Les coiffeurs sont souvent montrés du doigt pour leur « taxe rose » en raison des prix plus élevés pour les femmes que pour les hommes. Des salons ont décidé de changer la donne.

Un gars avec un manbun à la Jay Du Temple peut obtenir le prix d’une coupe de cheveux pour homme dans la majorité des salons de coiffure. Cependant, une femme aux cheveux courts doit quant à elle payer plus cher qu’un garçon… parce qu’elle est de sexe féminin.

Cette réalité déplaisait depuis longtemps à Joshua Belair, propriétaire du salon Studio-coiffure Perron + Aitken, situé dans le quartier gai à Montréal. Il donne l’exemple d’une femme d’affaires aux cheveux courts à qui il demandait le même prix qu’à une autre femme aux cheveux longs. « Ça n’avait pas de sens. » 

Dans notre clientèle, nous avons des gens non binaires et des personnes trans. De dire à une personne en transition qu’elle va payer pour une coupe homme, même si elle se considère une femme, parce que ces cheveux sont courts et qu’au fur et à mesure des opérations, on va changer pour une coupe femme, on ne se sentait pas bien du tout avec ça.

Joshua Belair, propriétaire du salon Studio-coiffure Perron + Aitken

Depuis juin, il offre donc une grille de prix contenant six échelons basés sur la longueur des cheveux uniquement ; très très courts, très courts, courts, moyennement longs, longs et très longs. « La taxe rose où tout coûte plus cher pour les femmes, ça ne nous représente pas au salon. On veut mettre tout le monde sur le même niveau », ajoute Joshua Belair.

Même chose pour Marie-Ève Medza, propriétaire de trois salons de coiffure Mëdz, qui songeait à abolir ce qu’elle appelle aussi « la taxe rose ».

Il y a un mois, elle a profité du fait qu’elle ouvrait une succursale dans le quartier gai pour modifier sa tarification. « Mëdz est fier de vous offrir une liste de prix qui élimine la discrimination de genre et qui se base plutôt sur l’ampleur de la tâche à accomplir », peut-on lire sur le site web des salons situés à Montréal.

« C’était naturel pour nous de faire ce virage, surtout que nous avons des gens de la communauté LGBTQ dans notre clientèle », explique Marie-Ève Medza.

« C’est arrivé quelques fois que des femmes me challengent en me demandant pourquoi elles devaient payer le prix d’une coupe pour femmes, alors qu’elles avaient les cheveux courts, ajoute-t-elle. Je leur donnais raison, mais elles se retrouvaient avec une facture où il était écrit "coupe pour homme". Ça me gênait, parce que ça peut être insultant. »

Elle a aussi eu des hommes aux cheveux longs qui bénéficiaient du prix moins élevé accordé aux hommes, même si leur coupe prenait autant de temps que celle d’une femme aux cheveux longs. Tout ça méritait d’être changé, explique-t-elle.

« Moins compliqué »

Chez Coupe Ozone, toujours dans le quartier gai, il y a longtemps qu’on ne fait pas de distinction de genre. La propriétaire Nancy Ducharme sait bien que « 90 % des salons offrent des prix différents aux hommes et aux femmes », mais elle a choisi de ne pas aller dans ce sens dans son « petit salon de quartier ». « Pour une coupe, c’est 16 $, que tu sois un homme ou une femme », dit-elle.

Fait-elle cela pour répondre à une demande de la clientèle ? Ou parce qu’elle entend les critiques ? « Pas pantoute ! C’est juste moins compliqué de faire le même prix », lance Nancy Ducharme.

Peut-on penser que c’est une tendance lourde ? La propriétaire de Mëdz ne croit pas que tous les salons de coiffure vont suivre, notamment parce qu’il y a des propriétaires « plus conventionnels » : « D’après moi, ça ne deviendra pas une tendance à court terme », dit Marie-Ève Medza.

Pour sa part, Joshua Belair reçoit beaucoup de commentaires positifs, entre autres dans le milieu de la coiffure, et ne serait pas étonné de voir d’autres salons emboîter le pas. « J’espère que ça va inspirer d’autres personnes à faire des changements en ce sens », dit-il.