À la foire du prêt-à-porter Coterie de New York, réservée aux acheteurs et commerçants, en septembre dernier, l'inquiétude planait. Les acheteurs du Canada, d'Europe, d'Asie et des États-Unis, venus planifier leurs achats du printemps prochain, ne cachaient pas leurs préoccupations face à la conjoncture économique. Et pour cause. Alors qu'ils remplissaient les feuilles de commandes, à quelques rues de l'exposition se jouait le sort de la banque Merrill Lynch.

«Je n'ai jamais vu autant de calculatrices. Les acheteurs écrivent leur commande d'une main et calculent de l'autre», a fait remarquer Nicola Guarna, propriétaire de la griffe californienne Robert Rodriguez qui travaille dans le milieu manufacturier depuis 15 ans. Même si les ventes pour la saison printanière n'ont ni baissé ni augmenté, il est clair que les commerçants demeurent très prudents.

«Les gens n'arrêteront jamais d'acheter, mais ils vont changer leurs habitudes. Et c'est là que le créateur de mode intervient. Il doit fournir des éléments accrocheurs qui donneront une raison d'acheter», explique M. Guarna.

Pour faire oublier la morosité économique et jouer la séduction, les vêtements du printemps se parent de détails enjôleurs: broderies, pierres scintillantes, découpes diverses, ajout d'empiècements décoratifs.

«Si l'on veut inciter les clients à acheter, il faut toucher leur corde sensible. On doit créer des vêtements qui ont un «emotionnal beat», tout en misant sur la qualité», estime cet homme d'affaires qui vend dans les grands magasins américains dont Neiman-Marcus, Saks, Bloomingdales et les meilleures boutiques canadiennes.

 

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Marc by Marc Jacobs

L'inquiétude touche le QuébecChristiane Audet, directrice des achats chez Ogilvy, a dû réviser ses achats pour la saison prochaine. «Je dois me protéger, car on ne sait pas comment les ventes du printemps se porteront. Mais je prévois que ça va faire mal. J'ai donc baissé de 10% mes achats.» Pour affronter cette période difficile, Mme Audet travaille en étroite collaboration avec ses fournisseurs et offre une variété de prix et de styles afin de satisfaire sa clientèle. Les soldes ont d'ailleurs déjà commencé, fait rare en cette première semaine de novembre.

«Le commerce au détail n'y échappera pas. Montréal est pris en sandwich: d'un côté, il y a le prix de l'euro (acheter en Italie devient hors de prix) et de l'autre, il y a la crise aux États-Unis», dit Mme Audet. Elle fait d'ailleurs un rapprochement entre cette crise et celles survenues dans les années 80. Selon elle, de nombreux fournisseurs disparaîtront. «Il y aura un grand ménage», précise-t-elle en soupirant!

Mais cette inquiétude chez les commerçants québécois se perçoit depuis quelques semaines seulement, si l'on se fie à Annie Beauvais, directrice des ventes chez DBA Apparel qui détient en autres les griffes Nougat et Cynthia Steffe. Pourtant, les ventes au Coterie de New York n'annonçaient aucun bouleversement majeur. «Il y a eu une baisse des ventes en Ontario et à Vancouver, mais pas au Québec. Ce n'est que depuis trois semaines que les choses se gâtent. Les marchands ne veulent plus acheter. Les médias ne parlent que de ça et ils sont sur leur garde. Et s'ils achètent, ce sont des coups de coeur. Pas de vêtements de base. En plus, ils attendent et espèrent que nous aurons de la marchandise en stock à leur proposer en février», explique-t-elle.

Le bon côté...

Pour certains, la crise économique produit des effets inattendus. C'est le cas de la griffe de chaussures montréalaise Modern Vintage, reconnue pour ses styles à la mode et la qualité de sa confection. «J'ai augmenté mes ventes de 12% auprès des clients haut de gamme dont Saks, Holt Renfrew et Bloomingdales», explique Rick Cytrybaum, président de la marque.

À son avis, les clientes changent actuellement leur façon d'acheter. Au lieu de se procurer une chaussure à 1000$ griffée Jimmy Choo ou Gucci par exemple, elles se tournent vers des marques de style et de qualité semblables, mais dont le coût est moindre. «Elles ont ainsi trois paires de chaussures pour le prix d'une», dit-il en souriant.

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Diane Von Furstenberg

La «wow attitude» !Comment les créateurs de mode et les manufacturiers réussiront-ils à augmenter leurs ventes auprès des commerçants? En misant sur le design. «Les gens achètent par coup de coeur. Ça doit faire wow!», croit Danielle Charest, l'associée de la créatrice de mode Marie Saint Pierre. Pour le printemps, une nouvelle clientèle américaine s'est donc ajoutée à la liste de leurs clientes malgré la situation économique. Ce qu'elles recherchent: l'originalité du design et l'étincelle qui fera craquer la consommatrice.

Pour y arriver, des manufacturiers adoptent de nouvelles stratégies. Certains réduisent les coûts en mettant à pied des employés. D'autres jouent la carte de la grande séduction. «Je réduis le nombre de pièces de la collection et je mise davantage sur la qualité et les détails accroche-coeur qui feront vendre», souligne Nicola Guarna.

Les femmes changeront-elles leur façon de s'habiller? Christiane Audet pense que oui. Elles devront réinventer leur garde-robe. Son conseil: bâtir son style en personnalisant le vêtement de base d'accessoires de la saison et quelques pièces-vedettes, comme un veston coloré ou un pantalon distinctif.

Nul doute, la mode printanière aura tout pour envoûter les femmes. Elle sera féminine, désinvolte, tape-à-l'oeil. Elle agira comme un baume en cette période d'austérité économique.

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Matthew Williamson

Prévision printanièreSe faire plaisir avec des pièces coup de coeur. C'est l'attitude que les designers ont adoptée pour le printemps prochain en créant une mode très féminine, gaie, attirante et colorée. Voici les éléments les plus populaires qui ont marqué la foire Coterie de New York:

* la veste ample en tricot, courte ou longue, que l'on enfile sur tout;

* le t-shirt décoré de pierres scintillantes ou métalliques;

* la palette des violet, turquoise et magenta;

* les teintes de terre;

* les couleurs pastel;

* les grosses lunettes graphiques;

* l'imprimé, teinture au noeud (tie-dye);

* le pantalon patte d'éléphant;

* Le jean de style garçon;

* le tricot léger que l'on porte en superposition;

* le foulard de lin ou de coton;

* les gros bijoux;

* les perles;

* la robe très courte ou très longue;

* la combinaison

* la frange et les volants;

* l'inspiration ethnique (broderies, couleurs vives).