Affaire de marketing, peu d'avantages supplémentaires, faux sentiment de sécurité... Les écrans solaires au FPS très élevé (70 et plus) ont mauvaise presse. Ont-ils leur raison d'être ? Oui, plaide un chercheur américain de Johnson & Johnson, qui cite des études récentes (dont la sienne) conférant des avantages à ces écrans au FPS vertigineux. Explications.

Des critiques

Cela fait près de 10 ans que les écrans solaires au FPS très élevé - 70, 85 et même 100 - ont fait leur apparition dans les étalages des pharmacies québécoises. Dès leur commercialisation, ici et ailleurs, ces produits ont fait l'objet de critiques. On s'est d'abord questionné sur l'avantage supplémentaire de ces produits en termes de protection solaire : un FPS 50 bloque 98 % des rayons UVB alors qu'un FPS 100 en bloque 99 %. Des études ont aussi montré que les gens qui portent des écrans solaires au FPS élevé ont tendance à s'exposer davantage au soleil, portés par un sentiment de sécurité. «Les crèmes qui ont un FPS supérieur à 50, c'est juste du marketing», a résumé le pharmacien Olivier Bernard en 2014 sur le site du Pharmachien.

Pourcentage des rayons UVB bloqués

FPS 4: 75 %

FPS 8: 87,5 %

FPS 15: 93 %

FPS 30: 96,7 %

FPS 50: 98 %

FPS 60: 98,3 %

FPS 100: 99 %

Des plafonds dans plusieurs paysDes organismes réglementaires ont mis de l'ordre dans le dossier des écrans solaires. Dès 2006, la Commission européenne a recommandé de regrouper sous le terme «50+» tous les FPS au-delà de 50. Le Canada a aussi mis un plafond de «50+» en 2013, mais plus souple qu'en Europe. Lorsqu'ils veulent obtenir une licence de mise en marché pour un produit affichant un FPS supérieur à 50, les fabricants doivent le faire en dehors de la monographie et fournir à Santé Canada des preuves scientifiques supplémentaires démontrant l'efficacité du produit. Aux États-Unis, la FDA a elle aussi proposé, en 2007, de limiter le FPS à 50+, jugeant insuffisantes les preuves démontrant les avantages additionnels des écrans solaires à FPS très élevé. Cette règle n'a toujours pas encore été mise en application.

Alors que les écrans solaires à FPS très élevé sont largement offerts aux États-Unis, ils se font désormais rares au Canada, où il demeure tout de même possible d'en trouver. On peut facilement trouver de la FPS 110 de Neutrogena.

FPS 100 pour certaines occasions?Aux yeux de Joshua Williams, ingénieur chimique qui travaille pour Johnson & Johnson, «il faut continuer à mener des études pour cerner ce que devraient être les recommandations» en termes de protection solaire. Mais de récentes études sur le sujet, dit-il, montrent qu'il existe des occasions pour lesquelles les écrans solaires à FPS très élevé ont des avantages. «Cela démontre que ces produits doivent continuer à être offerts», a-t-il dit dans une entrevue téléphonique avec La Presse. Joshua Williams se garde de faire une recommandation unique en termes de FPS, mais il estime que les écrans solaires au FPS très élevé peuvent notamment être avantageux pour les gens qui font des activités prolongées au soleil ou qui impliquent une exposition intense au soleil. Les gens à la peau sensible ou ayant des antécédents de cancer de la peau, par exemple, pourraient possiblement y trouver leur compte, selon lui.

Plus de coups de soleil pour le FPS 50+Joshua Williams a lui-même dirigé une étude pour comparer deux écrans au FPS 50+ (Banana Boat) et 100+ (Neutrogena, une marque de Johnson & Johnson). Les résultats de l'étude ont été présentés en mars dernier à la rencontre annuelle de l'Académie américaine de dermatologie. Près de 200 participants ont appliqué les deux crèmes sur la moitié droite et la moitié gauche du visage lors d'une journée de ski et de planche à neige au Colorado. Résultat: 55,3 % des participants avaient davantage de coups de soleil sur la moitié du visage enduite d'écran au FPS 50+, 40 % n'affichaient aucune différence entre les deux côtés alors que 5 % avaient davantage de coups de soleil sur le côté enduit d'écran au FPS 100+.

FPS 100: mieux quand on n'en applique pas assez?Le FPS revendiqué sur l'emballage d'un produit est déterminé en laboratoire à une densité de produit de 2 mg/cm2. Or, des études ont montré qu'en réalité, les gens en appliqueraient de deux à quatre fois moins dans la vie de tous les jours. Dans une présentation qu'il a faite en juin à la Sun Protection Conference, à Londres, Joshua Williams a cité une autre étude financée par Neutrogena et publiée en 2012 dans le journal de l'Académie américaine de dermatologie. L'étude a montré que, lorsque les écrans solaires sont appliqués à une densité de 0,5 mg/cm2, le FPS réel équivaut environ au quart du FPS revendiqué sur l'emballage. En d'autres termes, lorsqu'on met quatre fois moins de crème solaire qu'on le devrait, seul l'écran au FPS 100 conférerait une protection proche d'un FPS 30.

FPS 30

L'Association canadienne de dermatologie reconnaît les écrans solaires à large spectre et avec un FPS de 30 minimum. Avant 2008, le FPS minimum était de 15.

Une balle de golf

C'est la quantité d'écran solaire qu'on devrait s'appliquer sur le corps pour en mettre suffisamment. On doit en réappliquer toutes les deux heures ou après la baignade.

Pas pour tout le mondeLe Dr Joël Claveau, dermatologue au CHU de Québec et spécialiste du mélanome, n'a rien contre le fait de trouver des écrans solaires au FPS très élevé sur le marché. Toutefois, il ne les recommanderait pas à monsieur et madame Tout-le-monde en raison du sentiment de sécurité qu'ils procurent. «Des fois, raconte-t-il, je vois des patients qui reviennent de la Floride, ils sont tout bruns et ils me disent: "J'ai mis ma 100, Dr Claveau." Ils ont l'impression qu'ils sont totalement protégés avec ça.» Certains écrans solaires à FPS très élevé (pas tous) seraient aussi plus collants que la moyenne, ce qui les rendrait moins intéressants du point de vue de l'acceptation du consommateur, ajoute le Dr Claveau.

Et les rayons UVA?«Ce n'est pas tout d'avoir un FPS 100; il faut avoir un large spectre, poursuit le Dr Joël Claveau. On peut avoir un très haut FPS et pas nécessairement un très large spectre.» Plusieurs l'ignorent, mais le FPS représente le facteur de protection contre les rayons UVB, ceux qui sont responsables, notamment, des coups de soleil. Or, le soleil émet également des rayons UVA, qui contribuent aussi au cancer de la peau et aux dommages à l'ADN, souligne Isabelle Poirier, formatrice régionale pour La Roche-Posay. Les rayons UVA sont aussi en cause dans l'allergie au soleil et la photosensibilisation médicamenteuse. «Les UVA, on n'en entend pas beaucoup parler, mais la liste des dommages est un peu plus longue et les dommages sont à plus long terme», note Isabelle Poirier, qui invite les consommateurs à rechercher le logo UVA encerclé lorsqu'ils choisissent un écran solaire. Au Canada, les écrans solaires de L'Oréal (La Roche-Posay, Vichy et Ombrelle) ne dépassent pas un FPS de 60.