Dès samedi, il sera interdit de se trouver hors de sa résidence (ou de son terrain) entre 20 h et 5 h, en raison de l’imposition d’un couvre-feu. Attention : les adolescents sont aussi concernés.

« Les jeunes de 14 ans et plus sont passibles de recevoir une amende de 500 $ », avertit le gouvernement du Québec sur son site internet. C’est deux fois moins que l’amende minimale de 1000 $ à laquelle s’exposent les adultes, mais ça reste une grosse somme pour un mineur.

Seuls les enfants et les adolescents de 13 ans et moins ne risquent rien. « Nul ne peut être poursuivi pour une infraction qu’il a commise alors qu’il était âgé de moins de quatorze ans », stipule le Code de procédure pénale.

Inquiétude dans les maisons de jeunes

Que des adolescents doivent payer une amende de 500 $ simplement parce qu’ils sont dehors après 20 h inquiète Tanya Brunelle, coordonnatrice de projet à la Maison Kekpart, une maison de jeunes de Longueuil. « Les policiers de l’agglomération de Longueuil seront tolérants, mais ils devront appliquer les demandes de la Santé publique et de notre premier ministre », observe-t-elle.

PHOTO FOURNIE PAR TANYA BRUNELLE

Tanya Brunelle, coordonnatrice de projet à la Maison Kekpart, une maison de jeunes de Longueuil, craint que des adolescents ne se voient imposer une amende s’ils sont dehors pendant le couvre-feu. « Lorsqu’ils ont 14 ans et plus, ils peuvent recevoir [un constat d’infraction] à leur nom, indique-t-elle. Cela peut également augmenter la pression sur les parents. »

Angèle St-Denis, directrice de la Maison des jeunes de Repentigny, partage ces soucis. « Je crains que les jeunes n’aient des amendes qu’ils ne pourront pas payer, mais aussi que les parents se retrouvent à payer pour des ados qui sont parfois difficiles à encadrer et à restreindre, explique-t-elle. Certains jeunes ont besoin de faire baisser la pression en sortant faire une marche. Que va-t-il leur arriver ? »

Après plusieurs tentatives de suicide, un adolescent qui fréquente la Maison des jeunes de Repentigny a trouvé un moyen d’éviter de dépasser les bornes : aller courir. « Que va-t-il pouvoir faire à la place, pour évacuer son surplus de stress ? », demande Angèle St-Denis.

Les parents n’ont pas à payer

Soulagement pour les parents : c’est officiellement l’adolescent qui doit payer l’amende. « Les mesures d’exécution prévues au Code de procédure pénale visent la personne ayant commis l’infraction et non ses proches, indique Paul-Jean Charest, des relations avec les médias du ministère de la Justice. Il reviendrait donc à la personne mineure de payer les montants dus et non pas à ses parents. »

Un avis de constat d’infraction sera toutefois transmis au parent, ce qui ressemble à une invitation cordiale à ouvrir son portefeuille… Cette communication a pour but d’informer le parent de la personne mineure « du délai prescrit pour qu’elle transmette un plaidoyer de culpabilité ou de non-culpabilité ou encore pour qu’elle transmette le paiement », précise Paul-Jean Charest.

Les jeunes qui ont un petit boulot pourront peut-être payer l’amende. À condition de garder leur emploi, malgré la fermeture de nombreux commerces et les heures d’ouverture restreintes des supermarchés et dépanneurs. Mieux vaut travailler dans une station-service, par les temps qui courent…

« Nos jeunes qui doivent se rendre au travail à pied ou en revenir, car ils n’ont pas de voiture ou de permis, ils vont se faire accoster chaque fois [s’il est entre 20 h et 5 h], redoute Angèle St-Denis. Ce n’est pas nécessairement bon pour leur estime de devoir se justifier de revenir du travail. Certains vont probablement refuser d’aller travailler. »

Possible de faire des travaux compensatoires

Heureusement, « si la personne mineure est dans l’incapacité de payer les montants dus, elle peut prendre contact avec le percepteur des amendes du ministère de la Justice, dans les délais prescrits, afin d’analyser la possibilité de payer les sommes dues au moyen de travaux compensatoires », précise Paul-Jean Charest. Des travaux communautaires qui seront faits entre 5 h et 20 h, il va sans dire.

« De notre côté, assure Tanya Brunelle, nous allons sensibiliser nos jeunes aux risques et conséquences de ne pas respecter le couvre-feu. »