Il n’y a pas que les mitaines. Il y a la boîte à lunch, le thermos, les chaussures, l’étui à crayons – et même le manteau ! Certains enfants sont particulièrement doués pour égarer, ou perdre à tout jamais, leurs effets personnels. Pourquoi ? Est-ce que le vide abyssal entre l’école et la maison existe vraiment ?

Laurent, 9 ans, a perdu beaucoup de choses depuis le début de son parcours scolaire : pantalon de neige, manteau d’automne, chaussures de sport, parapluies, tuques, mitaines, casquettes, plats pour le lunch… et même ses bottes d’hiver (deux fois plutôt qu’une). « Il a déjà égaré ses jeans, raconte sa mère, Alice Bélanger. J’ai dû le ramener à la maison en linge d’éducation physique ! »

Mère de cinq enfants, Mme Bélanger a développé des stratégies pour aider son fils : « Je vérifie le soir qu’il a tout dans son sac d’école et il doit me montrer les articles. Si ce n’est pas dans le sac, on le cherche immédiatement, sans quoi je reçois l’information des jours, voire des semaines plus tard… Et alors, c’est certain qu’on ne retrouve plus rien ! »

Cette avocate de 41 ans avoue qu’elle ne compte plus combien ces oublis lui coûtent : « J’achète à l’avance, dit-elle. Par exemple, je prévois trois ou quatre paires de mitaines pour ne pas avoir des achats hors saison à faire… Et je profite des soldes. »

Laurent n’est pas un cas isolé : les espaces réservés aux objets perdus dans les écoles primaires commencent à se remplir… à la rentrée ! « Cet espace devient encombré dès le mois de septembre, note Andrée Gratton, éducatrice dans une école primaire de Granby. Et malheureusement, bien des choses ne sont pas identifiées. Ça finit par coûter cher aux parents ! »

Économiser temps et argent. C’est la mission que s’est donnée Annie Nadeau, mère de deux enfants, en fondant il y a six ans son entreprise d’étiquettes d’identification personnalisées, Colle à moi.

Si toutes les choses que l’enfant apporte à l’école ou à la garderie sont bien identifiées, il y a plus de chances qu’on les retrouve. Personnellement, je garde toujours des étiquettes dans l’entrée de la maison, directement dans les bacs dans lesquels on range les vêtements. Même à la dernière minute, hop ! je peux identifier un article avant qu’il ne quitte la maison.

Annie Nadeau

Selon la psychoéducatrice Stéphanie Deslauriers, les oublis, même répétés, ne sont pas nécessairement liés à un trouble déficitaire de l’attention. Plusieurs raisons peuvent les expliquer. « Un enfant peut être dans la lune de tempérament ou encore être toujours très pressé, il veut arriver le premier à son casier, être le premier dehors, quitte à laisser des choses derrière lui, explique-t-elle. Les corridors sont aussi des espaces de socialisation. L’enfant hypersocial peut être distrait, surtout s’il doit faire du multitâche parce qu’il a beaucoup de choses à gérer. »

Elle rappelle que l’anxiété peut également entrer en ligne de compte : envahi par ses émotions, l’enfant angoissé manque « d’espace mental » pour bien s’occuper de son matériel. « Et si ce n’est pas de l’anxiété, ça peut être un stress momentané lié par exemple à la rentrée, la nouveauté ou encore à un déménagement, une séparation… ou à la COVID-19 ! »

Différentes stratégies

Comment aider les enfants, surtout les plus jeunes, à ne pas s’éparpiller et à garder, le plus longtemps possible, leurs vêtements et leurs fournitures scolaires ? Caroline Godin, mère d’un garçon de 7 ans, a créé une petite affiche que son fils a collée à l’intérieur de son casier : « Tout ce qu’il doit rapporter à la maison y est indiqué : manteau, tuque, mitaines, boîte à lunch, salopette, bottes », dit-elle en ajoutant qu’il n’a perdu « qu’un seul plat et une veste » dans toute son année.

Julie Gauthier-Gauvin, mère d’Alexandre, 11 ans, et de Jeanne, 9 ans, déploie une stratégie différente : elle accroche, dans les casiers de ses enfants, des sacs d’épicerie réutilisables. « Ils y déposent mitaines, cache-cou et tuque », dit-elle.

Les codes de couleurs peuvent aussi aider les enfants à garder la trace de leurs choses, indique Stéphanie Deslauriers. « Avec l’enfant, on choisit une couleur par matière », propose-t-elle. Et pour les vêtements d’hiver, on peut sortir des sentiers battus en choisissant une couleur un peu moins habituelle. « Ma fille repère vite ses mitaines, sa tuque et son cache-cou puisqu’ils sont rouge vif ! » lance Tessa Boudreault, mère de trois enfants d’âge scolaire.

Et au rayon de la boîte à lunch, plusieurs parents ne jurent que par les contenants avec divisions intégrées, de type bento, qui limitent les risques d’égarer les petits plats et couvercles. « Il a un seul grand plat, il ouvre, mange et referme, souligne Caroline Godin. C’est tellement pratique. »

Dans le contexte d’une rentrée en temps de pandémie, plusieurs établissements scolaires ne permettent pas l’utilisation des casiers (en début d’année du moins). Le matériel va donc se promener plus qu’à l’habitude entre l’école et la maison… « Soit ça va être l’enfer, soit ça va les responsabiliser plus vite, laisse tomber Mme Boudreault. C’est à suivre ! »