La bouille d’enfant encadrée d’un cœur noir à Tout le monde en parle, les jets de couleur au front et au menton à l’ADISQ, le teint jaune et les prothèses de joues aux prix Juno, bref, les maquillages de plus en plus excentriques d’Hubert Lenoir, ils sont l’œuvre de Carole Méthot, jeune artiste du visage qui voit la «beauté» autrement.

C’est dans le studio du photographe John Londono, il y a environ un an, que la discrète maquilleuse et la jeune sensation de la chanson se sont rencontrées. «C’était la première fois qu’Hubert se faisait maquiller professionnellement, se rappelle Carole. Au début, on n’échangeait pas beaucoup. Il est très franco et je suis très anglo. J’avais vraiment du mal à le lire. J’étais certaine qu’il n’aimait pas ce que je lui faisais. Mais après cette fois-là, il m’a rappelée pour faire tous ses maquillages: en shooting photo, en concert, aux galas, à Tout le monde en parle… C’était parti.»

Carole Méthot a très certainement contribué à l’image de plus en plus libérée et affirmée d’Hubert Lenoir. «Ça m’inspire vraiment de travailler avec elle, affirme Hubert Lenoir, en entrevue téléphonique. C’est une personne totalement libre qui n’a pas peur de croire en sa vision de la beauté.» 

«J’ai toujours trouvé que la majorité des maquilleurs utilisaient une approche tellement conformiste de la beauté. Carole nie totalement toutes les conventions. Au final, oui, elle est capable d’appliquer du mascara, sa technique est irréprochable, mais elle préfère s’éclater».

«On n’a jamais une idée précise de ce qu’on va faire ensemble comme look, poursuit l’auteur-compositeur-interprète. Il n’y a pas de grosse réflexion profonde. C’est assez impulsif. Notre volonté, c’est d’ouvrir des petites portes dans la tête des gens. Tous les jours, on respecte des règlements et conventions: les hommes ne se maquillent pas, ils portent des pantalons. Mais à une certaine époque, ils portaient des perruques! Alors pourquoi pas? Une fois, Carole m’a dit: “Go big or go home.” Voilà! C’est devenu une amie et je ne travaillerais avec personne d’autre.»

PHOTO FOURNIE PAR ICI RADIO-CANADA

Hubert Lenoir lors de son passage à Tout le monde en parle

Depuis l’été dernier, la maquilleuse a aussi la délicate responsabilité du visage public d’un autre artiste, plus émergent encore. Avec le chanteur Antony Carle, le courant a passé dès les premiers coups d’éponge sur une peau moite de canicule.

«C’est un ami styliste qui m’a proposé de faire appel à Carole pour la pochette de mon album, raconte Antony Carle. [L’album doit être lancé le 23 mai, sur étiquette Bonsound.] On a jasé tout le long, pour réaliser qu’on était des âmes sœurs. Notre approche, c’est la création libre, plutôt que le contrôle total de l’image. On ne pense pas à la réception du public. On ne se donne aucune restriction, aucune règle. Carole est à l’écoute des gens avec qui elle travaille, alors je lui fais confiance à 100 % et lui donne carte blanche.»

Il est possible de voir le tandem à l’œuvre dans le premier vidéoclip monté et réalisé par Antony Carle, pour son single But You, Everybody Is

L’artiste du maquillage

Carole Méthot est à parts égales maquilleuse et artiste. Son compte Instagram s’appelle d’ailleurs @caroletheartist. Pourquoi ne pas s’être plutôt dirigée vers une école d’arts, ne peut-on s’empêcher de lui demander? «Je n’ai jamais vraiment aimé l’école. En revanche, j’ai toujours beaucoup aimé le maquillage. Je dessinais et je peignais, mais je n’étais jamais satisfaite de mes productions», nous raconte celle qui a grandi dans le petit patelin d’Aylmer, un secteur de la grande ville de Gatineau.

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La maquilleuse Carole Méthot

«Au secondaire, il y avait une fille qui m’inspirait vraiment avec ses maquillages originaux. Moi, je n’y connaissais rien, alors j’utilisais ce que j’avais sous la main pour me dessiner dans le visage, comme des crayons-feutres et du mascara. Ma mère nous interdisait de nous maquiller, alors je le faisais à l’arrêt d’autobus en chemin vers l’école.»

Lorsqu’elle a compris qu’elle pouvait transformer son passe-temps en métier, l’adolescente s’est mise à la recherche de la meilleure école pour apprendre à «décorer» les visages professionnellement.

C’est à l’autre bout du pays, à Vancouver, que sa quête l’a menée. Le cours intensif de 10 mois lui a permis d’apprendre les secrets d’une beauté plus conventionnelle, mais aussi ceux des maquillages de scène et de cinéma, avec prothèses, appliques et autres effets spéciaux.

«Pour moi, la beauté, c’est ce qui me choque, m’intrigue, ne m’est pas familier. Le maquillage, c’est l’outil que j’utilise pour révéler la personnalité de quelqu’un, pour souligner sa beauté ou pour surprendre un public. La beauté et le maquillage se complètent, mais ne sont pas indissociables.»

PHOTO ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La maquilleuse Carole Méthot

À sa sortie du Blanche Macdonald Centre, Carole Méthot a vivoté pendant encore six ans dans la ville la plus chère du pays. «J’acceptais absolument TOUS les contrats de maquillage qui m’étaient offerts. Mais la mode et le cinéma ne sont pas les industries les plus développées, à Vancouver. Alors je travaillais essentiellement dans le commerce au détail.»

À partir du moment où elle s’est installée à Montréal, il y a un an et demi, sa carrière s’est transformée. «Ici, j’ai rencontré des gens qui m’ont permis de m’exprimer comme j’avais envie de m’exprimer. Je ne gagne pas encore ma vie avec des maquillages complètement libres et artistiques. La majorité du temps, je fais de la beauté pour Ssense et Want Apothecary. Mais c’est sur la bonne voie.»

Notre démarche

Carole Méthot a l’habitude de tester ses maquillages sur son propre visage, avant de les faire porter aux artistes et mannequins. Nous lui avons donc proposé de créer sur elle-même un look exclusif pour la lentille de notre photographe. Elle a imaginé un visage de poupée inquiétante qui se met à fondre (à l’aide d’un produit de sa trousse d’effets spéciaux). En studio, elle a été aidée par son ami Gabriel Drolet-Maguire, jeune designer qui a créé les gants de latex portés sur les photos.