Après un mois sans alcool, un mois sans l’achat de vêtements neufs ? Le média québécois Unpointcinq lance le défi détox vestimentaire qui consiste à ne pas acheter de nouveaux vêtements pendant tout le mois de mars. Une initiative qui s’attire certaines critiques.

« On propose de ne pas acheter de vêtements en mars, mais le défi est plus large que ça, on invite les gens à réfléchir à notre façon de consommer des vêtements et [comment] réduire cette consommation », explique Rémi Leroux, rédacteur en chef adjoint de Unpointcinq, média de l’action climatique au Québec.

« L’industrie de la mode est une des industries les plus polluantes du monde. Il y a l’impact environnemental, mais aussi toute la dimension des enjeux humains. C’est une industrie qui pollue dans tout son cycle de vie, de la production de la fibre synthétique issue du pétrole à la fin de vie du vêtement qui finit à l’enfouissement », précise-t-il. Le principe du défi détox vestimentaire se traduit par la création d’un groupe Facebook.

L’idée est de créer une communauté de gens qui partagent leurs conseils et expériences et on a réuni déjà à ce jour plus de 1400 personnes.

Rémi Leroux, rédacteur en chef adjoint de Unpointcinq

Parmi les conseils à retenir : regarder ce qu’on a dans notre garde-robe, car il y a plusieurs vêtements qu’on ne porte pas, réparer et transformer ses vêtements, tout comme les agencer autrement. Et si on veut vraiment se procurer des vêtements, on peut en acheter de seconde main.

Une question d’éducation

Ce défi ne fait toutefois pas l’unanimité. Pour Mariouche Gagné, vice-présidente au développement de Canadian Hat et Harricana, il est trop radical et pourrait faire du mal à l’industrie. « Les détaillants souffrent depuis la pandémie, l’industrie de la mode d’ici a été fragilisée, et maintenant les gens vont se sentir coupables d’acheter en mars ? s’interroge-t-elle.

« Une détox de la fast-fashion, ça oui, évidemment ! Depuis très longtemps, je dis qu’il faut consommer moins, mais mieux, mais est-ce qu’on peut consommer de manière responsable et intelligente sans nous imposer ce défi ? Achetons local, oui, en tout temps, encourageons nos créateurs et nos entreprises d’ici, mais ne plus acheter de vêtements du tout en mars ? Ça fait du mal à l’industrie pour rien », estime-t-elle.

Isabelle Deslauriers, designer et présidente de Desloups, pense que ce défi rate sa cible, car c’est de l’éducation qu’il faut faire.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, ARCHIVES LA PRESSE

Isabelle Deslauriers

Ça aurait dû être le mois de la consommation responsable et locale. Il y a une vraie mission d’éducation à faire, les gens doivent se poser des questions avant d’acheter un vêtement, est-ce de la bonne qualité, est-ce un produit local, est-ce que ça va durer dans le temps ?

Isabelle Deslauriers, designer et présidente de Desloups

« J’ai des amis qui sont accros aux vêtements qui vont être fiers de ne rien acheter en mars, mais en avril, ils vont redoubler leur consommation de vêtements et ce sera de la fast-fashion. » Elle pense que les bons réflexes de consommation ne sont pas encore acquis par la majorité de la population. « Même moi, je dois faire attention, alors que je suis une créatrice locale, soucieuse de l’environnement qui produit des manteaux durables. Ce défi est difficilement applicable aux familles, les enfants qui grandissent, les changements de saison, et le lancement des collections printemps-été, ce n’est pas idéal », croit Isabelle Deslauriers.

Favoriser l’achat local

Pour Rémi Leroux, le défi, c’est aussi de mettre de l’avant l’achat local, car il sait que de nombreux créateurs québécois ont ce souci de l’environnement et proposent des vêtements de qualité qui vont durer. « On ne veut pas leur tirer une balle dans le pied, mais la réalité du monde dans lequel on vit, c’est qu’il y a trop de vêtements. Le Québec consomme près de 343 000 tonnes de produits textiles neufs par année, soit 40 kg par habitant par année, ce qui est colossal », insiste-t-il. Les chiffres proviennent d’un rapport du collectif MUTREC publié en 2020.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Anne Lespérance, propriétaire de la boutique Belle+Rebelle

Anne Lespérance, propriétaire de la boutique Belle+Rebelle, salue l’initiative de ce défi de détox vestimentaire. « Beaucoup de gens ne réalisent pas à quel point l’industrie de la mode est polluante et l’impact que peuvent avoir leurs habitudes de consommation. Je ne pense pas que ça aura un impact sur mes ventes, mais de toute façon, je préfère que les gens soient conscientisés, et privilégient l’achat local, car je mets en valeur presque exclusivement les designers québécois », dit-elle.

« Pendant la pandémie, le gouvernement a vraiment passé le message de consommer local pour faire vivre les gens d’ici et pendant ces deux ans, je voyais que les gens avaient cette mission de nous encourager, ce qui n’a pas duré, car je le sens moins aujourd’hui. Alors il faut continuer à éduquer », pense Isabelle Deslauriers, designer de Desloups.

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