Il y a 10 ans, la documentariste Louiselle Noël donnait la parole à quatre jeunes pour parler d’un sujet difficile et surtout tabou : la maladie mentale, vue par les enfants (et leurs parents). Rediffusé mercredi sur Planète +, Ça tourne dans ma tête est toujours aussi troublant d’actualité. Et troublant tout court.

Âgés de 12 à 25 ans, souffrant de dépression, de troubles bipolaires, de schizophrénie ou de troubles de comportements, ces jeunes ont pourtant l’air d’enfants tout à fait « ordinaires » : ils vont aux pommes, composent des chansons, et passent du temps sur les réseaux sociaux. « Je suis juste une fille ordinaire », défend justement une ado à la caméra.

Avec cette énorme différence qu’ils sont aussi tantôt violents (ils lancent des meubles), agressifs (ils mordent leurs enseignants, au sang) ou littéralement paralysés par des crises d’angoisse. Ils se sont déjà crus fous. On les a pris pour fous, aussi. Et certains ont voulu en finir. Lire : mourir.

La réalisatrice, elle-même bipolaire — diagnostiquée à 40 ans, « beaucoup trop tard » —, croit qu’on a fait du chemin en 10 ans.

Oui, les choses ont changé, mais il y a encore beaucoup de stigmates et de préjugés.

Louiselle Noël, réalisatrice

Cela ne fait aucun doute : la journée et le programme Bell cause pour la cause a permis de démystifier la maladie, et de la « dédramatiser » aussi. Notamment grâce à la prise de parole de plusieurs personnalités, année après année. D’après différents sondages cités par le magazine L’actualité, environ 87 % des Canadiens sont aujourd’hui plus au fait des problèmes de santé mentale qu’il y a cinq ans, et 75 % croient que la stigmatisation a été réduite.

Question délicate

« En parler ouvertement, ça aide beaucoup », confirme Louiselle Noël, en entrevue téléphonique de Moncton, où elle habite. N’empêche, plusieurs tabous demeurent. Notamment (et non le moindre) : la médication des enfants. D’où l’intérêt de son film. « C’est encore délicat, très délicat, la question de la médication des enfants. »

Louiselle Noël, qui a souffert de crises d’angoisse à répétition dans son enfance (« J’étais étranglée par la peur », « inconsolable », confie-t-elle dans le film), a son opinion sur la question. Une opinion partagée par les parents interviewés, qui ne cachent pas non plus, faut-il le souligner, leur peine et leur douleur immense, sans nom, de voir souffrir leurs enfants. Ils affichent, ce faisant, une résilience et un amour sans borne. En témoignent leurs larmes et autant de longs silences qui en disent long.

Quand un enfant a une jambe cassée, on l’opère. Mais s’il souffre de maladie mentale ? On attend…

Louiselle Noël

« C’est vrai, ajoute-t-elle, la santé mentale est le parent pauvre de la médecine. Oui, encore aujourd’hui… »

Et elle n’en démord pas : « Il faut les soigner, ces enfants-là, parce que sinon, ils risquent de se suicider à l’adolescence ! »

D’où l’importance, selon elle, de continuer de parler de maladie mentale, aujourd’hui, demain, l’an prochain, pour déconstruire certains mythes tenaces et terriblement néfastes : ce sont des enfants mal élevés, paresseux, c’est la faute des parents et, bien sûr, « ça se soigne sans pilule… »

Un souhait

Si c’était à refaire, Louiselle Noël referait aujourd’hui exactement le même film, dit celle qui se souvient en avoir arraché pour trouver des témoignages à l’époque. Pas sûr que ce serait forcément plus facile aujourd’hui. Car la question demeure taboue. « Mais mon souhait, c’est que ces enfants-là soient soignés le plus vite possible. Que ces enfants-là soient pris en charge. C’est vraiment mon plus grand souhait. »

Ça tourne dans ma tête, un film de Louiselle Noël, est présenté le mercredi 29 janvier, journée officielle de soutien à la santé mentale, sur Planète +, à 21 h. Rediffusion le samedi 1er février à 1 h, le lundi 3 février à 18 h 30 et le mercredi 5 février à 14 h 30.

Besoin d’aide ?

Si vous avez besoin de soutien ou avez des idées suicidaires, vous pouvez communiquer en tout temps avec Suicide Action Montréal : 514 723-4000 ou 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

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