Certains profitent de leur voyage pour s’offrir un tatouage comme souvenir impérissable. Chez Isabelle Dowd, c’est plutôt l’inverse : ce sont ses rendez-vous chez les tatoueurs qui l’amènent sur les sentiers de l’ailleurs.
On lit le bras gauche de cette Montréalaise comme on remonte un fleuve, au gré des flots d’un voyage onirique. Sur cette « manche », désirée depuis si longtemps, s’enchevêtrent nombre de symboles, figurés dans leurs moindres détails : un aigle orné évoquant un phénix, une danseuse baladi en transe, un chat de race rex cornish, le tout agrémenté de fleurs de cerisier et d’une foule de fioritures…
L’harmonie du tout nous porte à croire qu’il s’agit de l’œuvre d’un seul et même artiste. Pourtant, c’est bel et bien une composition collective, tissée à six mains dans trois lieux différents. Et sa particularité va encore plus loin : son exécution par étapes a guidé les pas de son hôte au-delà des frontières du Québec, lui offrant de belles occasions de visites touristiques.
L’art visuel, les tatouages, les voyages… j’ai toujours été menée par mes passions, ça me semble naturel de les réunir.
Isabelle Dowd
De style en aiguille
En suivant divers artistes tatoueurs sur Instagram, Isabelle a fini par être conquise par les talents de Cristian Casas, alors implanté à Avilés, dans le nord de l’Espagne.
« Instagram n’est pas organisé par villes, mais par mots-clics. Je recherchais un style d’abord et avant tout. Quand je regardais ceux qui me plaisaient le plus, la plupart provenaient d’Espagne. Ce qui adonnait bien, car j’avais toujours voulu visiter ce pays », explique celle qui est réviseure linguistique indépendante, ainsi que chanteuse au sein du groupe Oupelaï.
Avant de se lancer vers d’autres horizons, elle avait fait encrer un premier jalon dans son port d’attache, à Montréal. En mai 2018, l’artiste tatoueur Michaël Cloutier avait alors ciselé un aigle orné dans un style réaliste, premier chapitre d’une histoire à compléter.
Deux mois plus tard, le tatoueur espagnol donne son feu vert à Isabelle pour prendre le relais — un client en demande doit souvent patienter, parfois longuement, voire éternellement, avant d’être accepté par certains artistes.
Jeter l’encre
Elle prend aussitôt ses billets pour atterrir dans le studio de Cristian Casas, se faire tatouer le portrait d’une danseuse baladi dans la continuité du segment précédent, puis en profite pour écumer Barcelone, les côtes maritimes espagnoles et la cité d’Avilés. « Quand les tatoueurs savent que tu es en voyage, ils peuvent t’indiquer les meilleurs endroits et restos à visiter ou même t’y accompagner », souligne celle qui fut embrigadée dans des sorties et conviée dans une cidrerie par le tatoueur et ses comparses.
Six mois après cette excursion teintée d’encre et de découvertes, Isabelle ressort son passeport pour la troisième pièce de son puzzle international. Cette fois, c’est l’artiste hispanique Fede Almanzor qui annonce son passage en résidence à New York, une Grosse Pomme dans laquelle la Montréalaise ne rechignait pas à croquer. Et le processus recommence : voyage vers la chaise inclinée, immortalisation de son chat adoré sur son avant-bras, suivie de l’exploration de la plus vertigineuse des nord-américaines. « J’ai marché 10 heures avec un tattoo neuf sur mon bras, ça a enflé et la guérison a été difficile ! », se souvient-elle.
Prochaine marque sur la peau et dans le passeport ? Un retour aux racines que la Montréalaise effectuera au mois de juin prochain en Irlande, terre de ses ancêtres.
Cette fois-ci, l’artiste n’a pas encore été trouvé, mais Isabelle garde son radar allumé, quitte à sonder les studios sur place, pour savoir qui comblera la face interne de son biceps. Le motif sera probablement un griffon celtique tiré du Livre de Kells, un manuscrit du IXe siècle.
Enfin, un lotus en mandala sur le dos de sa main viendra compléter cette « manche » symbolique et exotique ; une touche finale qui sera portée à Montréal, venant boucler la boucle.
« J’aime beaucoup les rituels et je trouve que c’en est un beau que de rapporter un tattoo d’un voyage. Quand tu le regardes, tu as de beaux souvenirs de ton séjour, de ce rite de passage », estime Isabelle.
« Le véritable défi est d’être patient : pour élaborer son projet et consolider ses choix artistiques, pour mettre de l’argent de côté, pour éventuellement décrocher un rendez-vous avec son tatoueur préféré, pour planifier son voyage et attendre le jour J », souligne-t-elle.
Tatouages sous d’autres cieux : deux conseils précieux
Les artistes tatoueurs ou leurs clients ne maîtrisant pas forcément les langues étrangères, mieux vaut s’assurer deux fois plutôt qu’une d’être sur la même longueur d’onde au sujet de l’œuvre finale. Isabelle a dû, par exemple, désamorcer quelques malentendus sur la question des coloris.
Voyager, c’est bouger ; or, il n’est pas évident de concilier l’activité touristique avec la guérison d’une plaie. « Après un tatouage, il faut prévoir 48 heures de repos, pour laisser le temps au corps de se réparer », recommande Isabelle, qui préconise fortement l’installation de bandages de type Saniderm.
Souvenirs tatoués de voyage
Nous avons demandé à nos lecteurs de nous présenter des tatouages qu’ils ont rapportés de voyage et dont ils sont particulièrement fiers. Certains viennent avec une petite histoire !