Noble et naturelle, la laine procure une chaleur unique et fait aujourd'hui fi des chandails qui piquent pour nous envelopper de douceur. L'originalité des modèles, la fierté de faire soi-même des produits durables et le plaisir de se retrouver entre tricoteuses contribuent à l'expansion du « phénomène tricot » et à revaloriser des fibres oubliées.

Une communauté tissée serré

«Le renouveau du tricot s'est amorcé en 2003. Le mouvement a commencé aux États-Unis avec l'ouverture de knit cafés [cafés où l'on tricote]. Le tricot devient alors un moyen de nouer des liens sociaux dans un concept très hygge. Les femmes se réunissent autour d'une tasse de thé et discutent, comme dans une soirée de village», raconte Céline Barbeau, propriétaire de La Maison tricotée. Cet art de vivre teinté de décontraction et d'écoute est une véritable soupape, une respiration nécessaire face au rythme effréné du quotidien.

De fil en aiguille, le maillage progresse au point de devenir international. Naît alors Ravelry, le site des tricoteuses. «Il a été créé il y a environ six ans et nous sommes maintenant plus de 5 millions d'abonnés. Toutes les actualités du tricot y sont représentées: les patrons, les designers; les gens postent leurs créations et leurs commentaires», poursuit Céline Barbeau.

Céline Barbeau a commencé à tricoter il y a 24 ans. Quelques années plus tard, elle animait des ateliers dans des maisons de jeunes en France. «Les femmes arrivaient de tous les milieux et le tricot effaçait les barrières. Ça permettait aussi de remailler un tissu social et de très beaux liens se sont créés», raconte celle qui adore échanger avec les gens. Céline s'expatrie au Québec en 2006, travaille dans une boutique de laine, donne des cours chez elle, puis décide d'ouvrir une boutique-salon de thé où la convivialité est de mise. Sa Maison tricotée est spécialisée dans la vente de laine locale teinte à la main; des cours de tricot, des expositions de peinture et des concerts animent régulièrement le lieu.

Des files d'attente pour un fil...

Les néo-tricoteuses ont entre 25 et 45 ans, sont souvent de jeunes mamans ou des fashionistas qui désirent créer leurs accessoires avec des matières précieuses. À tel point que certaines choisissent de teindre leur laine elles-mêmes, faisant de chaque écheveau une oeuvre unique. Les plus connues provoquent des files d'attente de plusieurs mètres de long pour mettre la main sur un écheveau (Miss Babs aux États-Unis, La Bien Aimée en France).

Autre conséquence de cette nouvelle vague: la naissance de festivals consacrés aux belles laines. Ils poussent comme des champignons depuis cinq ans. C'est le cas du Festival d'Édimbourg, mais aussi, plus près de chez nous, du festival de la Fibre Twist à Saint-André-Avellin, le plus important du genre au Canada.

Parallèlement, des designers sont devenus de véritables stars internationales. Ainsi, Stephen West, originaire de l'Oklahoma, se met en scène avec ses propres modèles de châles. Son approche novatrice contribue à la mode du tricot et à valoriser la splendeur de la laine. Au Québec, le bas Classique de Duray, fabriqué à Princeville depuis 75 ans, a inspiré nombre de créateurs, qui ont reproduit le fameux motif à rayures sur des vêtements et accessoires déco tendance.

Des moutons oubliés de nouveau en vogue

Pour répondre à une demande grandissante, les fabricants développent la production de fibres naturelles et font ressortir des races de moutons oubliées, telles le Cormo, le Rambouillet ou encore le Bluefaced Leicester que l'on trouve au Canada. «La laine des moutons blancs peut être teinte, mais comme ces moutons-là sont bruns ou noirs, on les a longtemps délaissés. C'est la vogue du naturel qui marque leur retour», précise Céline Barbeau. Les principaux producteurs se situent en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Turquie et en Chine, mais il en existe aussi au Canada, dont l'entreprise Briggs and Little, qui produit de la laine depuis plus de 150 ans.

La douceur en plus

Nombre d'adultes ont subi l'obligation de mettre le «pull qui pique» fait par grand-maman quand ils étaient jeunes... C'est sans doute une raison qui a freiné nos envies de porter de la laine quand les matières synthétiques (mais douces !) ont envahi le marché. L'apparition de la laine du mouton royal (mérinos) a permis de renouer avec cette fibre naturelle, car elle ne gratouille pas. Aussi, la circonférence du fil mesurée en microns correspond aux différentes qualités de fibres. Et plus c'est fin, plus c'est doux! «La qualité de la laine dépend de l'état de santé de l'animal. S'il est bien traité, bien nourri, sa toison sera belle. C'est le même principe que pour nos cheveux», dit la propriétaire de La Maison tricotée. Dans notre quête de confort, la laine gagne donc une place de choix puisque sa chaleur naturelle incomparable s'allie désormais à la douceur.

Comment entretenir la laine?

Le lavage à la main à l'eau froide est fortement recommandé, avec un savon doux ou du shampoing. On peut aussi utiliser le cycle spécial laine de la laveuse, mais surtout sans essorage. Pour faire sécher son tricot, on le place dans une serviette afin d'éponger le surplus d'eau et on le pose ensuite à plat pour le laisser sécher à l'air.

Rendez-vous au salon Fibrations

Fibrations est un tout nouveau marché de Noël consacré aux arts de la laine: tricot, feutrage, macramé, crochet, tissage... Cette rencontre dont la soirée d'ouverture débutera en musique à La Maison tricotée le 1er décembre se tiendra à l'église orthodoxe The Sign of Theotokos (750, boulevard Saint-Joseph Est) jusqu'au 3 décembre inclusivement.

Quelques types de laine

Alpaga, mohair, cachemire... chaque laine a des propriétés différentes que l'on choisit en fonction de son projet. Voici les principales.

Populaire mérinos

Cette laine de mouton très douce (surtout la qualité extrafine mérinos) est adaptée à tous les types de tricot et permet de réaliser des projets qui ont du corps. Son élasticité et son gonflant en font un grand favori y compris pour les vêtements destinés aux enfants et aux bébés.

Prix moyen: 25 $ les 100 g

Alpaga anti-allergies

Toison du camélidé éponyme, l'alpaga est un fil très doux selon sa gradation (baby alpaga, extrafine alpaga...). Cette matière souple convient aux personnes allergiques à la lanoline contenue dans la laine de mouton. Elle a aussi un bel effet de drapé.

Prix moyen: 25 $ les 100 g

Soyeux mohair

Ce fil de chèvre qui a beaucoup de lustre est souvent associé à la soie. Son aspect mousseux et léger est idéal pour tricoter de grosses écharpes ou des pulls d'hiver douillets. Le kid mohair (laine du chevreau) est souvent plus apprécié car il est plus doux.

Prix moyen: 25 $ les 100 g

Luxueux cachemire

Ce fil très luxueux est produit à partir de la chèvre angora. Comme son prix est élevé, on l'utilise surtout pour concevoir des accessoires. Les plus beaux cachemires proviennent des poils récupérés en brossant l'animal et non de sa tonte. Ce duvet particulièrement chaud est également très soyeux. La ferme québécoise La Chèvre d'oeuvre produit cette belle fibre depuis quelques années.

Prix moyen: 50 $ les 100 g

Rarissime vigogne

La vigogne, c'est la fameuse Toison d'or de Jason, dans la mythologie. Le pelage d'une extrême douceur de ce camélidé d'une flamboyante couleur dorée est réservé à l'élite, puisqu'il coûte environ 600 $ les 100 g... Autant dire que cette fibre prestigieuse n'est pas distribuée dans nos charmantes boutiques de quartier!

Photo David Boily, La Presse

Noble et naturelle, la laine procure une chaleur unique et fait aujourd'hui fi des chandails qui piquent pour nous envelopper de douceur.

Des tricoteuses passionnées

Ces artistes du fil et des aiguilles partagent une passion qu'elles cultivent depuis leur enfance ou qu'elles ont apprise sur YouTube.

Les bas de Mélanie

«J'ai appris à tricoter à 9 ans. C'est un véritable exutoire. Tous mes modèles sont uniques car je teins ma laine. J'aime aussi savoir d'où vient celle que j'achète et promouvoir les fibres de ma région [Rivière-du-Loup], comme les alpagas d'Aldo», dit Mélanie Bouchard. Une période de chômage il y a quelques années conduit la jeune femme à ne pas lâcher ses aiguilles... «Je tricotais plein de tuques et de bas et on m'a demandé ce que j'allais en faire. C'est là que le déclic s'est produit et que j'ai décidé de les vendre.» Ainsi est née Créations Triko-Tuk, sur Facebook, puis Etsy. Son fils de 9 ans a aussi attrapé le virus, la relève est donc assurée!

creationstrikotuk.com

Variante au crochet

Jennifer Bisson-Bernatchez a créé Akroche Tatuk en 2013. «Je me cherchais un passe-temps pour le plaisir et j'étais tentée par les créations au crochet. J'ai appris sur YouTube. J'ai commencé par faire des ventes sur Facebook, puis je me suis inscrite sur Etsy. Ç'a bien marché, mais il y a eu beaucoup de concurrence. Pour me démarquer, je me suis réinventée en faisant des patrons de crochet», raconte la jeune femme, qui travaille plutôt avec de l'acrylique que de la pure laine. Ses créations se démarquent notamment par l'ajout d'accessoires, comme des pompons amovibles et de gros boutons de bois.

https://fr-ca.facebook.com/Filles.dAriane/

Le rêve d'une retraitée

Filles d'Ariane regroupe plusieurs artisanes au coeur d'une même boutique à Magog. Une boutique au charme suranné, remplie de trésors confectionnés à la main, où l'on est accueilli à bras ouverts. «Nous sommes une trentaine de retraitées animées entre autres par le tricot et le tissage. «Le projet de l'OBNL est né en 2012. L'une des instigatrices, Mme d'Arcy, en rêvait ! Pour ma part, je n'ai jamais lâché mes aiguilles depuis l'âge de 5 ans. Et plus c'est compliqué, plus ça me détend!», raconte Denise Plante, autrefois informaticienne. On vend uniquement pour couvrir nos frais, mais ça me permet de tricoter avec de belles laines», conclut celle qui aime transmettre sa passion aux jeunes générations.

akrochetatuk.com

PHOTO FOURNIE PAR CRÉATIONS TRIKO-TUK

Mélanie Bouchard de Créations Triko-Tuk