Ses chaussures enjolivent les pieds des plus grandes vedettes hollywoodiennes et se retrouvent dans les grandes enseignes aux côtés des Louboutin, Jimmy Choo et Manolo Blahnik. Pourtant, le nom de Jérôme C. Rousseau demeure relativement peu connu au Québec, sa marque n’y étant même pas distribuée. Celui qui célèbre les 10 ans de sa griffe était l’invité du Festival Mode et Design, hier. Entrevue.

Jérôme C. Rousseau parle d’une séance d’essayage avec l’actrice Kristen Stewart comme d’une journée normale au bureau. Sans prétention. Puis de la première fois où Charlize Theron a porté ses chaussures, sur un tapis rouge. Et de la fois où Disney l’a joint pour une collaboration en vue de la sortie du film Tron Legacy.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE JÉRÔME C. ROUSSEAU

La chaussure créée par Jérôme C. Rousseau dans le cadre 
de la sortie du film Tron Legacy est à ce jour sa création préférée.

Né à Roberval, établi à Los Angles depuis 15 ans, après plusieurs années passées à Londres, où il a fait des études au prestigieux Cordwainers College, Jérôme C. Rousseau crée des chaussures haut de gamme, dont le prix varie généralement entre 495 $US et 800 $US. Mais ce vernis élitiste qu’on perçoit souvent dans le monde de la mode de luxe, on ne le retrouve pas dans la personne de Jérôme C. Rousseau. Il ne manque jamais une occasion de souligner la chance « incroyable » qu’il a eue, dès les tout débuts de sa griffe.

Avoir une chaussure sur Charlize [Theron], c’est quand même un beau départ. Je n’aurais même pas osé penser que je pourrais démarrer de cette façon.

Jérôme C. Rousseau

« J’ai eu une chance et des circonstances qui m’ont poussé vers ça et des gens qui croyaient en moi et qui ont fait en sorte que ces gens-là [les célébrités] voient mes chaussures », souligne le diplômé du Collège LaSalle.

Les médias le présentent souvent comme un « p’tit gars du Lac », une expression qui le fait sourire, mais qui porte une connotation quelque peu négative qui le dérange. « Évidemment, je n’aurais pas pu lancer ma marque de chaussures à Roberval, mais je ne crois pas que d’avoir grandi au Lac-Saint-Jean soit un désavantage, expose-t-il. Je ne le vois pas du tout comme ça. » En fait, « je n’ai jamais vraiment réfléchi à ce que ça voulait dire pour moi, venir du Lac-Saint-Jean ». Il dit avoir possiblement hérité de sa région d’origine l’inspiration qu’il puise dans la nature et cette intégrité qu’il estime si importante.

Chemin différent

Adolescent, il se sentait différent et a su très tôt qu’il emprunterait un chemin différent de la plupart de ses camarades de classe. Son amour de la chaussure est né alors qu’il avait 12 ans, devant la télévision, lorsqu’il a visionné le vidéoclip Groove Is in the Heart du groupe Deee-Lite. La chanteuse et DJ Lady Miss Kier y portait des souliers plateforme du designer John Fluevog qui ont marqué le jeune Jérôme.

« C’était sublime comme moment et comme inspiration, se souvient-il. J’ai été fou de ce groupe instantanément. Je n’avais jamais rien vu comme ça. Deee-Lite est un groupe qui avait beaucoup d’intégrité. Ils ont travaillé fort sur leur musique. Elle n’a pas vieilli d’une journée. Ça sonne comme rien avant et ça sonne comme rien encore aujourd’hui. »

La boucle a été bouclée lorsque, des années plus tard, le designer a rejoint la DJ dans un événement de la Semaine de la mode de New York. Celle avec qui il a tissé un lien portait à ses pieds… des chaussures Jérôme C. Rousseau !

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Jérôme C. Rousseau tient en main une botte haute qui fait partie de sa collection automne-hiver 2019.

Chaussures intemporelles

Un peu comme cette chanson qui l’a tant marqué, le designer souhaite créer des chaussures distinctives qui traversent le temps. Celui qui lance quatre collections par an souligne que rien dans son travail de création n’est calculé, surtout pas le désir de s’inscrire dans les tendances du moment. « C’est vraiment instinctif et spontané », dit-il.

Ce que je dessine, ce que je veux exprimer, ce sont des choses que j’ai adorées depuis trois ou quatre mois, que ce soit de la musique, la nature, un voyage que j’ai fait. Tout à coup, des choses se combinent et deviennent ce que la collection va devenir.

Jérôme C. Rousseau

Une démarche qui, croit-il, le distingue des grandes marques dont les collections sont plus calculées.

Quand on pense élégance et luxe, on pense forcément talons hauts, voire vertigineux. Jérôme C. Rousseau a même fait du talon « épine » (un talon qui évoque l’épine d’une rose) sa signature. Toutefois, loin de lui l’intention d’imposer aux femmes le choix du talon haut, qui compose, rappelle-t-il, seulement le tiers de sa collection. « Les chaussures qui font rêver sont souvent des chaussures très hautes, admet-il. Mais je crois qu’on peut vraiment créer de l’élégance à chaque hauteur dans une chaussure. Je me suis donné comme défi de faire une chaussure basse qui a la même élégance qu’une chaussure haute. […] Si une femme ne porte pas bien un talon haut – pas tout le monde est à l’aise avec ça et c’est normal –, ça détruit l’élégance qu’on essaie de construire. »

Conception artisanale

Grand défenseur de la qualité, il croit qu’il est possible de créer un bon produit pour chaque prix de vente. Mais ce qui distingue la chaussure de luxe de celle de masse, c’est le côté artisanal de sa conception et le choix des matériaux. « Je pourrais faire un design pour une chaussure Jérôme C. Rousseau à 150 $ et une autre à 795 $, à partir du même croquis, développé dans deux usines différentes, pour deux points de vente différents. La différence serait vraiment évidente », assure-t-il.

Autrefois offertes à Montréal chez Holt Renfrew, les chaussures de Jérôme C. Rousseau ne comptent plus de points de vente au Québec, à son grand regret. La vente en ligne lui permet toutefois de rejoindre une clientèle ici, dont Mitsou, l’une de ses grandes ambassadrices sur le sol québécois.

Consultez le site de Jérôme C. Rousseau