Avec le Japon, la France est le seul pays au monde à tenir chaque année des championnats nationaux de Monopoly. Philippe Pinoli, qui réside à Menton, près de la frontière italienne, a remporté le titre national trois fois depuis cinq ans, prouvant que non, le Monopoly n’est pas qu’une question de hasard. Nous lui avons demandé de nous présenter quelques trucs, question d’avoir une longueur d’avance sur nos adversaires.

Bien assimiler les règles (et les suivre)

Ça peut sembler banal, mais rares sont les joueurs de Monopoly du dimanche qui suivent à la lettre les règles du jeu écrites il y a 85 ans, estime Philippe Pinoli. « Pour raccourcir les parties ou pour les rendre plus équitables envers les enfants, les gens inventent des règles maison qui dénaturent le jeu et le rendent moins intéressant. » Pour diminuer la durée des parties, il suggère plutôt de choisir la variante rapide, utilisée lors des tournois (voir encadré).

Le but du jeu ne change pas : pousser les adversaires à la faillite pour rester le dernier joueur à la table. « Quand on est petit, c’est souvent au Monopoly qu’on apprend à perdre… »

PHOTO FOURNIE PAR PHILIPPE PINOLI

Philippe Pinoli

Or, connaître toutes les subtilités des règles donne un avantage certain. Philippe Pinoli, qui s’est rendu en demi-finale lors des derniers championnats du monde, en 2015 à Macau, est allé plus loin encore : il a appris par cœur les cartes Chance. Ce n’est peut-être pas nécessaire d’aller jusque-là, mais il peut être intéressant de savoir si certaines cartes ont été jouées ou non. « Par exemple, si la carte “Allez sur la Promenade” n’est pas passée, ma stratégie peut changer si j’ai le choix entre piger une carte ou payer… », dit celui qui espère reprendre le titre national, en octobre à Toulon, et ainsi défendre les couleurs de la France aux championnats du monde prévus en 2021 à Hong Kong.

Miser sur les terrains les plus payants

Oubliez la Promenade et la place du Parc, ces terrains bleu foncé « sur lesquels bien des joueurs fantasment ». Les terrains qui rapportent le plus sont ceux de couleur orange – place Saint-Jacques, avenue Tennessee et avenue New York –, suivis par les rouges (les avenues du Kentucky, de l’Indiana et de l’Illinois).

Pourquoi ? Parce qu’ils sont à portée de dés de la sortie de la prison et « que la prison est l’un des endroits où l’on se retrouve le plus souvent ». Le Monopoly est une affaire de mathématiques, rappelle le joueur de 49 ans. Les probabilités d’obtenir un 6, un 8 ou un 9 au lancer des dés sont très élevées. Or, depuis la prison, ces trois chiffres mènent tout droit… sur les terrains orange.

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Les terrains qui rapportent le plus sont ceux de couleur orange – place Saint-Jacques, avenue Tennessee et avenue New York.

Les terrains les moins profitables sont probablement les marrons, estime Philippe Pinoli. « Il n’y en a que deux [les avenues de la Méditerranée et de la Baltique], les loyers sont peu élevés et lorsqu’un joueur s’y arrête, il vient juste de passer Go et de recevoir 200 $. Ça ne lui fait pas très mal en général… Pour évaluer la valeur d’un terrain, il ne faut pas juste considérer son prix de vente, mais aussi son rendement et le prix des maisons. »

Les gares ? « Il y en a quatre. Statistiquement, on tombe dessus plus souvent qu’ailleurs, mais comme on ne peut pas y construire de maison ou d’hôtel, elles ne rapportent pas beaucoup. »

Faire bon usage de la prison

Oui, il y a des moments dans la partie où croupir trois tours en prison peut être une bénédiction. « Lorsque tu es en prison, tu ne cours pas le risque de devoir donner ton argent aux autres joueurs, mais tu continues tout de même de récolter tes loyers. C’est surtout vrai en fin de partie, quand tous les terrains ont été vendus. En début de partie, par contre, il vaut mieux payer 50 $ ou utiliser une carte Chance le plus rapidement possible pour sortir de prison et acheter un maximum de terrains. »

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Oui, il y a des moments dans la partie où croupir trois tours en prison peut être une bénédiction...

Savoir construire avec intelligence

La construction des maisons et des hôtels peut s’avérer cruciale dans une victoire. D’abord, « parce que le rendement des loyers n’est pas géométrique. Il y a une grosse différence de loyers selon qu’on a construit deux ou trois maisons sur un terrain. Le ratio coût/rendement est vraiment meilleur avec trois maisons qu’avec deux, voire avec quatre maisons. »

Ensuite, il est possible de paralyser le développement des autres avec une bonne gestion des immeubles. « Il n’y a que 32 maisons dans la boîte. Ce n’est pas assez pour en construire 4 sur chacun des terrains. Si l’on a un monopole qui compte trois terrains et que l’on construit le maximum de maisons par terrain, on prive nos adversaires de 12 possibles maisons. Il peut être préférable de garder toutes ces maisons plutôt que de construire des hôtels… »

Il ne faut pas non plus oublier que si, pour éviter la faillite, un joueur doit vendre une maison à la banque, cette dernière perdra la moitié de sa valeur. Il faut donc éviter de surconstruire et garder un certain équilibre entre liquidités et biens immobiliers.

Garder un œil sur les pions (et les finances) adverses

« Chaque partie est différente, il n’y a pas de dogmes. Par contre, j’aime bien regarder la position des pions adverses avant de prendre une décision. Je peux faire des choix qui peuvent sembler bizarres, mais qui sont justifiés parce que les pions des autres joueurs sont bien placés pour tomber sur un de mes terrains, par exemple. »

« Il faut y croire jusqu’à la fin et saisir les opportunités lorsqu’elles se présentent. Parfois, ça peut signifier arriver comme un chevalier blanc pour offrir un échange à quelqu’un qui est sur le point d’être éliminé. À ce moment-là, tu peux fixer ton prix… »

Pas trop cher pour les terrains orange. Par exemple…

Pour des parties plus rapides

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Le dé spécial pour des parties plus rapides

En compétition nationale ou internationale, les parties de Monopoly se jouent avec une variante rapide qui nécessite l’utilisation d’un troisième dé. Ce dé à six faces comporte des chiffres et des symboles, qui produisent divers effets sur le jeu. On peut se procurer un jeu neuf qui inclut ce dé spécial, « mais il est aussi possible d’en faire un à la maison. Il suffit de prendre un dé d’une autre couleur et de déterminer quel chiffre correspond à quel symbole », dit Philippe Pinoli. « Les parties durent alors entre 45 minutes et une heure. Ça me permet de jouer le midi avec les collègues pour m’entraîner ! »

> Consultez les règles de la version rapide