Des tapis rouges aux réseaux sociaux, une réflexion s’amorce autour de cette pression sociale d’arborer constamment de nouvelles tenues.

Dans un monde d’image, façonné par la mode rapide à bas prix et les réseaux sociaux, porter à deux reprises les mêmes vêtements au cours d’évènements est devenu un faux pas. Si bien que les médias anglophones parlent du « stigma of outfit repeating ».

Kate Middleton, Helen Mirren, Cate Blanchett : toutes ont été exposées dans les médias pour avoir arboré plus d’une fois la même tenue lors de sorties. Même si le premier ministre du Canada Justin Trudeau s’est fait taquiner récemment dans l’émission Infoman pour avoir revêtu le même veston à de nombreuses reprises, les femmes sont plus susceptibles de subir des critiques en cette matière, un deux poids, deux mesures qu’a dénoncé l’ex-première dame des États-Unis Michelle Obama.

PHOTO JAMES DEVANEY, ARCHIVES GC IMAGES

Kristin Davis, Sarah Jessica Parker et Cynthia Nixon dans une scène d’And Just Like That..., suite de la série Sex and the City

Un agenda pour les looks

De Carrie Bradshaw (Sex and the City) à Emily Cooper (Emily in Paris), le cinéma et les séries télévisées nous ont exposés à ces images de femmes privilégiées, symboles de réussite, qu’on voit rarement vêtues deux fois de la même façon. « Ça nous teinte énormément, remarque Janie-Claude Viens, agente de développement en transition écologique à Concertation Montréal. De voir une personne reporter le même manteau, la même chemise à la télévision, c’est le genre de chose qui pourrait nous travailler dans notre inconscient et faire en sorte que ce soit plus facile pour nous de reporter des choses. »

Car nul besoin d’être une vedette d’Hollywood pour ressentir cette pression. Certaines tiennent un agenda de ce qu’elles ont porté au cours de tel évènement et notent qui y était pour ne pas reproduire le même look. « Si j’ai une soirée de travail, par exemple, je ne vais pas remettre la même robe que j’avais avec les mêmes personnes dans une autre soirée, note Chloé Rincourt, professionnelle en marketing. Je pense que les gens le remarqueraient, en plus, il y a les photos. Ça me gênerait. »

Le fait que les tenues que l’on porte soient immortalisées lors du moindre évènement est, pour plusieurs, un frein à leur réutilisation. « Je sens le besoin d’avoir de nouveaux vêtements pour aller en voyage, affirme Pascale Daigneault. Ça n’a aucun sens, mais je veux de nouveaux vêtements pour mes photos de voyage. Tu peux regarder nos albums, je ne porte pas le même look deux fois. »

  • Pascale Daigneault

    PHOTO GUILLAUME FOURNIER, FOURNIE PAR PASCALE DAIGNEAULT

    Pascale Daigneault

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    PHOTO GUILLAUME FOURNIER, FOURNIE PAR PASCALE DAIGNEAULT

    Pascale Daigneault

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Celle qui avoue sans gêne avoir trop de vêtements est devenue influenceuse mode et style de vie pendant la pandémie.

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Consciente de l’effet de ses publications sur ses 8000 abonnées, elle n’hésite plus à s’afficher avec le même vêtement, mais agencé différemment.

Je pense que c’est une pression qu’on se met nous-mêmes parce que je n’ai pas moins d’engagement sur les photos où je reporte les mêmes vêtements. À moins que je poste le même look deux jours de suite, il n’y a personne qui s’en rend compte. Mais, en tant qu’influenceur, tu regardes ce que les autres font et tu te compares.

Pascale Daigneault

L’influence… des influenceurs

Les influenceurs ont un rôle immense à jouer, croit Valérie Vedrines, présidente et fondatrice de Masse critique, un collectif pour la transformation durable de l’industrie des communications. « Je pense qu’ils réalisent de plus en plus l’impact qu’ils ont et commencent à utiliser cette influence pour amener de la consommation plus responsable, dit-elle. C’est assez minime encore, mais c’est un mouvement qui a commencé à se créer. »

PHOTO JARED SOARES, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Jane Fonda

À Hollywood aussi, les voix s’élèvent. Après Jane Fonda, qui a déclaré à l’automne 2019 que le manteau rouge qu’elle portait lors d’une manifestation où elle a été arrêtée à Washington était son dernier achat à vie, l’actrice Kate Winslet a dénoncé la pression des tapis rouges. « L’argent gaspillé pour cela. Les heures et le stress que les gens consacrent à ces choses. Les artistes incroyables qui fabriquent ces robes sont merveilleux, mais faire quelque chose qui ne sera porté qu’une seule fois... J’ai déjà décidé que je porterai mes robes à répétition », a-t-elle dit en entrevue au magazine Vanity Fair, en 2020. Deux ans plus tard, on la voyait sur le tapis rouge d’Avatar : The Way of Water arborant une robe gris foncé du designer Badgley Mischka qu’elle avait portée en 2015 au Festival international du film de Toronto.

PHOTO ISABEL INFANTES, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Kate Winslet sur le tapis rouge d’Avatar : The Way of Water

« Ce n’est pas futile, on a besoin de ces modèles, applaudit Janie-Claude Viens. Comme Mark Zuckerberg l’a été avec le jeans/t-shirt. » Le look minimaliste du patron de Meta a d’ailleurs inspiré une expérience à nos collègues en 20161. Pendant un mois, il et elle ont porté un t-shirt gris et des jeans foncés. Et devinez quoi ? Personne ne l’a remarqué.

1. Lisez l’article « Porter des vêtements identiques chaque jour »