Augmentation de l’anxiété. Allongement du temps d’écran. Désintérêt envers les rencontres « en vrai ». Démotivation scolaire et sportive. Peur des virus et des microbes. Deux ans de pandémie ont changé les jeunes, constatent les parents – mais pas que négativement.

Le confinement et les nombreux changements de consignes sanitaires ont pesé lourd sur bien des enfants, qu’ils soient d’âge préscolaire ou adolescents. Et si la résilience et la capacité d’adaptation des jeunes ont été vantées à maintes reprises par les parents et les experts, pour certains, la situation a été pénible.

Et cela laisse des traces.

« Ma fille ne croit plus ce que le gouvernement dit », raconte Anne Marie Hébert, mère d’une fille de 10 ans et de trois garçons de 8, 5 et 2 ans. « C’est comme si elle était désillusionnée. Elle suit les règles, mais elle a été en surcharge. Les consignes ont changé tellement souvent qu’elle est devenue angoissée, même un peu agressive. »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Anne Marie Hébert, mère d’une fille de 10 ans et de trois garçons de 8, 5 et 2 ans

Cette mère de famille de 35 ans de Chambly affirme que sa fille ne souhaite qu’une chose : être en classe, assise avec ses amis, un enseignant devant elle.

Ces mêmes frustrations ont été vécues par l’aîné de Mélanie (nom fictif), maman de deux garçons de 14 et 9 ans – mais beaucoup plus durement. « Les règles qui viennent et partent, le fait qu’il soit isolé, sans pouvoir côtoyer ses amis, confiné, avec un couvre-feu en plus, tout ça l’a mis en colère. Il a fait des crises... jusqu’au jour où il a verbalisé qu’il n’allait pas bien. » Grâce à des ressources d’aide psychosociale déployées autour de la famille, le fils de Mélanie va mieux, même bien.

Peurs incontrôlables

Selon Nicolas Chevrier, psychologue, la pandémie aura levé le voile sur les problèmes de santé mentale dans la population en général et particulièrement chez les enfants et les adolescents. « On en parle beaucoup plus, souligne-t-il, on est plus informés, c’est moins tabou. Les gens auront tendance, je crois, à aller chercher de l’aide plus rapidement. »

Il souligne que les troubles anxieux et alimentaires sont en croissance et qu’on en mesure mal, pour le moment, les répercussions.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Nicolas Chevrier, psychologue

On peut faire le portrait de ce qu’on voit en ce moment, mais je crois qu’on observera dans les 6 ou 12 prochains mois les effets de deux ans de pandémie chez nos jeunes.

Nicolas Chevrier, psychologue

« D’ici un an, si on n’affronte pas d’autres vagues de COVID-19, dit-il, quelles problématiques vont disparaître et lesquelles vont rester ? »

Julie Chaumont, mère de deux filles de 11 et 8 ans, ne peut jurer que la nouvelle obsession de sa plus vieille va s’incruster... ou se dissiper. « Elle a développé une phobie des microbes, dit la Montréalaise de 41 ans, et il y avait bien peu de façons de la raisonner. On a essayé de dédramatiser, de lui expliquer, de l’aider à surmonter sa peur... mais finalement, on a consulté un psychoéducateur. Et j’ai beaucoup lu sur le sujet. »

La peur de la maladie a aussi hanté le garçon de 9 ans de Mélissa Gagnon. Il avait très peur d’attraper la COVID-19... et de vomir. « Il est tombé en hypervigilance de ses symptômes, il a fait de l’angoisse et des crises de panique », explique la mère dont la fille de 11 ans a aussi fait de l’anxiété.

Ados moins épanouis

Pédiatre, médecin de l’adolescence et chercheur au CHU de Québec-Université Laval, le DRichard Bélanger a participé à une vaste étude sur la santé mentale des adolescents en temps de pandémie. Il en ressort que leur santé mentale a été mise à rude épreuve. « La population adolescente ressort amochée de la pandémie, explique le DBélanger. L’anxiété est en hausse, les symptômes dépressifs aussi. Et on constate un moins grand épanouissement des ados. »

Consultez l’étude « L’évolution de la santé mentale des adolescents au cours de la pandémie COVID-19 – Une analyse des cohortes scolaires »

Le rapport souligne que le nombre d’adolescents montrant une augmentation des symptômes dépressifs significatifs ou se disant moins épanouis est en hausse, particulièrement chez « les filles, les adolescents du second cycle, ceux issus de milieux plus défavorisés ou dont la vie familiale a été décrite comme moins heureuse ».

Privés de leur routine, certains jeunes se sont pris en main, tandis que, pour d’autres, ç’a été l’inverse. Ils se sont désorganisés. « Ils ont perdu leurs repères, ils ont eu moins d’occasions sportives, culturelles, sociales, rappelle le Dr Bélanger. Et ils étaient moins dans un contexte pour s’amuser. »

PHOTO FOURNIE PAR CYNTHIA PARADIS

Cynthia Paradis, son conjoint et leur fille de 16 ans, leur garçon de 13 ans et leur plus jeune de 7 ans

Repêchée par une équipe de hockey féminine de Québec, la fille de 14 ans de Cynthia Paradis a choisi de quitter le nid familial de Sainte-Luce, à l’automne 2020, pour vivre son rêve. Cette grande réussite s’est transformée en véritable défi logistique à cause de la pandémie. « Elle a fait l’école à distance en plus de voir ses entraînements et ses matchs annulés, explique la mère de trois enfants âgée de 44 ans. Elle a vécu pas mal de stress et de pression. »

Pour ses deux garçons de 13 et 7 ans, le défi a surtout été lié à la gestion des écrans. Mais puisque la vie sociale des enfants passe aujourd’hui en grande partie par les échanges en ligne, Mme Paradis et son conjoint ont opté pour une approche plus flexible. « Quand c’est trop, on ferme le WiFi », lance-t-elle en riant.

Aussi, je remarque que mes enfants se sont rapprochés grâce aux jeux vidéo ou sur les réseaux sociaux, où ils échangent. Ils sont plus unis.

Cynthia Paradis, mère de trois enfants de 16 ans, 13 ans et 7 ans

Mère d’un adolescent de 14 ans et d’une fille de 12 ans, Annie Charbonneau-Fortin a aussi eu du fil à retordre avec l’utilisation des écrans. Comment trouver un équilibre sans priver ses enfants de leurs amis, fréquentés uniquement en ligne ?

PHOTO FOURNIE PAR ANNIE CHARBONNEAU-FORTIN

Annie Charbonneau-Fortin, son fils de 14 ans et sa fille de 12 ans

« Ils ont peu à peu développé d’autres champs d’intérêt, dit-elle. Mon garçon s’est mis à jouer de la guitare. Avant la pandémie, il était passionné de triathlon. Est-ce que ses champs d’intérêt et ses occupations auraient autant dérivé sans la pandémie ? Je ne le sais pas, mais maintenant, ils sont quatre ou cinq amis à venir jouer de la musique dans le sous-sol. »

Sa fille, quant à elle, a amélioré grandement son anglais grâce aux vidéos regardées sur le web... et elle s’est mise à cuisiner. « Elle peut nous faire des soupers au complet, de A à Z, souligne la mère de 41 ans de Gatineau. Je trouve qu’ils ont été, somme toute, très résilients. Ils ont montré qu’ils avaient de grandes capacités d’adaptation. Il faut leur faire confiance ! »