La coloration végétale fait un grand retour. Utilisée depuis des millénaires et souvent associée aux « hippies », cette technique séduit de plus en plus de femmes à la recherche d’une solution de rechange aux produits chimiques pour colorer leurs cheveux. La Presse a rencontré un des pionniers en la matière, le Français Christian Roche, de Marcapar, qui était de passage à Montréal en avril dernier.

La revanche des plantes

Vous pensiez que c’était une chose du passé, mais détrompez-vous. La coloration à base de plantes est en train de revenir à la mode. À preuve, la nouvelle gamme de coloration végétale Botanéa, que L’Oréal Professionnel vient de lancer ce mois-ci en salon. Ce n’est rien de nouveau pour Christian Roche, qui a fondé la marque Marcapar à Lyon il y a déjà 30 ans, après plus d’une décennie de recherche et d’essais. C’est après avoir essayé, en désespoir de cause, du henné sur des cheveux très fragilisés qu’il était incapable de repigmenter, qu’il a découvert les vertus des plantes tinctoriales au début des années 80. « J’ai voulu comprendre pourquoi le henné fonctionnait mieux que la chimie. Tous les coiffeurs se sont moqués de moi quand j’ai commencé ! Aujourd’hui, on est copiés, mais ce n’est pas grave ! », lance-t-il, sûr de la qualité de ses produits.

Du henné… mais pas que ça

PHOTO FOURNIE PAR L’ORÉAL PROFESSIONNEL

La gamme de coloration végétale de L’Oréal Professionnel, Botanéa. 

On parle souvent de « henné » lorsqu’il est question de coloration végétale. Mais le henné n’est qu’une plante parmi toutes celles dites tinctoriales. Marcapar en utilise une trentaine, combinées de diverses façons selon la couleur souhaitée, dans ses colorations végétales. En gros, il existe trois catégories : les plantes à indigo, à anthraquinone (dont fait partie le henné) et à flavonoïdes (comme le curcuma, le thé noir, la camomille). De son côté, Botanea ne propose pour l’instant que trois poudres de plantes différentes, récoltées en Inde, utilisées en différentes recettes : l’indigo, qui encapsule des pigments bleus à violets, idéaux pour les brunettes, le henné, dont les feuilles libèrent les pigments chauds et cuivrés, à utiliser sur les blondes, cuivrées et brunes, et le cassia, qui agit comme illuminateur.

Colorer autrement

PHOTO FOURNIE PAR MARCAPAR

Le coiffeur Christian Roche, fondateur de Marcapar

La coloration aux plantes tinctoriales ne fonctionne pas du tout de la même façon que la coloration chimique, explique M. Roche. « La grosse différence par rapport à la chimie, c’est qu’on n’oxyde pas le cheveu. La plante vient se fixer sur la kératine, la partie transparente qui recouvre le cheveu. On gaine le cheveu en quelque sorte, et c’est ainsi qu’on obtient des couleurs », détaille le coiffeur. Avec cela vient ce que d’aucuns considéreront comme un désavantage : comme la coloration végétale ne contient pas d’ammoniaque ou d’éthanolamine (un dérivé ammoniaqué), dont la fonction est d’ouvrir les écailles des cheveux pour les recolorer de l’intérieur, en utilisant des oxydants, il est impossible, avec les plantes, d’éclaircir la chevelure et de passer de brune à blonde, par exemple. Cela dit, les plantes tinctoriales permettent de nuancer 100 % des cheveux blancs, créant un joli effet « méché ».

Un nouveau métier

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Vincent Bonhomme, propriétaire du salon Jardin d’art et coiffure, est le distributeur et formateur officiel de Marcapar au Canada.

La coloration à base de plantes tinctoriales est inspirée d’un savoir-faire millénaire, et demande une connaissance artisanale qui n’a que très peu à voir avec les techniques de coloration utilisées en salon de nos jours. C’est pourquoi il est important que les coiffeurs soient formés en ce sens, avance le coiffeur Vincent Bonhomme, du salon Jardin d’art et de coiffure, qui est le distributeur et formateur officiel de Marcapar au Canada (une dizaine de salons au Québec travaillent avec la gamme). « Les couleurs des plantes ne se mélangent pas, mais se superposent », illustre-t-il. Voilà pourquoi, selon M. Roche, faire de la coloration végétale est « carrément un nouveau métier ». « Avec le végétal, on assemble la nature. Les coiffeurs doivent être formés, pour comprendre comment la plante se fixe, pourquoi, comment la contrôler… », énumère-t-il.

Une solution pour la santé des femmes… et de la planète

Nombreuses sont les femmes (et les coiffeurs !) qui développent des réactions allergiques ou indésirables à force d’utiliser les teintures chimiques. Desquamation du cuir chevelu, irritations, pellicules, hypersensibilité, œdème de Quincke sont parmi les effets secondaires vécus par plusieurs femmes. « Nous sommes là pour proposer une alternative, une solution pour la santé des coiffeurs et de leurs clientes », résume M. Bonhomme. Et c’est sans compter les considérations écologiques, puisque les colorations chimiques polluent les nappes phréatiques. D’ailleurs, afin de s’assurer que les plantes ne contiennent aucune trace de métaux lourds, pesticides ou colorants synthétiques, par exemple, Marcapar fait analyser toutes ses plantes par un laboratoire indépendant. Car attention, avertit M. Roche, plusieurs poudres végétales offertes sur le marché vont contenir des ingrédients chimiques comme le PPD (paraphénylènediamine), très nocif, ajouté pour « booster » les résultats. « Il y a beaucoup de compagnies qui trompent le public, et le premier trompé, c’est le coiffeur souvent », se désole-t-il.