L’idée a germé comme une façon de tuer le temps pendant le premier confinement. Mais encore aujourd’hui, Patrick Doucet et sa nièce Sarah Dumouchel, dont La Presse avait parlé en mai dernier, arpentent les rues et ruelles de Montréal pour immortaliser les œuvres murales et graffitis inspirants. Ils en comptent aujourd’hui plus de 950 à leur collection, autant d’occasions, selon eux, de voir le beau dans une ville dont la beauté est souvent contestée.
Ils ont parcouru Montréal sous le soleil, sous la neige, sous la pluie, à pied, à vélo, en auto, en métro et même en taxi. Avant la pandémie, vous auriez dit à celui qui enseigne psychologie au cégep qu’il passerait plus de 200 heures à se promener dans les rues de Montréal, il ne vous aurait certainement pas cru. Aujourd’hui, il peut dire qu’il a des souvenirs ancrés aux quatre coins de la ville. « Je me suis promené partout dans le monde, et Montréal ne m’intéressait pas du tout, affirme Patrick Doucet. Là, je n’ai pas le choix de découvrir la ville. Il y a quand même de grands bouts laids, mais il y a du beau. »
Pour le prouver, le Montréalais a rassemblé dans une série de montages vidéo diffusés sur YouTube les photos qu’il a prises de sa nièce de 8 ans devant les œuvres murales qu’ils ont croisées. D’abord un projet personnel destiné à la famille, sa chaîne est maintenant l’endroit où l’on peut voir le plus large éventail d’œuvres murales présentes dans la métropole. Il existe bien un répertoire publié par la Ville de Montréal, mais il ne recense que celles que la Ville a financées.
> Consultez le répertoire de la Ville de Montréal
Le désir de Patrick Doucet n’est pas tant de bâtir un répertoire complet — il ne fournit d’ailleurs pas d’information sur les œuvres autres que les photos — que de rendre hommage à la communauté de muralistes.
C’est un hommage de deux citoyens ordinaires. Je veux les remercier parce qu’ils ont complètement changé ma pandémie et la sienne [sa nièce].
Patrick Doucet
Au plus fort du confinement, Patrick Doucet et Sarah se rejoignaient presque tous les jours pour poursuivre leur quête. Avec le retour à l’école et la reprise des cours au cégep, ils se voient maintenant surtout la fin de semaine. « À part quand j’ai des pédagogiques, on sort ensemble, précise Sarah. Ce n’est pas un rendez-vous galant, là ! »
Au-delà de la photo, leur promenade est l’occasion de discuter et de plonger dans l’œuvre d’artistes d’ici. Leonard Cohen, Marjo, Oscar Peterson, Renée Claude, La Bolduc, Yvon Deschamps : tous des artistes que l’oncle a fait découvrir à sa nièce avant d’aller voir l’œuvre murale qui leur est consacrée.
« D’autres murales nous ont permis d’aborder des sujets dont je n’avais jamais discuté avec elle, raconte M. Doucet. Sur une porte de ruelle, par exemple, une petite murale où il est écrit ‟L’été sera féministe” m’a permis de lui expliquer ce qu’est le féminisme. » Tantôt, c’est la vue de l’inscription « I Can’t Breathe » qui l’a amené à raconter à la jeune fille l’histoire de George Floyd, un Afro-Américain tué l’été dernier lors de son arrestation par la police. « Il a mis son genou sur son cou, dit Sarah, qui s’en souvient encore très bien aujourd’hui. Aux États-Unis. Vous l’avez lu, hein ? C’était dans le journal. » Une autre fois encore, une œuvre murale montrant un autochtone au visage entièrement couvert d’une sorte de masque leur a donné l’occasion de parler des pensionnats et, encore, de racisme.
Toutefois, précise Patrick Doucet, toutes les œuvres murales et tous les graffitis ne renferment pas de sens profond ou de messages pouvant être abordés avec une enfant.
« Patou, ça veut dire quoi ‟la vie est trop courte pour se raser le pubis” ?
— Euh… »
> Découvrez leur sélection des plus belles œuvres murales de Montréal