(Paris) Après la parenthèse COVID-19 où les vêtements ont été présentés virtuellement, Dior titille les sens avec un défilé dans un pavillon entièrement brodé par des artisans indiens, au premier jour de la haute couture à Paris.

Dior est l’une des rares maisons qui revient aux défilés physiques cette saison, ce qui « permet d’appréhender la collection de façon plus complète par rapport au film », explique à l’AFP la créatrice des collections femme, l’Italienne Maria Grazia Chiuri qui avait confié la présentation des deux précédentes collections haute couture au réalisateur Matteo Garrone (Dogman, Gomorra).

Les actrices italienne Monica Bellucci et américaine Jessica Chastain, la réalisatrice française Nicole Garcia ou la mannequin britannique Cara Delevingne se sont déplacées au musée Rodin pour contempler les vêtements aux côtés de convives masqués.

La « matérialité » ou la présence de l’objet ont guidé cette collection riche en total looks en tweeds — des bottes au chapeau — et en robes du soir aériennes dans lesquelles les tresses et les chaînes en tissu tiennent le plissé de façon presque invisible.

Il a fallu douze jours de travail pour faire des points invisibles sur les plissés qui donnent « une légèreté incroyable » à une robe, précise Maria Grazia Chiuri.

« Folie du détail »

PHOTO STÉPHANE DE SAKUTIN, AGENCE FRANCE-PRESSE

La « matérialité » ou la présence de l’objet ont guidé cette collection riche en total looks en tweeds — des bottes au chapeau — et en robes du soir aériennes dans lesquelles les tresses et les chaînes en tissu tiennent le plissé de façon presque invisible.

Le spectacle s’est déroulé dans un pavillon dont les murs ont été entièrement brodés selon les esquisses de l’artiste française Eva Jospin, un clin d’œil à la salle de broderies indiennes au Palais Colonna à Rome.

« Les tableaux brodés représentent une forme d’artisanat pas très connue […], mais pour lequel Maria Grazia a une sensibilité. Elle m’a proposé de travailler sur cette chambre de soie à la taille du défilé », raconte Eva Jospin à l’AFP.

Les broderies, d’une superficie de 350 m2, ont été faites par les ateliers Chanakya à Bombay avec lesquels la styliste de Dior a créé une école pour former des femmes à cet artisanat qui est en Inde un métier d’homme.

« Dans un défilé en présentiel, il y a un rapport très tactile, très physique à l’œuvre », souligne Eva Jospin.

Plus de 400 couleurs, 150 types de points, les brillances : « Quand on voit la folie du détail, on se rend compte qu’il y a des œuvres qui ne peuvent pas être virtuelles, elles doivent vivre », ajoute-t-elle.

Fin du féminisme ? Jamais

PHOTO SARAH MEYSSONNIER, REUTERS

Le spectacle s’est déroulé dans un pavillon dont les murs ont été entièrement brodés selon les esquisses de l’artiste française Eva Jospin, un clin d’œil à la salle de broderies indiennes au Palais Colonna à Rome.

Féministe avérée, Maria Grazia Chiuri développe ce thème avec subtilité. Pas de slogans militants ni d’installation en forme de vagin comme celle imaginée par l’artiste américaine Judy Chicago en janvier 2020 pour une collection de Dior face au musée Rodin.

« Jamais ce ne sera pas la fin du féminisme », sourit Maria Grazia Chiuri pour qui « revendiquer la valeur artistique à la broderie, qui est considérée comme un travail domestique, est un message féministe ».

Comme l’installation de Judy Chicago pour laquelle les broderies ont été réalisées par la même école à Bombay, celle d’Eva Jospin sera accessible au grand public jusqu’au 11 juillet.

La palette de la collection dialogue avec les broderies, dans les nuances raffinées de bleu, rose, vert ou chair.

« Les couleurs sont naturelles et hors du temps », ce qui traduit l’idée chère à la créatrice que les pièces haute couture peuvent se transmettre de mère à fille.

Elle joue également avec les proportions pour une silhouette « plus contemporaine et intemporelle ». Plus confortable aussi parce que la finesse de la taille est visuellement créée grâce aux jeux de volumes et non à la coupe ajustée.

Le chapeau-casquette en tweed assorti à la tenue s’inspire de celui créé dans les années 1960, « très masculin », en rupture avec les grands chapeaux à fleurs dont la maison Dior coiffait jusque là ses clientes.

« Maria Grazia voulait des chapeaux sportifs, pas trop dramatiques, ni féminins, pour ajouter un peu de peps aux looks », explique à l’AFP le chapelier de Dior, le Britannique Stephen Jones.