mentale ou physique. »

Les conclusions de cette étude ont été publiées par Plos Medicine.