(Paris) Semblables à des araignées, des robes en dentelle ancienne tissent leur toile au milieu d’œuvres d’art : la créatrice italienne Sofia Crociani a fait de son défilé haute couture virtuel jeudi un manifeste pour « décoloniser la nature ».

Inspirée par les idées de la philosophe de l’environnement et chercheuse française Virginie Maris, la performance est mise en scène par le chorégraphe Jacopo Godani dans la galerie parisienne de Suzanne Tarasieve.

« Deux gigantesques tableaux de Georg Baselitz nous ont inspiré ce geste de liberté. La robe araignée dialogue avec les toiles », explique à l’AFP Sofia Crociani.

La présentation à la frontière de plusieurs arts est aussi une sorte de rébellion contre l’isolement imposé par la pandémie et qui confine pour la troisième fois consécutive la Fashion Week sur l’internet.

Mannequin « œuvre d’art »

PHOTO MARTIN BUREAU, AGENCE FRANCE-PRESSE

La présentation à la frontière de plusieurs arts est aussi une sorte de rébellion contre l’isolement imposé par la pandémie et qui confine pour la troisième fois consécutive la Fashion Week sur l’internet.

« Pendant la COVID-19, on perd l’envie d’être ensemble et l’envie de générer quelque chose ensemble. On porte des masques, on n’existe même plus, il faut retrouver une liberté à travers un acte artistique », dit-elle.

Et le format vidéo « qui n’a pas l’aspect d’un défilé pousse à aller plus loin », souligne Suzanne Tarasieve. 

« Cela m’intéresse de toucher à autre chose […] Il y a une sorte d’osmose entre le travail de Sofia et des poses devant les tableaux », ajoute la galeriste interrogée par l’AFP.

Les mannequins « hypnotisées » par Jacopo Godani sont aussi « considérées comme des objets d’art, pas comme de belles poupées qui marchent », souligne Sofia Crociani.

Les dentelles de Calais faites à la main, issues des archives personnelles, sont le fil conducteur de la collection, « les trésors du passé » que la créatrice qui se revendique « 100 % écoresponsable » veut « faire revivre dans le présent ».

Des flots de rubans constituent la robe « araignée » ou se posent de façon « décalée » sur des robes rose ou couleur chair.

Les robes construites « à la verticale » avec des rubans « apportent une liberté incroyable à l’allure, il y a une masse qui se crée autour de vous, mais quand vous marchez, cette masse s’ouvre et vous êtes à la fois très libre et protégée », dit Mme Crociani.

Pour recréer un lien avec le public et les clientes, elle reçoit dans un appartement à Paris prêté par « un ami collectionneur ».

« J’essaie de recevoir de façon plus personnelle, dans les salons privés. Pourquoi pas, dans les années 1950, c’était ça la haute couture », souligne-t-elle.

Mélange des cultures

PHOTO MARTIN BUREAU, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les robes construites « à la verticale » avec des rubans « apportent une liberté incroyable à l’allure, il y a une masse qui se crée autour de vous, mais quand vous marchez, cette masse s’ouvre et vous êtes à la fois très libre et protégée », dit Sofia Crociani.

Blanc, beige, gris, ébène : le Français Christophe Josse raconte la haute couture avec des vêtements d’allure rustique et d’inspirations ethniques allant de la blouse roumaine aux broderies d’Amérique du Sud en passant par le Maroc.

Le film Aurores vagabondes pour présenter la collection jeudi, au dernier jour de la haute couture, a été tourné dans les ateliers de céramiques de Sèvres dont « la gamme chromatique était en phase avec l’histoire, ainsi que l’esprit de l’excellence qu’on essaie de mettre en avant », raconte le créateur à l’AFP.

Une robe longue est faite avant comme un duffle coat avec des boutons en verre soufflé et a le dos de « berger marocain ». Un pantalon en lin, posé sur une doublure d’organza pour obtenir une structure et des volumes, est orné de broderies norvégiennes.

Le tout se porte avec des sandales plates, pour une allure « délicate » au lever d’« un jour nouveau avec ses errements, ses voyages multiples et fantasmés ».

« Faire une collection haute couture en ce moment de morosité ambiante, c’est extrêmement exaltant, c’est un moyen de pouvoir s’embarquer sur un navire qui nous amène sur des rivages lointains », souligne-t-il.

Les boucles d’oreilles massives évoquent à la fois les bijoux africains et les sculptures de l’Israélien Ron Arad.

« Je revendique le besoin de mixer les cultures », conclut le couturier.