Les célébrations visant à révéler le sexe du bébé à naître n’ont cessé de gagner en popularité ces 10 dernières années, jusqu’à devenir ambitieuses… et parfois dangereuses. Portrait d’une tendance au départ bon enfant qui inquiète désormais sa créatrice.

Créée en 2008 par Jenna Karvunidis, une blogueuse famille américaine, la « fête de la révélation » (traduction libre du terme habituellement utilisé gender reveal party) est un moment où famille et amis sont réunis afin de connaître le sexe du bébé à venir.

« Au départ, c’était simplement cela, une fête de famille, pour avoir du plaisir », dit Mme Karvunidis, une mère de trois jeunes filles qui habite à Los Angeles.

Les parents ne le savent pas non plus : ils préparent la manigance en amont, par exemple en demandant, lors de l’échographie, à un membre du personnel médical de cacher dans une enveloppe un papier indiquant le sexe de l’enfant. Ensuite, ils remettent cette enveloppe à la personne qui organisera la surprise. Un exemple classique : un pâtissier qui fera un gâteau dont la pâte est rose ou bleue. Il sera coupé pendant la fête, divulguant la nouvelle à tout le monde… y compris les parents.

Sur YouTube, il existe aujourd’hui plus d’un demi-million de ces vidéos de célébrations de révélation du sexe de bébé.

PHOTO FOURNIE PAR STÉPHANIE GRENIER

Stéphanie Grenier, mère de 33 ans de Beaupré, n’a pas partagé l’évènement publiquement. Mais une cérémonie a été organisée pour le dévoilement du sexe de son bébé.

Même si elle ne l’a pas partagée publiquement, Stéphanie Grenier, mère de 33 ans de Beaupré, a elle aussi fait une vidéo du moment clé de la révélation du sexe de sa petite dernière, aujourd’hui âgée de 15 mois… grâce à un tir à arbalète dans un ballon accroché dans un arbre. « Mon chum est un chasseur, raconte-t-elle. Nous avons pris des précautions et avons mis un panneau derrière le ballon pour éviter que la flèche ne se rende on ne sait pas trop où ! »

PHOTO FOURNIE PAR STÉPHANIE GRENIER

Le futur père de l’enfant à naître est un chasseur. Il a tiré à l’arbalète dans un ballon accroché dans un arbre pour révéler le sexe du bébé.

Les invités, massés dehors sur la terrasse (c’était avant la COVID-19), ont vu des confettis roses voler dans les airs et tomber en pluie fine. « Eh oui ! Une quatrième fille ! », lance-t-elle en riant.

Pour Mme Grenier, cette fête visait à rassembler tous les gens qu’elle aime autour de ce bébé à venir. « Ça fait un événement et ça crée des souvenirs », dit-elle en indiquant que le couple avait testé une autre méthode auparavant, avec un tir à blanc d’une carabine dont le canon était rempli de poudre (rose ou bleue).

Des concepts dangereux

À la recherche d’une formule originale et spectaculaire, certains futurs parents redoublent de créativité et poussent le concept à fond… et, parfois, les choses tournent mal. Au Mexique, le 30 mars, un Cessna s’est écrasé dans la mer près de Cancún après avoir déroulé une bannière annonçant l’arrivée d’une petite fille aux parents. Le pilote et le copilote sont morts dans l’accident.

À la fin du mois de février, dans l’État de New York, un père de famille de 28 ans a été tué par l’engin explosif qu’il fabriquait lui-même dans son garage, en vue de la fête de la révélation à venir.

Et en septembre 2020, dans le sud de la Californie, un couple a utilisé des fusées pyrotechniques afin de révéler le sexe de leur enfant, brûlant plus de 22 000 acres de terrain. Quatre résidences sont parties en fumée et un pompier a perdu la vie.

Quand j’ai compris que certains évènements étaient liés aux fêtes de la révélation, ça m’a choquée, ça m’a mise à l’envers et j’ai pleuré. Mais désormais, je sais que je ne suis pas responsable. Les gens sont maîtres de leurs décisions.

Jenna Karvunidis, blogueuse famille américaine

Elle tient toutefois à souligner qu’elle déplore la tenue de ce genre d’évènement. « Je regrette d’avoir démarré cette tendance, indique celle qui fait des études en droit. Les gens doivent savoir que ça peut être dangereux, surtout quand il y a l’utilisation d’une arme. »

Des fêtes non genrées

Aux futurs parents, Jenna Karvunidis suggère de tenir une fête pour révéler le prénom de l’enfant à naître ou, tout simplement, l’arrivée d’un nouveau membre dans la famille. « Je trouve que cela serait plus respectueux des enfants différents pour ce qui est du genre ou transgenres, souligne-t-elle. Quand on y pense, pourquoi au juste célèbre-t-on le sexe d’un bébé ? On s’en fout ! »

Chantal Dauray, fondatrice de nosrituels.com et autrice de Réinventez vos cérémonies, fêtes et rituels, est du même avis : la fête de la révélation nourrit les stéréotypes liés aux genres… alors qu’on parle de plus en plus d’éducation non genrée. « Je vois là une dichotomie, explique-t-elle. D’un côté, on parle de se débarrasser des stéréotypes de genre et, de l’autre, on fait une fête très genrée, avec du bleu et du rose. J’ai un malaise. »

Elle se questionne également quant au sens donné à ces célébrations, loin du rituel et des codes. « J’ai l’impression qu’on a perdu le sens du rituel au détriment de l’aspect spectacle, note-t-elle. Les réseaux sociaux et la course à la vidéo virale y sont sûrement pour quelque chose… »

Mme Dauray ne rejette pas tout de cette tendance : elle croit qu’il y a, pour plusieurs parents, une intention sincère de communiquer une belle et bonne nouvelle. « C’est une façon de personnaliser un moment important et de dire : “Venez vivre ça avec nous” », croit-elle.