La grossophobie – un mot entré en 2019 dans Le Petit Robert, en tant qu’attitude de stigmatisation et de discrimination envers les personnes obèses ou en surpoids – est méconnue. Être grossophobe, c’est penser que les gros sont paresseux, sans volonté, de moins bons candidats pour un emploi, etc. Pour mieux informer les gens sur ce biais qui fait mal, Edith Bernier vient de lancer un premier site internet québécois de référence, Grossophobie.ca. La Presse l’a rencontrée dans un café montréalais.

Votre volonté est d’offrir un site pour le grand public, pas seulement pour les personnes grosses – je peux utiliser les termes « gros » et « grosse » ?

Oui, c’est correct d’utiliser le mot « grosse », surtout dans ce contexte. On jase ; ce ne sont pas des insultes qu’on me crie ! L’objectif est vraiment d’offrir une plateforme grand public, qui s’adresse aussi aux personnes grosses. Il y a beaucoup de personnes grosses qui sont grossophobes. Ça touche tout le monde, la grossophobie. 

L’idée, c’est vraiment de donner aux grosses personnes et aux personnes minces la possibilité de constater qu’elles ont des biais. Il y a des choses qu’elles ont faites toute leur vie, en ne pensant pas mal faire.

Là, elles peuvent se rendre compte que complimenter la perte de poids n’est pas une bonne idée. Dire : « T’es belle, t’as maigri ! » alors que la personne a peut-être un trouble alimentaire ou qu’elle est en détresse psychologique, ce n’est pas utile. Dire : « Ah, t’as engraissé, est-ce que ça va ? », c’est pareil. Peut-être que la personne se remet d’une dépression ou de l’anorexie. On prête tellement de valeur au poids qui change… Oui, ça peut être un symptôme, mais c’est surtout un changement. Pas une amélioration ou une détérioration.

C’est important de le souligner : l’humiliation ne fait pas perdre de poids.

En effet. Dans la section scientifique du site, j’ai mis une recherche qui démontre que non seulement ça n’aide pas, mais l’humiliation et la stigmatisation peuvent aussi créer des réponses inflammatoires. Une réponse littéralement psychosomatique. Généralement, ça va créer un cycle de stigmatisation, qui finit par amener la personne à manger de façon compulsive, à s’isoler socialement ou à ne plus vouloir faire le sport qu’elle avait timidement commencé à faire pour se sentir mieux.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

« Je suis maintenant bien à l’extérieur comme à l’intérieur », dit la chanteuse Nathalie Simard en couverture de La Semaine du 13 septembre.

Vous vous insurgez contre la chanteuse Nathalie Simard, qui dit en couverture de La Semaine du 13 septembre : « Je suis maintenant bien à l’extérieur comme à l’intérieur ». Elle a « perdu plus de 55 lb », depuis une opération bariatrique subie en avril, selon le magazine. Vous regrettez qu’elle associe le fait d’être gros à une mauvaise santé et la beauté à la minceur.

Nathalie Simard dit qu’elle se cachait dans son corps, à cause des traumas qu’elle a vécus [NDLR : la chanteuse a été agressée sexuellement par son imprésario Guy Cloutier dès l’âge de 11 ans]. Je ne dis pas que ce n’est pas une réaction légitime. Je ne dis pas que ce n’est pas normal qu’elle ait engraissé, considérant ce qu’elle a vécu. La dernière affaire que je veux faire, c’est diminuer ce qu’elle a vécu.

Le but, c’est de dire : « Regardez, il y a là un discours problématique. » Nathalie Simard dit qu’elle était proche du diabète et du cholestérol. Elle fumait deux paquets de cigarettes par jour ! Même si tu n’es pas grosse, en fumant deux paquets par jour, tu es plus à risque de faire du diabète, du cholestérol et un paquet d’autres affaires. Elle mélange valeurs humaines et grosseur. C’est triste.

-> Consultez le site Grossophobie.ca