Des patients en oncologie du CHUM ont participé à des ateliers d’écriture après avoir subi une chimiothérapie. Ils publient aujourd’hui un recueil lumineux, intitulé Traversées.

Ses premiers pas aux ateliers d’écriture destinés aux personnes atteintes de cancer, France Renaud les a faits à titre de participante. Trois mois durant, elle allait discuter et écrire avec d’autres personnes qui, comme elles, venaient de traverser une chimiothérapie. Ce qu’elle en garde ? Du plaisir. « On ne parle pas de la maladie [dans ces ateliers], explique-t-elle. On essaie de s’élever au-dessus de la maladie. »

Peu après, lorsqu’on lui a offert de prendre en charge le groupe, elle a douté. Elle avait le bagage qu’il faut : en tant que professeure de cinéma, elle avait donné des ateliers de scénarisation et était une lectrice professionnelle demandée. « J’avais l’habitude de faire travailler des textes », précise-t-elle. Mais elle a quand même hésité.

« Quand tu as fini ta chimio, ton premier réflexe, c’est de fuir ce milieu-là », avoue-t-elle. Ce n’est pas un hasard si, selon elle, la plupart des bénévoles qui œuvrent en oncologie n’ont jamais eu le cancer…

« Je me suis dit : ça m’a donné tellement de bonheur, on a tellement ri, tellement fait de jeux absurdes avec les mots, on s’est encouragé dans nos textes, je leur dois bien ça. »

PHOTO FOURNIE PAR LA FONDATION VIRAGE

De gauche à droite, les auteurs de Traversées : Françoise Davoine, France Renaud, Jean-Pierre Paquet, France Desnoyers, Francine Perrault, Linda Landry, Claude Côté, Dorothée Njuidje et Jocelyne Potvin

Les ateliers d’écriture chapeautés par la Fondation Virage ont été créés par une psychologue. Il s’agissait alors d’aborder l’écriture comme une forme d’expression thérapeutique. France Renaud, comme ceux qui avaient pris le relais avant elle, leur a donné une tournure plus littéraire. Elle a ajouté un projet : faire un livre. Il s’est concrétisé avec la parution, le 30 mai dernier, d’un recueil de textes intitulé Traversées.

Écriture « résiliente »

Les auteurs ont deux points en commun : ils ont tous été traités en oncologie au CHUM et aucun d’entre eux n’était écrivain. Dans le groupe, il y avait entre autres une ingénieure, un journaliste, une animatrice radio, une conseillère en vin et une infirmière. France Renaud a tenu à ce livre d’écriture « résiliente » pour montrer qu’il y a du talent partout.

Écrire, pour eux, a été une manière de creuser leur intériorité ou de s’évader. Une manière de remplir une parenthèse dans leur vie aussi.

« Quand tu as le cancer, ta vie est comme en suspens. »

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS LA MUSE TAQUINE/VIRAGE

Traversées, ouvrage collectif

Prendre la plume dans un tel contexte est une manière de vivre autant qu’une façon de réfléchir à sa vie.

Ce qui frappe en parcourant ce recueil, c’est la lumière qui en jaillit. La maladie en est, curieusement, presque absente. « On s’est forcé pour écrire sur la maladie », lance en riant l’animatrice des ateliers. L’un des participants a même trouvé la force d’en rire. Serge Cloutier signe en effet un texte à l’humour fin où il évoque la recherche d’un colocataire non fumeur. « Il y a assez de moi qui en grille une de temps en temps. On ne va pas s’empoisonner quand même », écrit-il.

Ce monsieur est décédé. D’un cancer causé par la cigarette.

On sent dans ces pages un regard neuf posé sur la vie, de la solitude aussi, mais surtout un grand besoin d’amour : en donner comme en recevoir. On devine que certains textes émanent d’exercices au thème imposé, mais chacun a sa couleur et sa personnalité. Son propre souffle, son propre battement. « C’est une démarche ouverte sur la vie », résume France Renaud.

Il est possible de se procurer le livre auprès de la Fondation Virage : 514 890-8000, poste 28139 ou virage@viragecancer.org