(Paris) « La COVID » parée d’une robe gothique en dentelle noire dans un film : c’est ainsi que le styliste français Franck Sorbier a présenté sa collection haute couture dans la première Fashion week sans défilés, qui n’a pas conquis les critiques.

Franck Sorbier s’est associé avec le Musée des arts et métiers à Paris pour réaliser Il medico della peste dont le « prélude » de 15 minutes a été diffusé mercredi au dernier jour de la haute couture, évènement de mode exclusivement parisien, entièrement en ligne cette saison pour cause de coronavirus.

L’idée est de « parler du personnage qui est très important dans la commedia dell’arte, il medico della peste, c’est une sorte de parallèle avec ce qu’on vient de vivre », explique le couturier dans une vidéo sur les coulisses du tournage de ce film.

Poursuivi par « la COVID », ce médecin, derrière son masque en forme de bec d’oiseau, joue avec elle.

La projection de l’intégralité du film aura lieu le 21 septembre au sein de l’église du Musée des arts et métiers où le film a été tourné. Elle abrite un prototype de la statue de Liberté qu’on voit pansée par « la COVID » dans le film.

Romantiques, presque toutes de blanc vêtues, les mannequins se baladent la nuit dans un Paris désert chez le couturier Christophe Josse, des images qui évoquent celles de la capitale française pendant le confinement.

Zèbres, oiseaux, abeilles

Des tenues sont longues, parées de broderies ton sur ton et portées avec des sandales dans cette collection qui revendique « l’intemporelle modernité ».

Jean Paul Gaultier avait quant à lui officiellement tiré sa révérence en janvier avec un défilé grandiose. Mais « dans un monde qui se renferme sur lui-même », l’enfant terrible de la mode a décidé de profiter de la Fashion week pour « ouvrir les portes » de sa maison de couture.

Son film The show must go on entraîne le spectateur dans les coulisses de la préparation d’un défilé « qui n’en est pas un », avec une sélection d’archives. La créatrice japonaise Chitose Abe devait dessiner la collection Jean Paul Gaultier pour cette saison, mais ce défilé aura lieu en janvier prochain.

De son côté, la styliste chinoise Guo Pei a dédié sa collection aux animaux de la savane : elle juge dans son film que la crise sanitaire a changé « notre perception de la vie » et le rapport à la nature. On la voit créer des têtes d’animaux sur les robes en incrustant sur des tissus des fibres de laine. Le maquillage reprend le thème avec des « sourcils-zèbres ».

Nostalgie de « bons vieux défilés »

Le styliste libanais Elie Saab dévoile dans une vidéo impressionniste — on y entend des chants d’oiseaux et des bourdonnements d’abeilles — un aperçu de l’inspiration pour sa collection qui sera dévoilée en septembre et rendra hommage à « la beauté abondante de la nature ».

Les maisons Margiela et Valentino ont également choisi la stratégie de « teaser » leurs collections qui seront dévoilées plus tard.

Une silhouette reconnaissable de John Galliano, directeur artistique de Margiela, avec un chapeau et ses épaules prononcées, apparaît sur fond d’images psychédéliques orange et violet. Ce clip de 45 secondes est censé introduire une collection dont les trois volets suivants seront diffusés en ligne les 11, 15 et 16 juillet.

Valentino présentera sa collection dans un live performance à Rome le 21 juillet dans les Studios de Cinecittà, dont les inspirations sont dévoilées dans son film qui a clôturé ces trois jours virtuels de haute couture.

Expérience inédite, cette Fashion week affichait de hautes ambitions artistiques, mais n’a pas convaincu.

« Le numérique a encore un long chemin à parcourir avant de pouvoir remplacer le défilé en direct », commente le média en ligne WWD, la bible de la mode.

« Je suis entièrement numérique, mais pour moi ce n’est pas bon », a déclaré à l’AFP la critique Diane Pernet qui dirige également le festival ASVOFF du film de mode en début de la semaine.

Pour WWD, « ces films manquaient dans l’ensemble d’un facteur “wow” de la mode quand un défilé ou une seule robe vous coupent le souffle ».

Même le film tourné par Matteo Garrone (Dogman, Gomorra) pour présenter la collection des robes miniatures de Dior, le temps fort de la haute couture, « flirtait parfois avec l’ennui », selon WWD.