Les bars, les plages, les fêtes entre amis… L’été offre une multitude d’occasions aux jeunes adultes de se rassembler. Comment les convaincre de continuer à suivre les consignes de distanciation physique, eux qui sont très peu susceptibles de souffrir d’une forme grave de la COVID-19 ? On en discute avec Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec.

Q. En Floride, la flambée actuelle de cas de COVID-19 serait en partie attribuable aux « jeunes gens » qui ne respectent pas les consignes de distanciation physique, selon le gouverneur, Ron DeSantis. Son homologue en Californie s’inquiète aussi du nombre croissant de jeunes qui reçoivent des tests positifs. Ici comme ailleurs, les jeunes adultes sont-ils plus réfractaires que la moyenne au fait de devoir respecter les directives ?

R. Ça dépend probablement des périodes pendant la pandémie, je vous dirais. À la mi-mai, une publication de Statistique Canada montrait que 87 % des jeunes de 15 à 30 ans se disaient très inquiets, par tant pour leur santé, mais pour celle des personnes plus vulnérables. Là, on est un mois plus tard. Quand le beau temps arrive, il y a une espèce de ruée vers les parcs et les terrasses. C’est vrai sans pandémie, mais c’est encore plus vrai aujourd’hui, pour les jeunes, mais aussi pour beaucoup de gens. Ce qui est particulier des jeunes – surtout des adolescents –, c’est que leurs lobes frontaux ne sont pas complètement matures. Ils n’ont pas toujours la même anticipation des conséquences de leurs actes. Et souvent, il y a un sentiment d’invulnérabilité qui fait qu’ils ne sont pas tant inquiets pour eux.

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Christine Grou, présidente de l’Ordre des psychologues du Québec

Q. Ils n’ont pas complètement tort : c’est vrai que les jeunes risquent très peu de souffrir de conséquences graves de la COVID-19…

R. Exactement. Et plus tu prends de risques, moins il arrive de catastrophes, moins tu as peur du risque dans la vie, à moins d’avoir un gros trouble anxieux. C’est un peu ça qui arrive pour les jeunes. S’ils se déconfinent et que personne ne tombe malade, la confiance revient tranquillement. C’est le défi actuellement : rester prudent en étant un peu plus confiant.

Q. Comme parent, quels arguments peut-on mettre de l’avant pour convaincre son enfant de rester prudent ?

R. Si on essaie d’imposer, en général, on se rend compte que ça ne fonctionne pas. Je pense qu’on est mieux de miser sur le dialogue même si ça peut être frustrant, parfois. Ce qui est important avec les jeunes, c’est d’essayer de comprendre leur perception et leur compréhension de la situation. On peut les guider, au besoin, vers des sources crédibles. Il faut aussi déterminer avec nos jeunes sur quoi on s’entend, puis essayer de trouver un compromis pour les points sur lesquels on ne s’entend pas. Si notre enfant veut voir ses amis et qu’ils seront huit de huit adresses différentes, peut-on négocier pour qu’ils se voient à l’extérieur et à distance ? On peut aussi leur dire ce qu’ils ont à gagner en voyant leurs amis dans telles conditions, comme voir leurs grands-parents en fin de semaine, par exemple.

Q. Est-ce plus difficile de négocier avec un jeune adulte qu’avec un adolescent ?

R. Je ne voudrais pas faire de généralisation. Ça dépend vraiment de la maturité et de la relation. Plus le jeune est mature et plus la relation est bonne, plus ça va être facile.

Q. De façon générale, quelles sont les meilleures approches pour faire embarquer les jeunes adultes dans le mouvement de société qui vise à protéger les plus vulnérables ?

R. Je pense qu’ils ont quand même bien embarqué dans les trois premiers moins de la pandémie. La meilleure façon de bien les embarquer, c’est d’abord de bien les informer, de leur offrir une information claire et juste, mais aussi de leur montrer tous les côtés de la médaille et de leur présenter un raisonnement. Les faire participer à la délibération – même si, en fin de compte, la décision revient souvent aux parents – leur donnera l’impression d’être entendus. Et ils n’auront pas la frustration de ne pas avoir voix au chapitre.