Près de 10 % des familles québécoises étant recomposées, les belles-mères ne sont pas une figure rare. Pourtant, elles sont peu présentes dans les livres et articles publiés sur la parentalité et absentes du droit de la famille. Dans La blonde de papa, un ouvrage auquel 19 femmes, dont plusieurs personnalités, ont participé, l’animatrice et chroniqueuse culturelle Valérie Roberts réfléchit au rôle de la belle-mère d’aujourd’hui.

En devenant, il y a cinq ans, la belle-mère de Léonie et Simone, les deux filles de son désormais mari Martin Juneau, Valérie Roberts a constaté que son nouveau rôle ne venait pas avec un mode d’emploi. En cherchant des femmes prêtes à témoigner publiquement de leur expérience, elle a aussi réalisé que le sujet est tabou.

« C’est un sujet où on marche toujours sur des œufs, constate-t-elle. Il y a toi, en tant que belle-mère, ton amoureux, la maman des enfants, les enfants et les grands-parents qui entourent tout ce grand cercle de la famille recomposée. » Tant de gens qui pourraient être blessés par les propos et gestes de la belle-mère.

Il est temps, selon elle, de développer un vocabulaire précis pour rendre compte de la réalité des belles-mères et en parler de façon positive. Alors qu’en anglais, la blonde du père porte le titre de « stepmother » et la mère du conjoint, celui de « mother-in-law », en français, les deux sont… des belles-mères. Un terme qui, encore aujourd’hui, a du mal à se défaire de la connotation négative que lui a accolée la culture populaire.

« Moi, je dis belle parentalité ou belle maternité, mais en réalité, ce sont des mots qu’on n’utilise pas, même si les familles recomposées existent depuis longtemps, constate Valérie Roberts. Déjà, ça nous indique qu’il y a peut-être une problématique par rapport à la belle parentalité. On n’a même pas développé de langage pour être capable d’en parler. » D’où le choix du titre de son livre : La blonde de papa, un clin d’œil au film La blonde de mon père, avec Susan Sarandon et Julia Roberts.

Un rôle à définir

À la lecture des témoignages qui y sont présentés, on comprend qu’il n’y a pas qu’un cas de figure. Si, pour certaines, il y a peu de nuages à l’horizon, d’autres ne naviguent pas sur un long fleuve tranquille. Les remises en question constantes, les tensions avec la mère des enfants et les liens difficiles à établir avec ces derniers sont chose courante.

« Pour moi, c’est avec la maman que ça a été le plus compliqué, raconte Valérie Roberts. J’ai grandi avec des beaux-parents. J’avais juste envie de m’impliquer. Mais elle était comme : je n’ai pas demandé à ce que tu débarques dans ma vie et que tu t’occupes de mes enfants. Ça a créé des conflits au début, mais je suis contente que, cinq ans plus tard, on ait trouvé des façons de se parler pour qu’on soit à l’aise l’une avec l’autre. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Marie-Ève Leclair avec sa belle-fille Corinne et ses enfants Éloi et Justin.

Marie-Ève Leclair, l’une des femmes qui témoignent dans le livre, s’est retrouvée belle-mère à 25 ans, d’une fillette de 18 mois. Dépassée par son nouveau rôle, ne sachant pas trop quelle était sa place auprès de cette enfant, elle n’était pas très impliquée, ce qui créait des tensions avec son chum. « Quand tu démarres une relation, tu ne sais pas ce que ça va être à long terme, ça va tu finir dans un an ? Mais tu sais que tu as un impact dans la vie de cet enfant-là », remarque-t-elle. Une mise au point a permis à chacun de clarifier ses attentes. « C’est comme si j’avais eu le feu vert : OK je peux l’aimer cette enfant-là, je peux m’en occuper comme si c’était la mienne. »

La question du rôle qu’elles doivent prendre dans l’éducation des enfants et la discipline est au cœur de la réflexion des belles-mères. « Dès que j’ai eu mes propres enfants, on dirait que tout s’est aligné, remarque Marie-Ève. Si tu fais de la discipline avec l’un, tu dois en faire avec l’autre. Quand tu n’as pas d’enfant, tu sais moins où tu t’en vas. »

IMAGE FOURNIE PAR L’ÉDITEUR

La blonde de papa, Valérie Roberts, KO Éditions, 216 pages.

Après avoir été plutôt sévère, pour par la suite tomber dans la permissivité, Valérie Roberts dit avoir réussi à trouver l’équilibre. « Dans les dernières semaines, mon chum a travaillé comme un fou, étant dans les services essentiels en restauration et ne serait-ce que pour ne pas faire faillite, dit-elle. Je me suis retrouvée avec les enfants à faire l’école à la maison. J’ai pris en charge ce qui est discipline et éducation. Mais, tout s’est fait très étroitement avec la maman. »

Le don de soi est un thème qui revient souvent dans l’ouvrage. Tout comme l’ingratitude du rôle qui est confié aux belles-mères.

La particularité de la belle-mère, c’est que si je me lève la nuit pour m’occuper de Léonie, elle va me regarder et me dire : je m’ennuie de maman. Les enfants ne sont pas ingrats, mais la situation l’est. Tu as beau t’investir comme un fou, tu ne seras jamais un parent.

Valérie Roberts

Au sens de la loi non plus. Une question encore plus taboue. L’animatrice l’a constaté récemment à la suite d’une entrevue accordée à la radio où elle a raconté l’histoire d’une femme qui a développé un lien fort avec sa belle-fille, dont la mère biologique est peu présente. « Cette femme n’a pas de droit par rapport à elle, déplore l’autrice. Comme si ça n’existait pas, une famille recomposée. Je ne dis pas que les beaux-parents doivent avoir des droits, mais juste de se poser la question. »

Après l’entrevue, elle a reçu de nombreux messages de mères offusquées par ses propos. « Je les comprends. C’est vrai que ça doit être confrontant. Mais pourquoi être dans l’affront ? On est juste deux femmes qui s’occupent d’enfants. Je ne serai jamais la mère, je suis la belle-mère. Est-ce qu’on peut être complémentaire là-dedans ? »

La blonde de papa, Valérie Roberts, KO Éditions, 216 pages.