Une mère qui achète un Blackberry à son fils de 10 ans pour qu'il gère ses multiples activités extra-scolaires. Une femme enceinte qui passe chaque soir une heure le ventre collé contre la chaîne stéréo afin de stimuler le cerveau de son enfant au moyen de «sérénades utérines». Des parents qui accompagnent leur progéniture à des entretiens d'embauche pour vérifier les perspectives de promotion, le salaire et les congés. Des anecdotes aussi édifiantes, le livre du Canadien Carl Honoré en regorge. Sommes-nous devenus fous quand il s'agit de nos enfants?

Au-delà du progrès incontestable de la pilule, l'histoire montre que dans toutes les périodes où l'on s'inquiète pour l'avenir, on tend à investir davantage d'énergie sur ses enfants. Une peur qui nous transforme, presque malgré nous, en véritable Big Brother. Résultat? Un espace d'expérience qui se réduit à peau de chagrin. «Depuis les années 70, écrit Carl Honoré, la distance moyenne que les enfants anglais ont le droit de parcourir depuis la maison sans être accompagnés s'est réduite de 90 %.» Plus aucune zone d'exploration, plus d'aventures qui forment la jeunesse... et un véritable manque d'activité physique.

 

«Élevés en milieu clos comme des poules de batterie, sans exercice physique ou presque et avec un régime hautement calorique, nos enfants deviennent dangereusement gras», souligne l'auteur.

Et c'est ainsi qu'un nouveau type de crèches et de maternelles en Europe propose des espaces entièrement à l'air libre toute l'année, dans les forêts, pour mieux faire découvrir le monde qui nous entoure. Au diable l'hystérie hygiéniste et bonjour l'exploration. S'il faut au départ une bonne dose de confiance de la part des parents, les résultats ne se font pas attendre avec des enfants dégourdis, curieux et en pleine santé. Des initiatives qui pourraient faire des petits...

Génies précoces

Une autre de nos obsessions : engendrer des petits génies précoces. Comme si nos enfants étaient finalement une extension de notre ego. Et pour cela, nous sommes prêts à tout. «Trop de stimulations peuvent affecter le sommeil indispensable au bébé pour digérer et consolider ce qu'il a appris pendant ses heures d'éveil. (...) Quand les parents en viennent à consacrer plus de temps à la culture de leur bébé qu'à son bien-être, le jeune enfant peut lui aussi donner des signes de stress. Or, si le cerveau d'un bébé est fréquemment inondé d'hormones de stress comme l'adrénaline ou le cortisol, ce changement chimique peut devenir permanent, rendant l'apprentissage et le contrôle des pulsions plus difficiles par la suite, tout en augmentant le risque de dépression.»

Le conseil de Carl Honoré est simple. Oublions le petit Mozart (qui d'ailleurs n'était pas si heureux que cela...) et passons du temps décontracté et de qualité avec nos enfants. «Les experts s'accordent à penser que la formation de liens étroits avec un proche est la pierre de touche du développement infantile et de l'apprentissage. Cela peut immuniser les enfants contre le stress tout au long de leur vie.»

La meilleure manière d'aider son enfant à se développer serait d'ailleurs d'une simplicité enfantine. «Dans de nombreux pays, les recherches montrent que les enfants qui mangent souvent avec leurs parents ont en général de meilleurs résultats à l'école, sont équilibrés dans leur tête et ont une alimentation plus saine...» Une étude réalisée par l'Université Harvard conclut également que les repas pris ensemble permettaient de mieux appréhender le langage, et ce, bien plus efficacement que les histoires du soir...

Confiance en soi

Enfin, nous avons tous compris qu'une bonne dose de confiance en soi est pour un enfant un excellent tremplin dans la vie. Et pour ce faire, nous sommes prêts à les encourager et à les féliciter autant que possible. Pourtant, il semblerait que le mieux soit une fois de plus l'ennemi du bien. «La confiance en soi est un atout mais les enfants qui font l'objet de louanges excessives peuvent finir par s'inquiéter, à l'excès, de maintenir toujours une bonne image d'eux-mêmes. (...) Au lieu d'accomplir des prouesses, ils restent assis à attendre avec angoisse que le monde se conforme à leur vision idéale. Quand tout ce que l'on fait engendre cris d'émerveillement, on finit par y croire : les échecs ne font pas partie de notre vie, tout le monde nous aime et le monde nous doit tout, tellement notre personnalité unique est fabuleuse.»

Pour Carl Honoré, il suffit de déplacer le curseur et de féliciter l'enfant pour ses efforts et non pas pour ce qu'il est. Ainsi, il «garde une marge de manoeuvre quand il se trouve devant une difficulté : il est capable de travailler plus dur».

En résumé : faisons un peu plus confiance à nos enfants et laissons-les res-pi-rer!