« Ça ne serait pas le fun, pour les Québécois, si on ne pouvait pas à Noël voir nos familles, voir nos amis », a dit jeudi le premier ministre François Legault, un euphémisme qui a dû soulager nombre de Québécois. S’il est trop tôt pour prédire la forme que Noël prendra cette année, deux constats se dessinent : permettre les gros partys serait mal avisé, mais proscrire tout rassemblement le serait aussi.

Selon les experts consultés cette semaine, tant en santé publique qu’en santé mentale, les autorités n’auraient peut-être pas avantage à interdire aux Québécois de se voir pendant une période aussi importante que le temps des Fêtes.

« Je ne veux pas me substituer à la Santé publique, mais tout ce que je peux dire, c’est que d’être confiné totalement durant la période des Fêtes, ça risquerait d’engendrer une détresse importante », estime Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec. Dans la balance des bienfaits et des méfaits, rappelle-t-elle, la santé mentale doit être considérée. « Et je pense que nos dirigeants sont sensibles à ça actuellement », dit-elle.

François Legault semble l’être, si on se fie aux propos qu’il a tenus jeudi dans sa conférence de presse.

Est-ce qu’on sera capable d’être un groupe de 6 ? Est-ce qu’on sera capable d’être un groupe de 10 ? Il est trop tôt pour le dire. Mais une chose qu’on peut déjà dire, c’est qu’il faut oublier les gros partys de Noël avec 100 personnes, 200 personnes.

Le premier ministre François Legault, à propos des rassemblements des Fêtes

Selon Mathieu Maheu-Giroux, épidémiologiste à McGill, la latitude qui sera offerte aux Québécois pendant le temps des Fêtes dépendra de l’état de l’épidémie au début du mois de décembre et de la situation dans les hôpitaux. « Mais c’est sûr qu’il va y avoir une pression énorme pour ne pas annuler les festivités », dit-il, soulignant la place centrale que Noël occupe dans nos vies.

Si on sait d’ores et déjà que les gros partys ne seront pas permis, c’est parce que le virus de la COVID-19 se transmet beaucoup par des évènements de superpropagation, rappelle Mathieu Maheu-Giroux, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la modélisation de la santé de la population. « Si on met beaucoup de gens dans un petit espace comme une maison, où la circulation d’air n’est peut-être pas optimale, et qu’en plus on boit, on célèbre, c’est certain qu’on peut se retrouver avec de grosses éclosions », résume-t-il.

Vitesse de croisière

Depuis le 1er octobre et pour une durée de 28 jours, Québec interdit les rassemblements privés (sauf pour les personnes seules, les proches aidants, etc.), un coup de barre pour freiner l’épidémie. Cette semaine, le premier ministre François Legault a commencé à préparer les Québécois au fait qu’ils ne retrouveront pas, le 28 octobre, autant de libertés que l’été dernier. Des consignes seront en vigueur pendant « plusieurs mois », a dit M. Legault, qui ne s’est pas encore avancé sur les mesures qui resteront en place après le 28 octobre.

Selon Benoît Mâsse, professeur de médecine sociale et préventive à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, la situation actuelle est bien différente, voire opposée à celle qui avait cours à la fin du mois de mai, au début du déconfinement : il fait froid, on est de plus en plus à l’intérieur, on n’est pas en vacances et les écoles sont ouvertes.

PHOTO FOURNIE PAR BENOÎT MÂSSE

Benoît Mâsse, professeur de médecine sociale et préventive à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Si on déconfine beaucoup trop, ça va prendre deux, trois semaines seulement et on va repartir sur un début de troisième vague.

Benoît Mâsse, professeur de médecine sociale et préventive à l’Université de Montréal

Pour éviter de jouer au yoyo, le gouvernement pourrait commencer à rouvrir doucement, en permettant par exemple des activités encadrées, tant sur le plan social (comme les restaurants), culturel (comme les cinémas) que sportif (comme les arénas), estime Benoît Mâsse. « Ça permettrait d’avoir une vitesse de croisière et surtout que les gens puissent respirer et ne déconfinent pas de façon anarchique », dit-il. Si la situation reste sous contrôle, on peut croire que les autorités permettront ultérieurement les petits rassemblements privés, dit-il.

Il est impossible de savoir où nous en serons, en décembre, mais pour se montrer humaines, et parce que les gens risquent de se rassembler de toute manière, les autorités pourraient permettre des réunions entre familles ou amis à des jours spécifiques (comme les 24, 25, 31 décembre et 1er janvier) avec des balises spécifiques (X personnes ou X foyers maximum), propose M. Mâsse. Il suggère aussi d’envisager de prolonger le congé scolaire des Fêtes à quatre semaines pour commencer l’année avec une épidémie sous contrôle.

Selon Mathieu Maheu-Giroux, le gouvernement pourrait aussi donner des défis à la population pour minimiser les risques de transmission à Noël (comme se confiner le plus possible dans les jours qui précèdent et ne pas envoyer les enfants jouer avec des amis après la fin de l’école) et compter sur le message suivant, essentiel : « Si vous avez des symptômes, même à Noël, restez chez vous. »