(Paris) « Maintenant j’aime la mode en tant que spectateur », confie Jean Paul Gaultier, en coulisse du premier défilé haute couture de sa marque avec la styliste invitée, Chitose Abe, son alter ego « enfant terrible » au féminin.

Le couturier a raccroché ses ciseaux en janvier 2020 en célébrant la fin de 50 ans de carrière par un défilé grandiose au Théâtre du Châtelet, sans pour autant quitter la mode. Fin mai, la marque est revenue au prêt-à-porter avec des collections en collaboration avec de jeunes stylistes, dont la première réinterprétait son emblématique marinière.

Il n’est pas apparu pour saluer le public aux côtés de la styliste japonaise Chitose Abe, mais a reçu ses admirateurs en coulisses après le défilé, dans le cadre de la semaine de la haute couture, organisée avec un an de retard dû à la crise sanitaire.

Volumes japonais

PHOTO LEWIS JOLY, ASSOCIATED PRESS

Dès le premier look, baptisé « I Gaultier under my skin », la styliste a joué le mélange des genres dont le couturier a été pionnier : une robe-corset hybride à rayures tennis évoquant un costume d’homme.

Le bomber, le kilt, la transformation de jeans : les deux créateurs ont un vocabulaire vestimentaire commun. Après avoir fait des courses dans une boutique de la marque Sacai à Tokyo, Jean Paul Gaultier a décidé que Chitose Abe serait la première à prendre le relais, avant que d’autres créateurs ne lui succèdent chaque saison.

« Je voulais que ce soit une femme après moi. Elle a apporté sa culture japonaise qui se ressent dans les volumes. C’est formidable, c’est une voix très belle », a déclaré Jean Paul Gaultier à l’AFP en se disant « enchanté » du résultat.

Dès le premier look, baptisé « I Gaultier under my skin », elle a joué le mélange des genres dont le couturier a été pionnier : une robe-corset hybride à rayures tennis évoquant un costume d’homme.

Le trench se transforme en robe bustier architecturale, des jeans « upcyclés » (à partir de matériaux transformés) servent de base aux robes volumineuses.

Connue pour juxtaposer les volumes et les matières de façon inattendue, la créatrice a célébré le look signature Jean Paul Gaultier dans une tenue « 3 en 1 » intégrant robe marinière, jupe tartan et bleu de travail.

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Habillée en t-shirt noir sur lequel il est écrit en blanc « enfants terribles », Chitose Abe raconte, en japonais, via une traductrice, que Jean Paul Gaultier (à sa droite) lui avait donné carte blanche.

Habillée en t-shirt noir sur lequel il est écrit en blanc « enfants terribles », Chitose Abe raconte en coulisses, en japonais, via une traductrice, que Jean Paul Gaultier lui avait donné carte blanche. « Le design est une question de liberté », lui a-t-il dit.

« Je ne lui ai pas donné d’instructions du tout, du tout, du tout ! Elle a travaillé d’après les archives », raconte-t-il.

Flambeau de la mode expérimentale, la marque Sacai, qui défile pendant les semaines parisiennes du prêt-à-porter, a été créée en 1999 par Chitose Abe. Celle qui a fait ses débuts auprès de Rei Kawakubo et Junya Watanabe pour Comme des Garçons, est connue pour avoir réinventé la maille et pour son style urbain hybride.

L’année est riche en collaborations pour la styliste, qui a également été sollicitée par son ami Kim Jones, de la mode homme chez Dior. Sacai et Dior ont créé une collection capsule de prêt-à-porter et d’accessoires qui sera en boutique en novembre.

Une exposition à la Cinémathèque

Pour Jean Paul Gaultier, la signature Sacai donne « un nouveau souffle qui fait gonfler le tutu » de la haute couture. Sert-elle à « rajeunir » la marque ? Le couturier de 69 ans n’aime pas le mot : « je n’ai jamais fait du vieillot, de la vieille dame ! ». Mais il se sent « respecté » : un mot « bizarre, surtout venant de ma bouche », sourit-il.

Quant à ses propres projets, il préfère voir plus large que les collections de mode. Il sera le commissaire de l’exposition CinéMode par Jean Paul Gaultier qui ouvrira en octobre à la Cinémathèque française, où il fera « défiler » des costumes de films qui ont marqué la mode.

Grand cinéphile et créateur de costumes pour des films de Pedro Almodovar, ou pour Le cinquième élément de Luc Besson, le couturier racontera « une histoire du cinéma », de Marlène Dietrich à James Bond, en passant par Superman.