Alors que le nombre de nouveaux cas de COVID-19 continue d’inquiéter dans certaines régions du pays, des parents craignent de laisser leurs enfants « passer l’Halloween » cette année. Même que des municipalités, comme Rouyn-Noranda et Amos, ont déjà annulé les visites « porte à porte » à l’Halloween.

Les parents ne savent plus à quels experts se vouer : certains pédiatres spécialisés en maladies infectieuses estiment que ce n’est vraiment pas le moment de passer l’Halloween, en particulier dans les « zones rouges », alors que d’autres soutiennent que cette activité — extérieure — comporte un risque somme toute assez faible.

La docteure Anna Banerji, professeure agrégée à l’École de santé publique de l’Université de Toronto, estime, elle, que le porte à porte devrait « probablement être annulé cette année », alors que « nous venons de fermer des centres de conditionnement physique et des restaurants (dans certaines régions du Québec et de l’Ontario) pour essayer de contrôler la COVID ».

Les zones qui comptent peu de cas seront certes plus sécuritaires à l’Halloween, mais le contact avec plusieurs personnes, même bref, peut comporter un risque plus élevé dans les zones plus chaudes, admet-elle. Or, la professeure Banerji rappelle qu’il sera difficile d’assurer la distanciation physique des enfants, tout excités de voir leurs amis déguisés sur les trottoirs du quartier. « Et les adultes qui sont là aussi seront exposés à tous ces enfants » de maisonnées différentes.

Un risque « très faible »

La docteure Martha Fulford, de l’Hôpital pour enfants McMaster, affirme de son côté que le risque de propagation est « très faible », notamment parce que l’Halloween se passe à l’extérieur. Et il devrait être assez facile pour les parents de maintenir la distanciation sur les trottoirs, en marchant autour d’eux, croit-elle.

La docteure Fulford suggère quand même certaines mesures de protection pour minimiser la transmission potentielle, comme d’obliger les petits monstres à s’en tenir à leur quartier seulement, et s’assurer que les enfants se lavent bien les mains avant de les plonger dans leur précieux butin.

Les adultes qui craignent de contracter le virus des enfants costumés sur leur balcon peuvent aussi user de créativité pour la distribution de friandises. On peut par exemple, si le temps le permet, s’asseoir à l’extérieur pour éviter les dizaines de petits doigts sur sa sonnette.

La docteure Fulford ne suggère toutefois pas de laisser un bol « libre-service » à l’extérieur, car toutes ces petites mains en feront une surface risquée. « Utilisez des pinces […] ou bien construisez une petite rampe, où vous mettrez les friandises dans un tube pour qu’elles sortent à l’autre bout.

« Nous avons appris que la COVID n’est généralement pas bien transmise sur les surfaces […] Les bonbons scellés ne sont donc pas un problème », dit-elle.

L’administratrice en chef de la santé publique du Canada, la docteure Theresa Tam, soutenait mardi que les enfants pourraient passer l’Halloween tant que l’on respecte la distanciation et d’autres mesures de sécurité. Elle a par exemple suggéré de distribuer les friandises sur un bâton de hockey ou d’utiliser des « spaghettis de piscine » pour bien maintenir ses distances avec les petits monstres à la porte.

Masque ou pas de masque ?

Les centres américains de contrôle des maladies (CDC) recommandent quant à eux de faire porter aux enfants un masque en tissu qui pourrait faire partie du costume d’Halloween. L’agence admet qu’un masque de costume ne remplace pas un masque en tissu, mais elle déconseille la superposition de masques, qui pourrait causer des difficultés respiratoires.

La docteure Fulford estime que le couvre-visage n’est pas nécessaire pour les enfants à l’extérieur, mais les adultes qui les accompagnent pourraient en porter si la distanciation devient difficile. Même chose pour les « distributeurs de bonbons ».

La professeure Banerji croit quant à elle que tout le monde devrait porter un masque. Mais plus encore : tout le monde devrait éviter de passer l’Halloween cette année ! « Pour la première fois de ma vie, nous n’allons pas le faire », dit-elle. « Je ne pense tout simplement pas que ce soit sécuritaire. »

Par contre, sa collègue Fulford craint les effets de cette annulation sur les enfants, qui ont « supporté le poids des restrictions pandémiques », des fermetures d’écoles en mars aux activités parascolaires, aux sports d’équipe et aux anniversaires en personne qui ont été supprimés dans les mois qui ont suivi.

« Annuler l’enfance ? »

« On devrait tout faire pour ne pas annuler l’enfance », croit la docteure Fulford. « Qu’est-ce qu’on leur enseignerait ? À avoir peur d’avoir des interactions sociales. Et on ne leur enseignerait pas la résilience. Alors, je m’inquiète. »

La docteure Nicole Racine, experte en psychologie infantile à l’Université de Calgary, affirme que les enfants sont des « créatures d’habitude » qui peuvent trouver une certaine routine et du sens dans des traditions annuelles comme l’Halloween. Elle suggère de trouver d’autres façons, comme une chasse au trésor chez soi, plutôt que d’annuler l’Halloween purement et simplement.

« Il faut recadrer les choses pour les enfants, afin qu’il y ait encore quelque chose à espérer, à apprécier, et encore quelque chose qui peut être très significatif pour eux », estime la psychologue.

« Il faudrait trouver un équilibre entre la réduction des risques pour les autres membres de la société et notre capacité à profiter de certaines des activités sociales liées à la vie de l’enfant. »