Le saviez-vous ? L’actuel champion du monde de Scrabble est un Québécois. Mieux, il n’a que 28 ans. Francis Desjardins a découvert le Scrabble à l’âge de 13 ans et depuis, il collectionne les honneurs : six fois champion québécois, il a aussi remporté le titre de champion du monde de Scrabble duplicate (en 2011) et de Scrabble classique (à l’été 2019). Ça tombe bien : cette dernière version est celle que l’on pratique à la maison. Difficile de trouver mieux qu’un champion du monde pour présenter ses trucs de vainqueur…

Faire travailler sa mémoire

« Le Scrabble est d’abord et avant tout un jeu de mémorisation, lance celui qui a participé à son premier championnat du monde à 13 ans. Aucune stratégie ne peut compenser si on ne connaît pas les mots. Ceux qui sont valides ou invalides font partie intégrante des règles du jeu. »

Les joueurs de haut niveau apprennent par cœur les mots – jusqu’à 15 lettres de longueur – de la bible qu’est l’Officiel du Scrabble. Pas besoin d’aller jusque-là, mais Francis Desjardins conseille de « bien apprendre les mots de deux à cinq lettres qui sont formés avec les lettres chères, les fameux J, K, Q, W, X, Y, Z. Il n’y en a pas tant que ça et ces mots peuvent permettre de faire beaucoup de points contre l’adversaire ». En effet, des mots comme kyu, dzo, kylix ou qi (accepté depuis janvier 2020) peuvent rapporter beaucoup, surtout s’ils sont posés sur des cases bonus.

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Il faut bien apprendre les mots de deux à cinq lettres qui sont formés avec les lettres chères, les fameux J, K, Q, W, X, Y, Z.

Ce que ces mots signifient ? Ce n’est pas important pour le scrabbleur. À preuve : l’un des grands champions actuels du Scrabble francophone, Nigel Richards, est un Néo-Zélandais qui ne parle pas un traître mot de français. Seulement, il a mémorisé tous les mots de l’Officiel du Scrabble… Il est surtout connu pour ses exploits en format duplicate (voir encadré).

« Il a mémorisé tous les mots de deux à neuf lettres en deux mois ! Certains s’entraînent depuis 30 ans et n’ont pas autant de vocabulaire que lui », lance le résidant de Saint-Augustin-de-Desmaures.

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Francis Desjardins, champion du monde de Scrabble classique

Maîtriser la conjugaison (entre autres)

Une bonne connaissance des préfixes et suffixes de la langue française n’est pas à dédaigner. Ajouter un « pré » en début de mot ou un « eur » à la fin d’un autre peut aider. Les suffixes verbaux sont particulièrement utiles. En ajoutant un « i », un « it », ou un « ient », on peut allonger aisément un verbe à la troisième personne du singulier. Et engranger de précieux points. « C’est vrai même pour des temps de verbe comme l’imparfait du subjonctif ou d’autres qui ne sont pas tellement utilisés dans la vie de tous les jours, mais qui sont bien connus par les scrabbleurs », dit Francis Desjardins.

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Garder un S en banque peut aussi être une bonne chose pour faire passer des mots du singulier au pluriel.

Veiller sur son reliquat

C’est ainsi que les scrabbleurs nomment les lettres qui restent sur le chevalet une fois leur mot posé sur la planche de jeu. « En général, c’est une bonne idée de garder des lettres qui se marient bien ensemble, comme a-i, a-i-t ou e-r-o-n-t. Garder un S en banque peut aussi être une bonne chose pour faire passer des mots du singulier au pluriel. Ça augmente nos chances de placer toutes nos lettres d’un coup. »

Le champion du monde estime aussi qu’il faut essayer de garder un bon ratio voyelles/consonnes. « Si on a trop de consonnes sur notre chevalet, ce sera difficile de trouver un mot à placer. Au contraire, si on se retrouve avec seulement des voyelles, ce sera difficile de faire beaucoup de points. »

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Le Q est toujours dans le sac ? C’est peut-être une bonne idée de se garder un U en réserve !

Prévoir les coups à l'avance

Autre règle d’or pour gagner au Scrabble : « il faut jouer en prévision de la fin de la partie, pas pour gagner à chaque coup. Par exemple, il est arrivé que je puisse faire 60 points avec un mot, mais c’était préférable d’en faire seulement 40 et de garder de belles lettres pour le coup suivant. Il faut jouer en prévision des coups à venir… »

Il est possible de prévoir les coups (les nôtres comme ceux de l’adversaire) en jetant un œil sur la table de jeu, afin de comptabiliser les lettres qui ont été jouées. Le Q est toujours dans le sac ? C’est peut-être une bonne idée de se garder un U en réserve ! Les deux tuiles blanches et cinq lettres S ont été jouées ? Ça signifie que le S sur votre chevalet est le dernier (le jeu n’en compte que 6). « Une bonne stratégie serait alors de placer un mot et de le terminer juste avant la case Mot compte triple. L’adversaire ne pourra pas placer un S pour mettre le mot au pluriel. Au coup suivant, vous pourrez faire beaucoup de points… »

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Idéalement, il faut essayer de garder un bon ratio voyelles/consonnes.

Jouer défensif

Selon Francis Desjardins, la stratégie n’est pas la même selon qu’on mène ou qu’on est en retard sur la feuille de score. « Si vous menez, votre objectif sera d’assurer votre avance. Il peut alors être avantageux de boucher la grille, de fermer certaines portes à l’adversaire, en particulier les cases les plus lucratives. Par exemple, si le X n’a pas encore été joué et qu’il y a une belle place où le poser sur une case Lettre compte triple, on lui enlève cette opportunité en prenant la place. Il faut lui rendre la vie difficile en lui enlevant les coups évidents. Quand la grille est bouchée, il doit réfléchir davantage pour marquer des points. »

« Au contraire, si on tire de l’arrière, il faut ouvrir la grille le plus possible. Si on se crée plusieurs ouvertures, l’adversaire ne pourra pas tout bloquer. L’idéal serait de créer une ouverture qu’on sera le seul à pouvoir utiliser. L’important est de se donner de l’air. »

Le Scrabble duplicate

Ce format est le plus utilisé lors des tournois, qu’ils soient provinciaux ou internationaux, explique Francis Desjardins. « Les joueurs jouent tous avec les mêmes lettres. L’objectif est de faire le plus de points à chaque tour. Il y a moins de hasard en format duplicate, ce qui plaît à plusieurs. » Lui préfère la formule classique, car elle est plus stratégique, dit-il.

Pour ceux qui veulent essayer le Scrabble duplicate, il y a la possibilité de se joindre à un club fédéré – le Québec en compte des dizaines, chapeautés par la Fédération québécoise des clubs de Scrabble francophones (FQCSF).

Sinon, Francis Desjardins suggère d’aller jeter un œil sur le site de l’Internet Scrabble Club. « C’est de loin la meilleure interface pour jouer en ligne. On peut jouer contre des adversaires partout dans le monde et c’est gratuit en plus ! »

> Consultez le site de l'Internet Scrabble Club