(Mellionnec) En bordure d’une zone humide peuplée de bouleaux, Gilles Nicolas approche sa perceuse d’un tronc d’arbre. Une légère perforation et la sève commence à s’écouler par une canule jusqu’au bidon en contrebas.

Récoltée pendant quelques semaines à la fin de l’hiver avant l’apparition des premières feuilles, la sève de bouleau suscite depuis quelques années un engouement pour les vertus détoxifiantes qui lui sont prêtées au sortir de l’hiver.

« J’en commande nettement plus qu’il y a cinq ans. Les gens sont sensibles à ça. Sans compter ceux qui en extraient à titre personnel ou avec des amis », note Laurence Rochette, responsable du rayon à la Gambille, un magasin bio installé près de Saint-Brieuc, où la bouteille se vend autour de 10 euros (15 $) le litre.

« C’est comme une cure de jouvence, de printemps. J’ai vraiment une sensation de “nettoyage”. Et même pour les articulations, ça fait du bien », assure Nathalie Novak, qui en consomme depuis une quinzaine d’années. « Cette année, je n’en ai bu que cinq litres, mais l’an dernier, c’était dix. Et uniquement au moment de la récolte », précise-t-elle.

Car si la sève de bouleau se consomme fraîche à cette période - à conserver au réfrigérateur -, elle est aussi disponible toute l’année sous forme pasteurisée. Elle est également utilisée dans différentes préparations en cosmétique ou recommandée par des vétérinaires naturopathes pour les animaux, de la ferme ou domestiques.

« En France, la sève de bouleau est déjà évoquée dans des écrits qui remontent au XIIe siècle », affirme Anne-Laure Nicolas, arboricultrice à Mellionnec, en centre-Bretagne. « On l’avait oubliée mais aujourd’hui, c’est un produit que l’on redécouvre ». Avec Gilles, son époux, ils ont récolté cette année plus de 3500 litres - contre 2700 litres en 2018 - qu’ils commercialisent pour l’essentiel à travers un réseau de magasins bio sur la région.

« La sève a sauvé notre ferme »

Pendant longtemps, la sève de bouleau était l’apanage des pays baltes ou du Canada. En Lettonie, où elle est considérée comme un trésor ancestral, elle sert de base à la fabrication de limonades, de sirops, voire de vins, pétillants ou non, car elle fermente au bout de quelques semaines. Au Québec, « des entreprises vendent des glaçons de bouleau pour soigner des maladies de peau comme le psoriasis, par exemple », relève Anne-Laure Nicolas.

Comme d’autres, rien ne prédisposait Gilles et Anne-Laure à se lancer dans cette production qu’ils n’avaient jamais envisagée. Mais en 2014, après deux années de gelées tardives qui les ont privés de récoltes de pommes, et donc de revenus, « on a regardé autour de nous ce qu’on avait comme ressource sur nos terres et on a pensé aux bouleaux […] la sève a sauvé notre ferme », considère Mme Nicolas.

Pourtant, le couple exploite avec prudence son nouvel eldorado : « Je ne prélève que sur des arbres qui ont au moins 25 ou 30 ans et je ne le fais qu’une année sur trois pour le laisser se reposer », expose Gilles.

Étrangement, dans un pays à l’administration sourcilleuse, aucun organisme officiel ne semble s’être penché sur la sève de bouleau. Impossible d’obtenir un chiffre de la production en France ou du volume des importations. Toutes les institutions contactées par l’AFP ont exprimé leur absence d’éléments sur le sujet, pas même la composition exacte de ce produit naturel. « Quand j’ai posé la question, on m’a regardé avec de grands yeux », a confié ainsi à l’AFP un chargé de communication.

Outre le fait que la consommation reste encore confidentielle, il faut convenir que la diversité des producteurs ne favorise pas leur notoriété : « Nous sommes inscrits à la chambre d’agriculture parce qu’on est avant tout arboriculteurs, constate Anne-Laure Nicolas, mais d’autres sont inscrits à la chambre de commerce, par exemple ».

Laurence Rochette n’a pas encore entamé de cure mais ses « parents le font régulièrement. Mon père trouve que ça réduit ses douleurs articulaires et que ça lui donne du tonus […] Ce sont mes cobayes », ajoute-t-elle en riant.