Sous la plume d’écrivains, il a été décrit comme « profond », « vrai », voire « infini ». « L’amour maternel est le seul amour qui se rapproche un peu de l’amour divin », a même avancé le philosophe Henri-Frédéric Amiel. Le sentiment qui unit une mère à son enfant est-il plus fort que tout ? Réflexions sur l’amour maternel à l’occasion de la fête des Mères.

Au bout du fil, un silence plane. La question qu’on vient de poser à Isabelle Nadeau mérite un moment de réflexion. Il n’est en effet pas simple de mettre en mots l’amour qu’on porte à ses enfants.

« C’est un peu imagé, mais c’est comme si mon cœur explose chaque fois que je les vois », répond, après un instant, la mère de triplés de 4 ans et d’un garçon de 5 ans.

« Il n’y a rien vraiment qui se rapproche de cet amour-là », poursuit celle qui montre des bribes de sa vie familiale sur la page Instagram Ma tribu de petits gars.

Mère d’un poupon de 3 mois, Lysandre Nadeau trouve également qu’il est difficile de décrire l’amour maternel. « Je pense que j’ai déjà aimé autant que j’aime mon garçon. Par exemple, j’ai déjà ressenti un boost d’amour envers mon frère, mon père, mon chum… Mais là, avec mon fils, c’est constant », explique l’influenceuse et ancienne participante de la saison 1 de Big Brother Célébrités, où elle a fait la rencontre du père de son bébé, le chanteur Claude Bégin.

PHOTO CLAUDE BÉGIN, FOURNIE PAR LYSANDRE NADEAU

Lysandre Nadeau et son garçon

Dès la naissance de son garçon, elle a senti un élan d’amour « inconditionnel et instantané » pour ce petit être. Or, ce n’est pas toutes les nouvelles mères qui vivent une telle connexion, souligne Laurence Charton, sociologue et professeure à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Selon elle, le contexte dans lequel se déroulent la grossesse, l’accouchement et les premières semaines de vie du nourrisson a une incidence sur le sentiment de « plénitude et de bien-être » que peuvent éprouver certaines femmes qui découvrent la maternité.

Isabelle Nadeau peut en témoigner. Si à son premier accouchement elle a vécu un « coup de foudre » pour son fils, avec ses triplés, nés par césarienne d’urgence à 26 semaines, l’expérience a été tout autre.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Ç’a été étrange de faire le lien entre les bébés qui étaient dans mon ventre puis ceux que je voyais en néonatalogie, explique la mère. Mais que tu aies un coup de foudre au départ ou que ça prenne plus de temps, ça n’enlève rien à l’amour que tu portes à tes enfants.

Isabelle Nadeau

Dans son cœur, cet amour grandit d’ailleurs de jour en jour. « En vieillissant, la relation que tu bâtis avec eux fait que tu les aimes davantage. »

Même si son garçon n’est encore qu’un poupon, Lysandre Nadeau vit aussi « un amour exponentiel ». « Ça continue d’être de plus en plus fort. J’apprends à le connaître. »

Ces réflexions font écho à celle de l’écrivaine et conférencière française Blanche de Richemont, qui, en entrevue avec La Presse, affirme que « l’amour est une construction au quotidien ».

La quête de l’amour inconditionnel

Mère de deux jeunes âgés de 8 et 11 ans, celle qui a fait des études en philosophie s’est posé beaucoup de questions sur le lien qui l’unissait à ses garçons. « Peu importe ce que les enfants ont fait pendant la journée, même s’ils ont été insupportables, quand on les regarde dormir le soir, on est toujours ébloui. Il y a toujours cet amour qui revient incessamment. C’est rare de voir un être humain et que, chaque fois qu’on le regarde, on est ébloui par l’amour. En fait, c’est un miracle pour moi. Donc, je me suis dit : “Est-ce que c’est ça, l’amour inconditionnel ?” »

Sa quête l’a menée à publier, en 2021, Amours inconditionnelles, essai dans lequel il est question de la maternité, mais aussi du couple et de la foi, notamment. Car, au fil de ses recherches, elle a constaté que l’amour inconditionnel n’est pas l’apanage des mères.

L’amour inconditionnel, c’est aimer sans attendre en retour. C’est aimer sans questions. C’est aimer malgré.

Blanche de Richemont, écrivaine et conférencière

Elle ajoute que c’est également « l’amour qui élève, l’amour qui donne des ailes ». « C’est dire : “Je t’aime.” Mais aussi : “Vas-y ! Va suivre ton chemin. Je ne te retiens pas” », explique-t-elle.

Socialisées pour aimer

Inconditionnel ou non, l’amour maternel façonne la société… Ou est-ce la société qui façonne la manière que les mères ont d’aimer ?

« Je pense qu’on peut dire, sans porter de jugement, que presque toutes les sociétés humaines, y compris la nôtre, socialisent plus les femmes que les hommes à aimer leur enfant », indique Annie Cloutier, docteure en sociologie de la famille, qui a publié en 2014 l’essai Aimer, materner, jubiler, inspiré en partie de sa propre expérience de mère au foyer.

Or, la professeure au cégep Garneau déplore qu’avec le rôle de mère viennent souvent « des attentes de don de soi, de sacrifices, d’oubli de soi-même ».

« Aimer son enfant et avoir la possibilité de vivre cette passion qu’on a pour lui […], je pense que c’est très sain, mais ce n’est pas parce qu’on jubile auprès de son enfant qu’on a nécessairement envie d’être toujours avec lui », résume-t-elle.