La relance des activités de sport pour les jeunes est « urgente », plaident une pédiatre et des intervenants du milieu sportif, dont le triathlète Pierre Lavoie. Ces activités reprendront « dès que possible », assure la ministre déléguée à l’Éducation, Isabelle Charest, consciente de la « nécessité » du retour du sport.

Jointe au téléphone mardi, la pédiatre Marie-Claude Roy a livré un plaidoyer pour le retour rapide des activités parascolaires, artistiques et sportives pour les jeunes.

Maintenant que les écoles sont rouvertes (c’était LA priorité), il « urge » de relancer ces activités, dit-elle. Et surtout les activités sportives.

« Actuellement, pour plusieurs sports, la saison des jeunes est en train de tomber à l’eau », souligne la Dre Roy, pédiatre au CIUSSS de l’Estrie-CHUS et membre du conseil d’administration de l’Association des pédiatres du Québec.

Tout l’investissement, toute la motivation, tout le travail derrière ça, toute la rétroaction positive qu’ils vont retirer de ça, ils sont en train de les perdre. Il faut y aller.

La pédiatre Marie-Claude Roy

Le 30 décembre, Québec a suspendu la pratique d’activités de groupe à l’intérieur pour une période indéterminée. Des discussions sont en cours entre le gouvernement, la Santé publique et des partenaires du milieu en vue d’une reprise graduelle. Selon nos sources, on vise la date du 31 janvier, mais la Santé publique attend de voir l’impact de la réouverture des écoles sur la situation épidémiologique avant de faire ses recommandations.

Ailleurs au Canada, l’Ontario et des provinces atlantiques ont aussi suspendu les activités de sport et de loisir pour faire face au variant Omicron. Dans l’ouest et le centre du Canada, par contre, tout comme aux États-Unis et dans les pays européens comme la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, les jeunes n’ont pas été contraints de cesser leurs activités.

Étape charnière

Selon la Dre Marie-Claude Roy, ces suspensions répétées depuis deux ans pourraient avoir des impacts à long terme sur la nouvelle génération, chez qui on voit déjà de plus en plus de problèmes de sédentarité, d’obésité et de dépendance aux écrans. L’enfance, rappelle-t-elle, est une étape charnière dans l’adoption de saines habitudes de vie.

« Le risque zéro n’existe pas, poursuit la Dre Roy. Avec des mesures claires, comme c’était d’ailleurs déjà le cas avant Noël, toutes les conditions sont réunies pour qu’on puisse permettre le retour de ces activités dans des conditions relativement sûres, tout en acceptant que ce ne sera pas parfait. »

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Lavoie, cofondateur du Grand Défi Pierre Lavoie

« Urgence nationale »

Pierre Lavoie, cofondateur du Grand défi Pierre Lavoie, parle du retour au sport comme d’une « urgence nationale ». Dès que les cas d’Omicron commencent à descendre, dit-il, il faut aller de l’avant. « Et quand je dis une urgence, ce n’est pas dans deux mois : c’est dans les prochains jours », résume-t-il.

Les entraîneurs, les clubs et les fédérations pourront continuer de faire preuve d’imagination pour faire bouger les jeunes en attendant la reprise complète, souligne Pierre Lavoie. Les clubs de hockey, par exemple, pourraient organiser des concours d’habileté. Des entraîneurs pourraient aussi amener les jeunes dehors pour leur permettre de développer de nouvelles compétences.

Ce que Pierre Lavoie craint le plus, c’est le décrochage sportif, surtout chez les jeunes de 15, 16, 17 ans.

Plein de jeunes ont déjà perdu le goût de bouger. On doit se faire une priorité de le leur redonner.

Pierre Lavoie, cofondateur du Grand Défi Pierre Lavoie

Le psychologue sportif Bruno Ouellette, père de deux sportifs de 11 ans et 14 ans, peine à comprendre pourquoi les sports des enfants et des adolescents sont encore suspendus, alors que les sports professionnels et les sports d’élite, eux, ont pu continuer. « On envoie le message que c’est seulement important pour le haut niveau, dit-il. Franchement. On se tire dans le pied. »

Bruno Ouellette déplore aussi qu’il n’y ait pas encore d’échéancier ou de critères de reprise, ni même de débat de société sur le sujet. « Et y a-t-il des données probantes pour justifier l’arrêt des sports ? demande-t-il. La science, on l’utilise quand ça fait notre affaire. »

« Dès que possible »

Dans une déclaration écrite, la ministre Isabelle Charest a indiqué travailler avec la Santé publique et des partenaires pour reprendre la pratique sportive « dès que possible » et de « manière sécuritaire ».

« La reprise sportive est importante pour toute la population, particulièrement pour nos jeunes, et je suis convaincue que la Santé publique comprend bien à quel point c’est primordial, écrit-elle. Il faut faire les choses dans l’ordre, nous continuons de suivre les recommandations de la Santé publique et de respecter les consignes. Il faut poursuivre les efforts de vaccination, ça va mettre en place les conditions gagnantes pour le retour du sport. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le DDonald Vinh, microbiologiste-infectiologue au Centre universitaire de santé McGill

Microbiologiste-infectiologue au Centre universitaire de santé McGill, le DDonald Vinh croit lui aussi qu’il est important de relancer les activités des jeunes. Mais le critère numéro un, selon lui, ce n’est pas la vitesse : c’est la sécurité.

« Si on dit : tout le monde peut participer, vacciné ou non, sans masque, sans ventilation, sans tests rapides et en mélangeant tous les participants, c’est sûr que ça va être un désastre et amener des éclosions, illustre-t-il. Mais si on le fait de façon sûre et responsable, je pense que ça pourrait se faire. »

Diverses mesures peuvent être mises de l’avant, comme le passeport vaccinal, l’établissement de bulles, le contrôle du nombre de personnes dans les vestiaires, le port du masque (lorsque c’est possible) et une meilleure ventilation des lieux. Le recours à des tests rapides pourrait aussi être un atout. « Il faut juste le faire de façon sûre, résume le DVinh. Et on a les moyens de le faire. »