Avec son nouveau projet d’économie circulaire dévoilé cette semaine, atelier b devient la première marque de vêtements canadienne pouvant se targuer d’avoir une production zéro déchet. Une réussite de taille pour les deux designers et fondatrices de l’entreprise montréalaise lancée en 2009.

À l’atelier-boutique d’atelier b dans le Mile End, Anne-Marie Laflamme et Catherine Métivier sont à la fois fières et fébriles de parler de leur nouveau projet, prêt à être dévoilé au monde après deux ans de recherche et développement.

Plus d’une décennie après avoir fondé atelier b, les deux créatrices, qui se sont démarquées dès leurs débuts par leur approche écoresponsable de la mode, alliant production locale, matières naturelles et une volonté de réduire au maximum leur impact environnemental, étaient prêtes pour une prise de position plus « radicale », énonce Catherine Métivier.

Et cette position radicale, c’est de décider de faire en sorte qu’atelier b ne génère plus de déchets. Et avoir la détermination de mener ce projet à terme. Un défi titanesque, il va sans dire.

Une tonne de retailles

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La nouvelle installation dans la boutique invite les gens à déposer les pièces d’atelier b dont ils ne veulent plus.

Dans la boutique, une nouvelle installation met en évidence des retailles colorées encerclant une boîte où les clients peuvent désormais rapporter des pièces d’atelier b, qu’elles soient trop usées ou simplement plus à leur goût. C’est là que commence le tri : les vêtements qui le peuvent seront réparés, éventuellement vendus en seconde main ou donnés à des organismes, « selon leurs besoins », précise Anne-Marie Laflamme.

Tous les vêtements qui ne pourront être revalorisés passeront à la prochaine étape : un tout nouveau programme de valorisation des textiles, qui inclut également les retailles de la production. Car si atelier b réutilise déjà les plus grands morceaux de retailles dans divers accessoires comme des peluches ou des foulards, il resterait en fin de cycle une tonne de retailles par année, estiment les designers. « Ce sont des matières, du fil de qualité. On avait vraiment une culpabilité à jeter tout ça. Imagine en 12 ans ce qu’on a pu envoyer au dépotoir ! », se désole Anne-Marie Laflamme.

Cette dernière évoque d’ailleurs un rêve récurrent qui l’a habitée longtemps, où elle était ensevelie sous des tonnes de vêtements que la marque avait fabriqués depuis ses débuts. Une image teintée d’écoanxiété, qui a aussi été un des moteurs pour « passer à la prochaine étape ».

Le cycle sans fin

À la base de la réflexion des deux amies, le concept de cradle-to-cradle, qu’on peut traduire par « économie circulaire ». « L’idée du cradle-to-cradle est d’empêcher que ça retourne dans la nature si ce n’est pas biodégradable, d’utiliser nos déchets de production pour créer quelque chose de beau, qui ne perd pas sa qualité et qui est réutilisable à l’infini. Ça semble un peu utopique ! »

Ce qui se passe actuellement est une tragédie. Tu as le choix de faire partie du problème ou de la solution.

Anne-Marie Laflamme, cofondatrice d’atelier b

Portées par cette volonté d’être des vecteurs de changement dans le milieu de la mode, les deux designers, qui enseignent aussi à l’université, se sont mises au travail. Le résultat est fort ingénieux : un processus de transformation de textiles en pâte cellulosique, qui peut ensuite être travaillée en 3D grâce à des techniques de moulage et de thermoformage.

  • Quelques exemples de prototypes créés par atelier b avec son nouveau programme de revalorisation des textiles

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Quelques exemples de prototypes créés par atelier b avec son nouveau programme de revalorisation des textiles

  • Les mobiles sont offerts dès maintenant, au coût de 185 $.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Les mobiles sont offerts dès maintenant, au coût de 185 $.

  • Une fois séchée et moulée, la pâte cellulosique obtenue à partir de fibres textiles a un côté brut.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Une fois séchée et moulée, la pâte cellulosique obtenue à partir de fibres textiles a un côté brut.

  • Pour obtenir les teintes désirées, il faut séparer les couleurs. Les retailles dans le bol sont celles qui ont servi à son élaboration.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Pour obtenir les teintes désirées, il faut séparer les couleurs. Les retailles dans le bol sont celles qui ont servi à son élaboration.

  • Une lampe créée à partir de fibre cellulosique

    PHOTO DOMINIQUE LAFOND, FOURNIE PAR ATELIER B

    Une lampe créée à partir de fibre cellulosique

  • L’iconique cintre d’atelier b est réalisé grâce au thermoformage.

    PHOTO DOMINIQUE LAFOND, FOURNIE PAR ATELIER B

    L’iconique cintre d’atelier b est réalisé grâce au thermoformage.

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Les défis ont certes été nombreux, et plusieurs essais et erreurs ont été nécessaires pour trouver les bonnes techniques de séchage ou de moulage, mais aussi pour comprendre comment réagissent les différentes fibres naturelles (coton, lin ou lyocell, souvent mélangées) à la transformation et apprendre comment séparer les retailles de couleurs différentes afin d’obtenir la teinte désirée.

Pour y arriver, les designers ont travaillé avec Atelier Retaille, pour développer les prototypes artisanaux, puis Synergie Montréal, afin de trouver un réseau de partenaires qui leur permettra de produire en grande quantité les objets nés de ces expérimentations.

On peut dès maintenant découvrir sur leur boutique en ligne le fruit de leur travail : des mobiles aux diverses formes et couleurs, qu’on peut se procurer dès maintenant, une pince aimantée, proposée en prévente, ainsi que des cintres et un abat-jour, qui devraient être offerts bientôt.

Les créatrices sont loin d’être au bout de leur quête, alors qu’elles collaboreront sous peu avec Innofibre, centre d’innovation des produits cellulosiques situé à Trois-Rivières. Elles aimeraient éventuellement proposer des objets comme des cache-pots pour les plantes, mais doivent d’abord trouver une façon d’imperméabiliser la matière.

Mais ce qui est particulièrement satisfaisant pour Anne-Marie Laflamme et Catherine Métivier, c’est que ces objets peuvent être retransformés en pâte, puis remoulés, et ce, presque à l’infini, sans perte de qualité, un véritable cycle sans fin. Comme quoi, l’utopie peut parfois devenir réalité !

> Consultez le site de l’atelier-boutique d’atelier b