Le jeu Les Aventuriers du Rail – Europe célèbre cette année son 15anniversaire, un âge vénérable qui le situe parmi les plus grands classiques ludiques. Quels sont les secrets de sa popularité et de sa longévité ? Décryptage.

La paternité des Aventuriers du Rail revient à un créateur américain d’origine britannique, Alan R. Moon. Au début des années 2000, lorsqu’il présente son prototype de jeu de train à l’éditeur Days of Wonder, il a déjà plus de 20 jeux à son palmarès, dont Elfenland.

Le jeu original se déploie alors à travers l’Amérique du Nord. Les joueurs doivent relier entre elles des destinations cachées en choisissant habilement les cartes-wagons mises à leur disposition. Chez l’éditeur, c’est le coup de foudre instantané, explique Adrien Martinot, directeur du studio Days of Wonder chez Asmodee. « Après 10 minutes, on était accrochés et on voulait faire une nouvelle partie. »

Le jeu sort en 2004, avec sa carte nord-américaine, et remporte dès sa sortie le prestigieux Spiel des Jahres, considéré comme les Oscars du jeu de société. Le retentissement est mondial. En 2006, une deuxième version aux règles légèrement modifiées est publiée, Les Aventuriers du Rail – Europe. Suivront une vingtaine d’autres versions et extensions traduites dans 30 langues, dont une pour les jeunes joueurs intitulée Mon premier voyage.

Des versions qui diffèrent juste assez

Sylvain A. Trottier, spécialiste du jeu qui œuvre sous le surnom du Ludologue, explique : « Chaque version a sa particularité, même si les règles de base restent les mêmes. » C’est vrai, peu importe que les parties se déroulent en Asie, en Scandinavie, à New York ou en Inde. « C’est d’ailleurs un peu déroutant de faire un choix parmi toutes ces versions. Et je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en acheter plusieurs, à moins d’être collectionneur. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La version new-yorkaise des Aventuriers du Rail permet de jouer des parties plus courtes, soit autour de 15 minutes.

« Certaines versions qui se passent dans des villes proposent des parties plus courtes, d’autres permettent de jouer en équipe », ajoute Michel Bédard, copropriétaire du pub ludique et de la boutique La Revanche, à Québec. « Le jeu reste un très bon vendeur, surtout pour les versions Amérique du Nord ou Europe. »

Pas moins de 12 millions d’exemplaires des Aventuriers du Rail ont été vendus, toutes versions et langues confondues, depuis sa sortie en 2004.

« Il n’y a jamais eu d’essoufflement dans les ventes, dit Adrien Martinot. Il y a même une très forte accélération ces trois ou quatre dernières années. Et on a toujours des idées pour de nouveaux pays à visiter, comme l’Espagne. »

Pour le 15e anniversaire de la version Europe, Days of Wonder a lancé un coffret à édition limitée, avec carte surdimensionnée et wagons redessinés présentés dans de jolies boîtes de métal. Son prix de détail suggéré : 160 $.

Autre version très attendue : Les Aventuriers du Rail pour joueur solo, dont la sortie est prévue en octobre sous le titre Défis des Locos.

Une longévité rarissime

Selon Michel Bédard, Les Aventuriers du Rail fait partie d’un club très sélect de jeux qui ont réussi à traverser l’épreuve du temps. « Quinze ans est un âge extrêmement vénérable pour un jeu. Il n’y a même pas 1 % des titres qui ont une durée de vie aussi grande et c’est encore plus vrai aujourd’hui, avec la quantité de nouveaux jeux qui sortent chaque année. »

« Aujourd’hui, la durée de vie d’un jeu est plus courte, ajoute Sylvain A. Trottier. C’est difficile d’imaginer un jeu dont on parlera encore dans 15 ans ! »

Comment explique-t-il cette longévité et ce succès international qui ne faiblit pas ?

C’est un jeu facile à apprendre, mais qui comporte une assez bonne dose de stratégie pour avoir envie d’y revenir. Il plaît à la fois aux joueurs aguerris et aux néophytes, car il n’y a pas mille choix à faire à chaque tour.

Sylvain A. Trottier, spécialiste du jeu

« C’est d’ailleurs un bon jeu pour initier les nouveaux joueurs aux jeux de société modernes autres que Monopoly, Scrabble ou Clue... En même temps, ce n’est pas trop simple, sinon on se lasserait vite », ajoute-t-il.

« La grande force des Aventuriers du Rail est la dose de hasard qui plaît aux joueurs moins habitués, tandis que les joueurs plus stratégiques vont arriver à gérer ce hasard. En plus, il y a une adrénaline constante pendant les parties, car on ne sait pas ce que les autres vont faire. Il faut toujours avoir un œil sur ce que font nos adversaires », ajoute Michel Bédard, à qui il arrive encore d’enfiler les parties sur l’application des Aventuriers du Rail, sortie il y a 10 ans déjà.

« Au pub ludique, le jeu est encore souvent demandé par les clients. Tous les joueurs sont impliqués ; ils apprécient tous leurs parties... C’est un incontournable. »