Une étude montre que les « stories » positives sur le vapotage sont 10 000 fois plus nombreuses que les négatives sur Instagram. Pour comprendre ce phénomène, La Presse s’est entretenue avec l’auteure.

Pas une coïncidence

La chercheuse californienne Julia Vassey a eu l’idée de son étude en constatant la progression fulgurante du vapotage chez les écoliers américains. « Ça a doublé entre 2017 et 2018, et maintenant, on est rendu à 12 % de vapotage quotidien en 12e année et 7 % en 10e année [4e secondaire] », explique la professeure de communications de l’Université Berkeley, qui est l’auteure principale de l’étude publiée à la mi-janvier dans la revue Frontiers in Communication. « Nous avions entendu parler des vidéos de tours de vapotage [vaping tricks], nous voulions voir si c’était très fréquent. Nous avons été surpris de constater l’énorme disparité, 10 000 fois plus, selon l’étude, entre les “stories” positives et négatives sur Instagram. Ce n’est sûrement pas une coïncidence, vu la montée en popularité du vapotage. C’est très dur pour les organismes de santé publique de combattre cette offensive énorme. » Les vidéos de tours de vapotage mettent en vedette des jeunes, souvent des adultes qui sont des influenceurs professionnels payés par l’industrie, qui soufflent des ronds de fumée de manière fantaisiste.

Le message

Pourquoi les réseaux sociaux sont-ils si efficaces pour promouvoir le vapotage et pas la cigarette ordinaire ? « Le problème, c’est qu’il y a une incohérence dans le message », dit Flory Doucas, de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac. « La cigarette est interdite partout, sa vente est très contrôlée. Pour le vapotage, le contrôle de la vente est moins strict, et il y a des saveurs comme la mangue. Pour les jeunes, ça mine les messages de prévention sur les dangers du vapotage. »

Peur et aspirations

Un problème récurrent des publicités contre le vapotage, c’est l’utilisation d’adolescents. « Les jeunes ne prennent pas modèle sur les gens de leur âge, mais sur de jeunes adultes, dit Mme Doucas. On pense qu’il faut des ados pour parler aux ados, mais ça ne marche pas comme ça. » Mme Vassey confirme le problème. « Sur les médias sociaux, les compagnies de produits de vapotage vont utiliser de belles jeunes femmes ou des jeunes hommes cool, drôles, ou musclés. » Il est par ailleurs délicat de cibler les jeunes. « Ils n’aiment pas ça quand ils ont l’impression qu’on veut leur faire peur, dit Mme Vassey. A priori, pour eux, prendre des risques est positif. » Les publicités antitabac les plus réussies pour ce groupe d’âge ciblent la manipulation par les grandes compagnies, selon Mme Doucas. « Il faut leur montrer qu’on leur ment, dit Mme Doucas. Ça, les jeunes n’aiment pas ça. » Mme Doucas a envoyé à La Presse une pub antivapotage américaine qu’elle juge réussie, une pub canadienne moins réussie et une pub québécoise plus percutante.

> Voyez la publicité antivapotage canadienne (en anglais)

Voyez la publicité antivapotage américaine (en anglais)

Guerre transatlantique

Le problème se complique en raison d’un désaccord entre les organismes de santé publique des deux côtés de l’Atlantique, qu’exploitent les fabricants. La semaine dernière, le médecin en chef des États-Unis (Surgeon General) a de nouveau refusé de recommander la cigarette électronique pour arrêter de fumer. Or, l’agence gouvernementale de santé britannique a pris la décision contraire et ses dirigeants ont critiqué la décision américaine dans des articles d’agences de presse.

Chiffres

• 41 % des élèves de secondaire en Estrie ont déjà vapoté

• 23 % des élèves de secondaire en Estrie vapotent tous les mois

• 13 % des élèves de secondaire en Estrie vapotent plus de cinq jours par mois

• 6 % des élèves de secondaire en Estrie vapotent tous les mois du cannabis

Source : Université de Sherbrooke, janvier 2020

Rectificatif:
Dans une version antérieure de ce texte, nous indiquions que 41 % des élèves du secondaire à Sherbrooke ont déjà vapoté et que 13% d’entre eux vapotaient plus de quatre jours par mois.