Une carte en forme de cœur, un bracelet en macaroni, des fleurs en papier de soie… Les cadeaux fabriqués par les enfants à l’école et à la garderie à l’occasion de la fête des Mères atterriront bientôt dans les mains de leurs destinataires. Une tradition qui est toutefois reconsidérée par certains.

« Si je ne recevais rien, je serais déçue ! Est-ce que je peux dire ça ? »

Julie Trudeau-Aubin, mère de garçons de 2, 5 et 7 ans, adore recevoir les présents fabriqués par ses enfants. Elle aime le souci de vouloir faire plaisir, les habiletés et la créativité déployées. Elle aime aussi la signification derrière : cela lui rappelle son rôle de mère, en particulier pendant la période de la petite enfance.

« Je suis une nostalgique, dit la femme de 36 ans. Je garde dans une boîte tous les cadeaux faits par les enfants, mais je les prends en photo avant, pour être sûre d’en conserver la trace. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Julie Trudeau-Aubin et ses trois fils, Evan, William et Jacob

Véronique Garneau aime, elle aussi, les cadeaux faits par sa fille Adèle, 7 ans, pour la fête des Mères : elle apprécie particulièrement la fierté de sa fille, toujours heureuse de lui remettre ses œuvres. « C’est surtout son attitude par la suite qui me fait beaucoup rire, dit la mère de Victoriaville. Elle s’assure que j’utilise le sous-verre qu’elle m’a donné il y a deux ans, ou encore, que je porte le bracelet fait l’an dernier… même s’il déteint sur ma peau ! »

Samuel, 12 ans, a quant à lui développé une expertise dans les poèmes acrostiches : depuis cinq ans, il s’applique à en remettre un à chaque membre de sa famille lors des anniversaires, sans oublier la fête des Mères. « C’est une tradition, dit sa mère, Kathleen Couillard. On a toujours hâte de voir les adjectifs qu’il a trouvés. »

  • Véronique Garneau a déjà reçu un sous-verre fabriqué par sa fille Adèle pour la fête des Mères.

    PHOTO FOURNIE PAR VÉRONIQUE GARNEAU

    Véronique Garneau a déjà reçu un sous-verre fabriqué par sa fille Adèle pour la fête des Mères.

  • Un acrostiche fait par Samuel, fils de Kathleen Couillard

    PHOTO FOURNIE PAR KATHLEEN COUILLARD

    Un acrostiche fait par Samuel, fils de Kathleen Couillard

  • Un bracelet offert par Adèle à sa maman Véronique Garneau

    PHOTO FOURNIE PAR VÉRONIQUE GARNEAU

    Un bracelet offert par Adèle à sa maman Véronique Garneau

  • Raphaëlle, 11 ans, a préparé un petit déjeuner pour sa maman.

    PHOTO FOURNIE PAR MARIE-CLAUDE ROYER

    Raphaëlle, 11 ans, a préparé un petit déjeuner pour sa maman.

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Séparé de la mère de ses enfants, Gabriele Ricci, un Montréalais de 38 ans, se fait toujours une joie de jeter un œil aux créations de leurs filles de 5 et 7 ans. « À la fête des Mères, mon ex-conjointe me montre toujours ce qu’elle a reçu et je fais pareil à la fête des Pères. Et parfois, ça traîne quelques semaines dans le sac à dos alors on les voit de toute façon ! », raconte-t-il en riant.

Certaines mères confient ne pas « tout garder »… sans aucune culpabilité. Mère de quatre enfants de 10 ans et moins, Anne-Marie Paquet évoque la question d’espace. « C’est juste impossible de tout garder, et puis, on va se le dire, parfois, on a de la misère à savoir de quoi il s’agit exactement », rigole la résidante de Gatineau en pensant à certains dessins ou bricolages confectionnés par sa tribu.

Bricolage reconsidéré

Et si ces petits cadeaux faits maison venaient à disparaître ? Avec l’éclatement des familles et les nouveaux modèles familiaux, des enseignants et des éducatrices se posent la question.

Professeure de maternelle dans Chomedey, à Laval, Annie Girard a rendu cette activité de bricolage optionnelle l’an passé – et ce sera pareil cette année, dit celle qui enseigne depuis 14 ans.

J’ai des enfants qui ont deux mamans ou deux papas ou dont un parent est décédé ou a disparu. Ça devient très délicat. Je pense que c’est culturel et ça relève peut-être davantage d’un choix personnel, qu’on peut faire à la maison ou pas.

Annie Girard, professeure de maternelle

Propriétaire d’une prématernelle à Saint-Eustache, Anie Laplante n’est pas tout à fait rendue là… mais elle y pense. « Je fais encore des activités liées à la fête des Mères, la fête des Pères et les autres fêtes comme Pâques et Noël, mais je les fais à reculons », souligne-t-elle.

Elle rappelle à quel point ces fêtes s’inscrivent dans un cadre traditionnel… mais que les choses ont bien changé et que cela ne correspond plus aux profils et à l’environnement de ses petits. « Je me demande quelle est la valeur associée à ces fêtes-là. Pourquoi y tient-on ? Et pourquoi faut-il adhérer à cela ? Quels sont le sens et la pertinence ? De mon côté, ça devient de plus en plus un casse-tête, et même une corvée. »

Marilyne Bailey, éducatrice dans un service de garde à Montréal depuis plus de 20 ans, pense aussi à la question environnementale de ces petits projets bricolés. « Même si on essaie de créer des choses à partir de matières recyclables, ça fait plus de déchets au bout du compte, signale-t-elle. Et il y a des limites à ce qu’on fait avec un carton de lait ! »

Pour Marie-Claude Royer, maman de Raphaëlle, 11 ans, rien de mieux qu’un moment partagé en guise de cadeau. L’an passé, sa fille lui a offert un déjeuner au lit entièrement préparé par elle, et elle seule. Cela a touché la mère droit au cœur. « C’était mon premier déjeuner au lit à vie », avoue-t-elle, émue, en précisant que cela incluait « même le café ».