(Paris) « J’ai beaucoup pleuré en faisant cette collection » : le couturier Julien Fournié a mis en scène une femme sexy et « ultravulnérable » en réaction à la pandémie, à la guerre et à la montée des extrémismes, dans son défilé haute couture mardi.

Après avoir présenté ses collections dans des films joyeux durant la crise sanitaire, le couturier français est revenu mardi pour la première fois sur les podiums, avec un spectacle qu’il a voulu « cathartique » face « au désespoir par rapport à notre époque ».

« Je célèbre ce retour avec quelque chose de très sombre », déclare-t-il.

« Je me suis pris un énorme coup de déflagration après cette période de COVID-19. […] J’ai failli fermer ma maison », avoue-t-il.

Méduse et raie manta

Le thème de la collection est « la lumière au milieu du néant. On le sent dans les broderies, les textures. Le but, c’est d’aller chercher la lumière qui existe dans du noir ».

Le défilé se déroule au Bridge, boîte de nuit parisienne sous le pont Alexandre III, presque en petit comité.

« Je ne veux plus de dimension people. Il est temps de mettre en avant mon métier », affirme-t-il lors d’un entretien avec l’AFP dans ses ateliers, pendant une distribution.

PHOTO MARTIN BUREAU, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le thème de la collection est « la lumière au milieu du néant. On le sent dans les broderies, les textures. Le but, c’est d’aller chercher la lumière qui existe dans du noir ».

Après deux ans d’absence et les expériences virtuelles, il ne cache pas son émotion de retrouver le spectacle physique.

« S’il y a une fille qui tombe, elle tombe et tout le monde le voit. Dans un film, si elle tombe et s’il y a un problème sur une robe, tu recoupes et tu refilmes », dit-il en faisant enfiler aux mannequins des talons vertigineux.

« Je suis assez content de revenir sur les podiums et, en même temps, c’est comme si j’avais oublié de faire du vélo, comme si j’avais perdu toute habitude couturière ». « Cela te met en danger, mais c’est ce qui te fait réapprendre ton travail », raconte le couturier.

La musique est dramatique, les filles, drapées dans des robes longues sculptant leur silhouette, sont légèrement angoissantes avec leurs cheveux ébouriffés et leur rouge à lèvres vert foncé.

Les raies mantas et les méduses sont évoquées dans les couleurs et éléments de certaines robes, pour susciter à la fois fascination et effroi.

« Droit d’être sexy »

PHOTO BENOIT TESSIER, REUTERS

Le designer Julien Fournié avec la mannequin Michaela Tomanova

Cinéphile averti, il a regardé des films « durs » comme Alien, Le Silence des agneaux ou Seven pour dessiner les tenues.

Comme dans plusieurs collections cette saison, la plupart des looks sont ultrasexy, avec des jeux de transparence et beaucoup d’ouvertures sur le corps.

« C’est une collection qui est très sexy. D’habitude, je ne le fais pas », assume Julien Fournié.

Une réaction, pour lui, à une remontée des religions, du communautarisme : « On est un pays laïc et on a marre de ce marasme du corps humain. Je pense qu’en France, on a encore cette liberté de faire en sorte d’être sexy ou à poil ! », s’emporte-t-il.

« C’est une collection anti-extrêmes », clame-t-il, jugeant que la pudeur vestimentaire déclenchée par le mouvement #metoo faisait également partie des extrêmes.

« Montrer le corps à notre époque, c’est être vulnérable. Et être vulnérable, c’est la plus belle des choses qui puisse nous arriver ».