Nos vies sont jalonnées de premières fois... et certaines sont plus marquantes que d'autres. Chaque vendredi au cours de l'été, une personne nous raconte quel impact une décision ou un événement a pu avoir sur son existence. 

Ses premières espadrilles, Toddy Flores s’en souviendra toujours. Le DJ et propriétaire du restaurant Junior, à Montréal, raconte comment il les a achetées avec passion, même s’il a depuis mis la main sur près de 2000 paires, ce qui a fait de lui le « sneakerhead » le plus connu en ville.

Il a 14 ans, en 1989, quand il part à Chicago pour un championnat de basketball avec 400 $ en poche pour tout son séjour. Là-bas, Toddy entend dire qu’une quantité limitée de paires de chaussures de sport, des Air Jordan 4, est sur le point d’être mise en vente. Curieux, il se rend à la boutique. « J’ai eu le coup de foudre. J’ai sorti l’argent que mes parents m’avaient laissé et j’ai acheté deux paires identiques », explique-t-il.

C’est à ce moment précis que son obsession pour les sneakers est née : « Je voulais toujours plus de paires, de couleurs différentes, de modèles uniques. » Celui qui collectionne des modèles rares et exclusifs continue d’ailleurs d’acheter ses modèles fétiches en double.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Les Air Jordan 11 Concord sont très spéciales pour Toddy. 
Ce sont les chaussures qu’il portait à son mariage. 

En 2006, Toddy se marie… dans une paire d’Air Jordan 11 Concord, un modèle très spécial pour lui, fait de cuir verni, du jamais-vu à l’époque où il les a achetées, sept ans plus tôt. Les chaussures ont attendu le grand jour dans leur boîte tout ce temps.

J’étais célibataire, mais je savais que je voulais garder ces chaussures pour mon mariage. Je les porte rarement, mais quand j’ai ces Jordan aux pieds, je revis ce moment heureux de ma vie.

Toddy Flores

Au moment de la naissance de sa fille, Toddy possède déjà 40 paires de sneakers pour enfants.

Son passe-temps lui permet aussi de rencontrer par hasard le rappeur Kanye West, en 2004, à la boutique torontoise Goodfoot, après la fermeture. « Il s’est tourné vers moi. Je sentais depuis un moment qu’il observait mes pieds. Il m’a demandé le nom du modèle [des Adidas Questar Oddity], et je l’ai entendu faire quelques appels à la recherche de cette paire, en rupture de stock depuis des mois », raconte-t-il, un immense sourire aux lèvres.

Bien dans ses souliers

Si le nom de Toddy revient toujours chez les connaisseurs à Montréal, c’est parce qu’il a commencé à collectionner bien avant que le mouvement se répande ici. Car ce qui était considéré il y a 10 ans comme un passe-temps underground est à présent ancré dans la culture populaire. Certains investissent gros dans les chaussures, au même titre que pour l’art contemporain.

Les chaussures que se procure Toddy aujourd’hui sont d’ailleurs similaires à celles qu’il achetait au début des années 90. Et cette passion pour les modèles rétro s’avère lucrative : « Vendre certaines de mes paires m’a permis de financer mon mariage, mon restaurant, ma voiture de rêve… », dit-il.

Comment parvient-il à mettre la main sur des modèles produits en quantité limitée, qui rendraient vert de jalousie n’importe quel enthousiaste de streetwear ? « Avec le temps, j’ai développé un réseau de contacts partout dans le monde », se contente-t-il de répondre, le regard espiègle.

Il y a cinq ans, Toddy a décidé de ralentir la cadence de la course aux sneakers. L’espace pour emmagasiner sa collection commençait à lui manquer, il a donc vendu plusieurs paires. « Je vais continuer à en acheter, c’est certain », dit-il en montrant sur son téléphone une paire d’Air Max, dont la valeur marchande s’élève à 8000 $. « Je pourrais me la procurer, mais comme père de famille, j’ai d’autres priorités. Je n’ai plus besoin d’impressionner quiconque avec une collection imposante qui remplit mon sous-sol. »