La congélation d'ovules est en plein essor. La vitrification, technique de congélation rapide, a changé la donne, en augmentant radicalement les chances de survie des ovules décongelés. Surtout utilisée pour des raisons médicales, cette méthode est aussi prisée par des femmes qui se sentent rattrapées par le tic-tac de l'horloge biologique. Portrait d'une tendance qui ne fait pas que des adeptes.

Être mère... mais pas tout de suite

Pamela a pris rendez-vous dans une clinique de fertilité au mois de mars. Contrairement aux patientes qu'elle a croisées au Centre de reproduction de Montréal, ce jour-là, la jeune femme de 28 ans ne veut pas tomber enceinte. Si elle a consulté un médecin, c'est plutôt parce qu'elle ne veut pas d'enfants de sitôt.

Pamela (nom fictif) a décidé de faire congeler ses ovules en laboratoire pendant que sa fertilité est encore élevée. Plus tard, lorsqu'elle sera prête à devenir mère, cette résidante de la Rive-Sud pourra tenter la fécondation in vitro avec ses ovules décongelés et les spermatozoïdes de l'être bien aimé.

« Je veux poursuivre ma carrière sans avoir à penser à la maternité », raconte Pamela, qui vient de rompre avec son conjoint des six dernières années. Non seulement veut-elle avoir le temps de trouver l'âme soeur, mais elle songe aussi à retourner étudier en médecine. « Je veux me sentir en contrôle », dit-elle.

Pratiquée depuis les années 80, la congélation d'ovules a connu un essor important au cours des dernières années grâce une avancée majeure : la vitrification. Cette technique de congélation rapide permet d'éviter la formation de cristaux pouvant endommager les ovules. Résultat : le taux de survie des ovules décongelés est passé d'environ 50 % à plus de 90 % dans certaines cliniques.

En octobre dernier, l'American Society of Reproductive Medicine a décrété que, désormais, la congélation d'ovules ne doit plus être considérée comme étant « expérimentale ». Les études démontrent que les taux de fertilisation, d'implantation d'embryons et de grossesse liés à la congélation d'ovules sont similaires à ceux observés lorsque la fécondation se fait avec des ovules « frais ».

La plupart des femmes qui ont recours à cette technique le font pour des raisons médicales. Certaines formes de traitement du cancer peuvent avoir un impact sur la fertilité, tout comme le lupus et l'endométriose sévère. Au Québec, des cliniques de fertilité offrent le service sans frais aux patientes atteintes du cancer.

Mais la congélation d'ovules est également prisée pas des femmes en parfaite santé qui veulent, pour des raisons personnelles, reporter leur grossesse à un moment où elles seront moins fertiles ou plus fertiles du tout. Elles doivent cependant payer le traitement de leur poche (environ 11 000 $ pour trois prélèvements d'ovules).

Depuis 2005, une soixantaine de femmes ont fait congeler leurs ovules pour des raisons personnelles au Centre de reproduction McGill. Une douzaine l'ont fait au Centre de reproduction de Montréal, clinique privée du Dr Seang Lin Tan.

La New-Yorkaise Sarah Elizabeth Richards a fait congeler ses ovules au Centre de reproduction McGill il y a environ cinq ans. Cette journaliste raconte sa quête de la maternité et celle de trois autres femmes qui ont eu recours à la congélation d'ovules dans le livre Motherhood, Rescheduled, publié ce mois-ci.

« J'ai toujours voulu des enfants, raconte Sarah Elizabeth Richards, jointe au téléphone. À 36 ans, l'homme que je fréquentais depuis deux ans n'était pas certain d'en vouloir. Je commençais à m'en faire. »

Au cours des deux années qui ont suivi, elle a fait congeler un total de 70 ovules à Montréal et à New York. Cette décision a eu un effet bénéfique sur elle. « Je me suis sentie plus calme, plus en contrôle de mon avenir, dit-elle. En même temps, avec tous les efforts que je faisais, mon désir d'avoir des enfants est devenu encore plus concret. »

Selon Janet Takefman, psychologue au Centre de reproduction McGill, la plupart des femmes qui font congeler leurs ovules en retirent un bienfait psychologique : elles se sentent moins dépendantes des hommes dans leur désir d'avoir un enfant.

Des femmes rattrapées par l'horloge biologique abordent rapidement la question des enfants avec les hommes qu'elles rencontrent, ce qui peut les faire fuir. « En faisant congeler leurs ovules, elles peuvent donner à la relation plus de temps pour s'épanouir », souligne Mme Takefman.

À ce jour, peu de patientes voulant remettre leur grossesse à plus tard ont utilisé leurs ovules congelés. À McGill, seule une poignée l'a fait et, aux dernières nouvelles, aucune n'a donné naissance.

« Je présume que plusieurs d'entre elles ont rencontré quelqu'un et sont tombées enceintes d'elles-mêmes, estime Janet Takefman. D'autres n'ont peut-être pas encore rencontré la bonne personne ou ont tout simplement changé d'avis. »

Aujourd'hui âgée de 42 ans, Sarah Elizabeth Richards aimerait utiliser ses ovules d'ici deux ans. La question des enfants a eu raison de son union précédente, mais elle fréquente depuis quelques mois un homme qui en veut.

Si elle ne réussit pas à tomber enceinte naturellement, elle compte aller voir le Dr Seang Lin Tan, qui l'a suivie au Centre de reproduction McGill.