Des mesures simples après un cancer du sein comme le renforcement des muscles du bras éviteraient-elles la survenue d'un «gros bras», ou lymphoedème? C'est la question à laquelle les hôpitaux d'une douzaine d'États américains tentent de répondre dans le cadre d'une étude dont les résultats seront connus en 2012.

Le lymphoedème, une complication qui touche 20 à 30 % des femmes auxquelles une dizaine de ganglions axillaires ont été retirés, a longtemps été un effet secondaire de la chirurgie et de la radiothérapie négligé par les médecins: de nombreuses femmes en témoignent, qui disent n'avoir jamais été averties, même si seule la détection précoce de ce problème peut améliorer les effets secondaires.

Bien que l'utilisation de techniques chirurgicales moins invasives entraîne moins de lymphoedèmes, il reste une menace persistante pour des dizaines de milliers de survivantes, car l'oedème peut apparaître deux décennies après l'intervention.

«Des femmes m'ont dit que le lymphoedème était pour elles bien pire que leur cancer qui, lui, avait été traité», a déclaré le Dr Electra Paskett, une épidémiologiste de l'Université publique de l'Ohio, qui conduit la première étude jamais réalisée sur de possibles mesures de protection. Parmi elles: le port de manches élastiques de contention pour éviter le gonflement temporaire lors d'un voyage en avion ou lors du port de charges lourdes, par exemple, et la pratique d'exercices avec des charges légères conçue pour maintenir l'ouverture des canaux lymphatiques qui permettent à la lymphe de circuler dans le corps.

«La méthode repose sur l'idée que renforcer les muscles du bras agit comme une pompe naturelle qui permet au liquide de circuler», explique le Dr Paskett, elle-même survivante d'un cancer du sein qui s'est compliqué en lymphoedème.

Quand les ganglions lymphatiques de l'aisselle sont retirés ou abîmés par une biopsie, la chirurgie ou la radiothérapie, la lymphe peut s'accumuler et entraîner des complications allant d'un léger oedème à un bras énorme.

Le lymphoedème n'est pas seulement une complication du traitement du cancer du sein. La jambe elle aussi peut gonfler lorsque les ganglions de l'aine sont concernés dans le cas d'autres cancers, notamment de l'ovaire. Le traitement de son mélanome a entraîné chez l'ancien candidat à la présidentielle américaine John McCain un oedème du visage.

Mais l'oedème du bras, après chirurgie du sein, est de loin le plus fréquent. On estime qu'il touche 20 à 30 % des patientes qui ont subi un curage ganglionnaire, auxquelles on a retiré au moins dix ganglions axillaires.

Des scientifiques de l'Université du Minnesota ont analysé les résultats de la très importante étude sur la santé des femmes de l'Iowa, pour en sortir plus de 1200 patientes qui avaient eu un cancer du sein entre 1986 et 2003. Un lymphoedème avait été formellement diagnostiqué chez 8 % d'entre elles, alors qu'en réalité un pourcentage supplémentaire de 37 % de femmes présentaient des symptômes persistants, notamment un bras gonflé.

Plus étonnant encore, seules 40 % des femmes présentant un gros bras non diagnostiqué avaient entendu parler de lymphoedème et moins de 2 % avaient été traitées pour cela. Alors que la prise en charge précoce représente la clé du traitement, comme en témoigne Anne Holman.

En 2006, les médecins avaient découvert que 8 de ses 18 ganglions étaient cancéreux. Anne Holman reçoit une chimiothérapie de manière à réduire le volume de sa tumeur avant une éventuelle mammectomie, quand soudain son bras devenu rouge se met à la gratter. «Venez tout de suite», lui dit Minna Manalo, une infirmière du service du cancer du sein de l'hôpital universitaire de Georgetown. Cette dernière diagnostique un lymphoedème en association avec une inflammation cutanée.

Le bras d'Anne Holman commence tout juste à gonfler. Pendant quinze jours, quotidiennement, elle reçoit ce que l'on appelle une thérapie de décongestion, au cours de laquelle un appareil draine la lymphe du bras, avant que le bras ne soit serré par un bandage de contention. Une fois le volume du bras diminué, Holman se voit prescrire une thérapie à vie: une manche élastique serrée et un gant sans doigts à porter régulièrement, en particulier pendant ses heures de travail comme hôtesse de l'air, le tout associé à des exercices du bras de manière à faire circuler de la lymphe.

En attendant les résultats de l'étude prévus pour 2012, voici quelques recommandations des associations de cancéreux:

-soyez vigilante face au moindre gonflement. Ne négligez pas une bague ou une montre trop serrées, des habits soudain trop petits;

-consultez un spécialiste du lymphoedème, qui a sa propre formation dans le domaine thérapeutique: pose de matériel de contention et traitement décongestionnant. L'utilisation inappropriée de l'un des deux peut aggraver le pronostic;

-l'obésité et une blessure au niveau du bras sont des facteurs de risque aggravants. Surveillez votre poids, évitez les injections dans le bras touché, nettoyez les blessures et traitez rapidement toute infection; portez des gants de jardinage, évitez les températures extrêmes, notamment les bains à remous.